"Je me souviens également de ces jours si tristes où la maison s'emplit de monde le jour et la nuit. C'est que "Mémère" était là couchée sans vie sur des planches recouvertes de draps blancs. Un suaire (linge blanc de toile mince) lui couvrait la figure, robe noire, bas noirs sans chaussures, mains jointes et un chapelet blanc entre les doigts. Des draps blancs couvraient les murs de sa chambre dont on avait retiré tous les meubles. Un cierge allumé tremblotait près du lit funèbre. Toutes les demi-heures, parents et voisins se mettaient à genoux, on retirait le suaire pour découvrir la figure et on récitait un chapelet. Puis on continuait de jaser à voix basse, les hommes ensemble et les femmes de même. A minuit, on prenait un réveillon de sandwiches et on buvait du thé. Le matin des funérailles, on apportait le cercueil pour y déposer la défunte. Grand-mère, comme son mari, fut inhumée au cimetière d'Arthabaska. "Mémère", continuez de veiller sur nous tous du Paradis où nous aimons vous voir. Ici-bas, elle avait atteint la fin de ses jours, âgée de soixante-cinq ans."
       
        L'EMIGRATION EN NOUVELLE-ANGLETERRE
       
                Entre 1830 et 1930, environ un million de canadiens français ont émigré aux Etats-Unis. Ce nombre élevé d'émigrants inquiéta les autorités mais ils ne purent rien faire contre cela. Ils partaient là-bas pour travailler principalement dans les manufactures de textile où ils devenaient tisserands. Les conditions de vie difficile sur les terres et les bas revenus incitaient les gens à chercher du travail dans les usines où la main d'oeuvre était recherchée. Partout dans le Québec, il y eut un réseau de bouche à oreille qui vantait le travail en Nouvelle-Angleterre. Les canadiens avaient la réputation d'être de bons travaillants en plus d'être stables et dociles. Même si sur place les conditions de vie n'était pas les meilleures, ils vivaient mieux que sur les fermes au Canada. Plusieurs s'y établirent définitivement mais d'autres revenaient après avoir accumulé de bonnes économies. La famille Gagnon fut aussi attirée par le travail aux Etats-Unis.
       
        11- IRENEE GAGNON et ALPHONSINE MCNEIL
       
                Irénée est né le 31 juillet 1873 à Arthabaska. En première noce, il s'est marié à Sara Marchand le premier septembre 1891 à Arthabaska. Elle est née le 19 septembre 1869. Ici, on va continuer le récit de soeur Evéline Gagnon.
        "Irénée s'était marié à dix-huit ans à Sara Marchand, fille de Onésime Marchand d'Arthabaska. Ce monsieur Marchand, époux de Léontine Tardif, beau père de Irénée et grand père de Ida, mourra à 84 ans, le 27 avril 1918. Disons en passant que Sara était la jeune soeur de Louise, la femme de Rémi; donc les deux frères mariés aux deux soeurs. On m'a raconté que Irénée courtisait Louise d'abord, mais Rémi la lui vola lors d'une absence prolongée de son frère. On devine la peine profonde, mais monsieur