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de là que date le gros appétit qui est encore le mien à plus de quatre-vingt ans? Il faudrait rappeler lorsque nous marchions au catéchisme pour notre communion solennelle. Nous avions la chance de loger au village chez notre Grand-père McNeil. Cette année-là, notre Grand-mère, paralysée et clouée à une chaise se contentait de nous sourire comme preuve qu'elle nous connaissait et nous aimait, mes cousins et mon frère Oscar. Ces deux cousins étaient Stanilas Ouellette et Aimé Caron. Le temps des fréquentations vers les années '20: Les jeunes gens qui se courtisaient se rencontraient généralement le dimanche et parfois le jeudi. Ils étaient toujours sous la surveillance des parents ou "d'un chaperon" même lors des promenades en voiture et out le monde trouvait cela bien correct; on ne rejimbait pas. Un couple sans surveillance aurait été mal jugé. On se faisait des petites veillées d'amis dans les maisons. Les jeux de société étaient tous bien corrects. Le jeu de clanche surtout était populaire. Vous ne savez pas? C'était le garçon allait tendre la main à la jeune fille d'un autre; ce dernier allait clancher un autre fille ou allait "manger de l'avoine" dans la cuisine... Dans ces réunions, on aimait les chansons à répondre, la gigue et sets carrés. Les musiciens s'en donnaient à coeur joie avec l'harmonica, l'accordéon, le violon ou l'harmonium. Les pianos étaient rares par chez nous. On utilisait même des cuillères pour donner le rythme à nos chansons et c'était gai. HOMMAGE SPÉCIAL À NOTRE PÈRE. Notre père, Irénée
Gagnon, devait mourir à cinquante-huit ans des suites d'un cancer
de l'estomac. Il fut gravement malade durant six mois puis il s'éteignit
chargé de mérites le 10 janvier 1932. Il aurait pu dire:
"J'ai combattu le bon combat, j'attends du Seigneur l'éternel repos".
Sa missions était accomplie sur terre. Papa mourut à Montréal,
sur la rue Notre-Dame, proche la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours. Il
mourut muni des sacrements de la sainte Église, c'était un
dimanche un peu avant minuit. Sa femme et presque tous ses enfants l'entouraient;
il était parfaitement lucide et il avait bien hâte que le
Seigneur vienne le chercher. Le lendemain on le transporta à Tingwick,
sur cette terre où il avait vécu et travaillé durant
28 ans. Je t'entends encore me dire, lors d'une visite que je lui faisais
peu de temps avant son décès: "J'ai rêvé à
un beau champ de blé tout mûr, tout doré... je pense
encore à ces choses-là." Pour moi cette réflexion de
papa était évidente: c'était le symbole de sa vie
bien remplie aux yeux du bon Dieu, lui qui sait tout même nos secrets
les plus intimes. Depuis quelques années, tout en gardant la terre,
papa vivait à Montréal avec maman et les deux enfants encore
aux études, Aurèle et Réal. D'autres aussi demeuraient
encore avec eux: Antoinette, Wilfrid et Maurice qui s'étaient trouvé
chacun un emploi. Pour moi, en ces années-là, j'enseignais
comme professeur laïque à Tingwick. Je devais entrer au couvent
à la fin d'août 1928. Notre père travaillait de nuit
dans une fonderie; il préparait les carrés de sable pour
le travail du lendemain; le matin en revenant chez lui, il aimait entrer
à la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours pour y participer au saint
sacrifice de la messe. De temps à autre il se rendait à la
sacristie pour jaser avec l'aumônier, Monsieur Legrand, un vétéran
de la guerre 1914 et un prêtre qui connaissait bien les problèmes
des familles en ce temps-là. Quatre ans avant son décès,
quelques jours après mon entrée au noviciat, il fit venir
tous ses enfants à Montréal sans leur dire pourquoi. Aucun
ne manqua le rendez-vous. Ce dimanche-là je les vis arriver tous
au parloir. C'était la première fois que toute la famille
se trouvait ainsi réunie dans un parloir d'une maison religieuse.
En me quittant, ils se rendirent chez un photographe. À ce portrait
unique de la famille, on ajouta mon portrait, voilà ce qui nous
vaut aujourd'hui ce trésor de famille. Cher papa, vous avez bien
fait tout
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