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 Édouard Marchand pour $700.00. Aujourd'hui cette terre est codée lots 178-179 sur le 11e rang et 109-111-113 sur le 10e rang. Après vingt-cinq ans de dur labeur, durant lesquels cependant il pourra élever au moins sept enfants qui nous sont connus: Érasme, Rémi, Arzéline, Irénée, Joseph, Charles et Odilon, Eugène revend ces lopins de terre à Moïse Verville pour la somme de $1850.00; c'était le 30 mars 1892. À la même date, il achète de David Leblanc une terre à Tingwick, le lot 458 au chemin Craig pour la somme de $2400.00. Eugène est vaillant, généreux, économe et surtout profondément chrétien. Sa foi lui faisait dire souvent: "Si le bon Dieu le veut". Et l'on avançait dans la vie avec confiance.

        Trois petits traits ont traversé ces années qui nous séparent de la vie de Grand-père et sont parvenus jusqu'à nous. Je cite:

a) Grand-père Eugène conduisait la voiture de Monsieur le curé Pierre Jutras, lorsqu'il faisait la visite de la paroisse.

b) Il ne manquait pas ses 1000 Ave la veille de Noël. La Tradition nous rapporte qu'il y a environ 1000 pas de Bethléem à la grotte où naquit Jésus. Ainsi lors d'une veille de Noël, on battait du grain dans la grange. Ne voulant pas manquer ses 1000 Ave, Grand-père, à tous les 10 Ave. faisait une entaille avec son couteau de poche sur la rampe de la tasserie. Toutes ces coches sont demeurées là jusqu'à la fin des jours de cette grange, au moins 50 ans puisque la grange fut démolie vers 1954. Heureux temps où l'esprit de foi ne nuisait en rien au travail de ces braves gens.

c) Un dernier trait: Plus de trente ans après la mort de Grand-père, à la gare de Warwick, comme on descendait du train le cercueil de notre père Irénée, on entendit deux vieillards - sourds sans doute puisqu'ils parlaient très fort - faire l'éloge du père de Irénée Gagnon: "... le bon vieux père Eugène, je l'ai bien connu dans le temps" disait l'un d'eux.

Notre grand-père mourut sur sa terre à Tingwick, le 16 mais 1901; il fut inhumé au cimetière d'Arthabaska. Lorsque la mort le frappa subitement, il était en train de faucher à la petite faux dans la côte à l'arrière de l'école. Il faut dire que cette école était justement située sur cette côte et n'était séparée de la maison que par une autre légère côte et un petit ruisseau. Cher Grand-père, il venait d'entendre la parole du bon Dieu: "Viens, bon serviteur..."

GRAND-MÈRE VIRGINIE FORTIN (Elle écrivait parfois Eugénie.)

        Notre grand-mère devenue veuve continuera l'exploitation de la ferme avec ses deux jeunes fils Charles et Odilon. Cette femme forte était née elle aussi à Saint-Jean-Port-Joli, le 28 octobre 1847. C'était une personne jolie, avec une chevelure abondante, blonde et qui frisait naturellement. Même parvenue à la soixantaine, elle était encore coquette, nous assure-t-on. Grand-mère Virginie survivra onze ans à son mari et elle mourra sur cette même terre de Tingwick alors occupée par son fils Irénée. Tout d'abord elle avait vendu la terre à son fils Rémi; c'était le 21 août 1901. Rémi ne gardera la terre que six mois; il la remet à sa mère le 15 février 1902. Trois ans plus tard, le 26 mai 1904, par contrat la terre passe à Irénée. Ce dernier a déjà fourni une bonne carrière; il s'était marié à dix-sept ans à Sara Marchand, fille de Onésime Marchand d'Arthabaska. Ce monsieur Marchand, époux de Léontine Tardif, beau-père de Irénée et grand-père de Ida, mourra à 84 ans, le 27 avril 1918. Disons en passant que Sara était la jeune soeur de Louise, la femme de Rémi; donc les deux frères mariés aux deux soeurs. On m'a raconté que Irénée courtisait Louise d'abord, mais Rémi la lui vola lors d'une absence prolongée de son frère. On devine la peine profonde, mais Monsieur Marchand, bon père de famille, présenta Sara au jeune Irénée. Tout est bien qui finit bien.