puis il s'éteignit chargé de mérites le 10 janvier 1932. Il aurait pu dire: "J'ai combattu le bon combat, j'attends du Seigneur l'éternel repos". Sa mission était accomplie sur terre. Papa mourut à Montréal, sur la rue Notre-Dame, proche de la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours. Il mourut muni des sacrements de la sainte Eglise, c'était un dimanche un peu avant minuit. Sa femme et presque tous ses enfants l'entouraient; il était parfaitement lucide et il avait bien hâte que le Seigneur vienne le chercher. Le lendemain on le transporta à Tingwick, sur cette terre où il avait vécu et travaillé durant 28 ans. Je l'entends encore me dire lors d'une visite que je lui faisais peu de temps avant son décès: "J'ai rêvé à un beau champ de blé tout mûr, tout doré... je pense encore à ces choses-là." Pour moi cette réflexion de papa était évidente: c'était le symbole de sa vie bien remplie aux yeux du bon Dieu, lui qui sait tout même nos secrets les plus intimes. Depuis quelques années, tout en gardant la terre, papa vivait à Montréal avec maman et les deux enfants encore aux études, Aurèle et Réal. D'autres aussi demeuraient encore avec eux: Antoinette, Wilfrid et Maurice qui s'étaient trouvés chacun un emploi. Pour moi, en ces années-là, j'enseignais comme professeur laïque à Tingwick. Je devais entrer au couvent à la fin de d'août 1928. Notre père travaillait de nuit dans une fonderie; il préparait les carrés de sable pour le travail du lendemain; le matin en revenant chez lui, il aimait entrer à la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours pour y participer au saint sacrifice de la messe. De temps à autre il se rendait à la sacristie pour jaser avec l'aumônier, Monsieur Legrand, un vétéran de la guerre 1914 et un prêtre qui connaissait bien les problèmes des familles en ce temps-là. Quatre ans avant son décès, quelques jours après mon entrée au noviciat, il fit venir tous ses enfants à Montréal sans leur dire pourquoi. Aucun ne manqua le rendez-vous. Ce dimanche là je les vis arriver tous au parloir. C'était la première fois que toute la famille se trouvait ainsi réunie dans un parloir d'une maison religieuse. En me quittant, ils se rendirent chez un photographe. A ce portrait unique de la famille, on ajouta mon portrait, voilà ce qui nous vaut aujourd'hui ce trésor de famille. Cher papa, vous avez bien fait tout votre possible pour bien élever votre nombreuse famille. Soyez-en béni éternellement. Notre père fut inhumé au cimetière de Tingwick, proche de la grande croix du centre, près de notre chère et bonne petite Alice."

        Le 4 mars 1932, la déclaration de transmission de la succession d'Irénée Gagnon se fit à Montréal. Alphonsine McNeil devint propriétaire de la moitié de la terre de Tingwick. Chaque enfant devint propriétaire du dixième de l'autre moitié. Ces dispositions ont créé beaucoup de problèmes. On ne pouvait s'entendre sur qui devait réellement cultiver la terre. Aimé Gagnon l'a cultivé jusqu'en 1934. Ensuite la terre fut négligée par ceux qui y habitèrent. A une certaine époque, personne n'y habitait.
        Le 15 mai 1942, devant les notaires Albert R. Champagne et Joseph-Edouard Jeannotte, Alphonsine fit son testament alors qu'elle demeurait au 4620 Brébeuf à Montréal.

        "1er Je révoque expressément toute disposition testamentaire antérieure aux présentes.
                2e Je donne et lègue en toute propriété à mon fils Réal