parvenue à la soixantaine, elle était encore coquette, nous assure-t-on. Grand-mère Virginie survivra onze ans à son mari et elle mourra sur cette même terre de Tingwick alors occupée par son fils Irénée."

        Après le décès d'Eugène, Virginie Fortin hérita de tous ces biens. Elle vendit la terre de Tingwick soit le lot no. 11 au 5
? rang (plus tard lot 458) à son fils Rémi Gagnon le 21 août 1901. La vente incluait 167 acres de terre avec tous les animaux, voitures, harnais, instruments agricoles, agrès de sucrerie, le foin déjà récolté et à récolter et tous les biens mobiliers sauf les meubles, les articles de lingerie et de coutellerie. Le prix fut de 3500 dollars. Cependant, Rémi cultivait déjà une terre à St-Christophe d'Arthabaska.
        Le 15 février 1902, Rémi Gagnon fit une rétrocession à sa mère de cette terre. Il remit tous ces biens à sa mère sauf un "buggy" couvert, un poêle à cuisine, tous les foins, grains, paille se trouvant actuellement dans la grange, un lot de lin placé au-dessus de la batterie de la grange et tous les biens appartenant à Rémi Gagnon avant la vente de 1901. Rémi pourra utiliser les bâtisses du terrain pendant 2 ans commençant le 15 octobre 1901. Le terrain fut loué à David Verville, cultivateur de Tingwick. La location sera dorénavant perçue par Virginie Fortin. Avant de mourir, Eugène avait acquis une obligation de 1000 dollars avec hypothèque à William Walsh de Tingwick. Virginie Fortin s'acquitta de cette dette.
        Le 26 mai 1904, Virginie Fortin revendit sa terre à son fils Irénée.
        "J'ai très peu connu Grand-mère Gagnon puisque je n'avais que cinq ans lors de son décès. Tout de même j'ai quelques souvenirs personnels. Ainsi je me rappelle qu'elle allait vivre soit chez sa fille Arzeline, Madame Alfred Bouffard, à Arthabaska ou chez nous à Tingwick. Chez notre tante, il y avait de grands enfants alors que chez nous la maisonnée était encore jeune. Le déménagement se faisait en charrette l'été et en bob-sleigh durant l'hiver. Papa attelait deux chevaux et, avec Grand-mère, on apportait tout son ménage: lit avec bas de lit en dentelle, commode, valise, berceuse avec dossier et coussin, même le vase de nuit et son couvercle. En ces années, on ne connaissait pas les toilettes à eau; le jour, il fallait aller à la "bécosse" dehors; la nuit, sur le vase de tout le monde. Un jour que Grand-mère nous revenait "pour tout de bon", disait-elle, nous l'entourions avec bonheur à son arrivée. Tout à coup, très fatiguée du voyage sans doute, elle tomba assise sur une berceuse. Malheur! sur le coussin de cette chaise dormait au soleil le petit chat d'Oscar, mon frère. Du coup, Grand-mère qui était grasse et lourde, l'écrasa à mort. Déluge de larmes chez le jeune garçon de six ou sept ans. Il fallut que papa lui promette un autre chat encore plus beau et pour bientôt. La chambre de Grand-mère était comme un sanctuaire, n'y entrait pas qui le voulait. Je me souviens avoir pleuré pour y entrer mais je pense que c'était surtout pour avoir du sucre d'érable qu'elle gardait en réserve et qui m'attirait. Aujourd'hui j'admire cette femme grisonnante qui se prêtait volontiers pour amuser les enfants, qui tricotait pour nous, qui se fâchait aussi parfois mais que maman protégeait toujours beaucoup et de temps à autre à nos dépens, ce que nous ne comprenions pas toujours. Ce qui est certain, c'est que les grands-parents sont des bénédictions pour les familles surtout quand ils savent égrener leur chapelet comme le faisait si bien notre grand-mère."
        Virginie Fortin est décédée le 4 décembre 1912 dans la maison d'Irénée à Tingwick. Elle est morte dans sa chambre à coucher.