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GÉNÉALOGIE DES GAGNON




        L'histoire des Gagnon commence en France. Nos ancêtres habitaient la région montagneuse du Perche au sud de la Normandie. Cette région a donné son nom à une race de cheval: le percheron. Ils habitaient la paroisse de Saint-Aubin de Tourouvre. Cette localité est aujourd'hui située dans le département de l`Orne en France. Au nord-est de Tourouvre, on retrouve la localité de La Ventrouze. Entre ces deux villages, il y avait un hameau qui portait le nom de La Gaignonnière. Ce lieu porte aujourd'hui le nom de La Ganonnière. Il est constitué de 5 vieilles maisons avec chacun un puits. Plusieurs familles de Gagnon y ont vécu. Ce genre de hameau se retrouve en de multiples endroits. Au nord de Tourouvre et de Ventrouze, il y a la forêt du Perche. C'est un endroit avec quelques collines.
        Au 19e siècle, lors d'un voyage en France d'Honoré Mercier alors premier ministre du Québec, on fit installer à l'église de Tourouvre un vitrail représentant son ancêtre Julien Mercier partant pour le Canada. Cela a été une façon de rendre hommage à tous les percherons qui ont quitté leur pays pour s'établir au Canada. Au même endroit on fit ériger une plaque commémorative rappelant le départ des Gagnon. Elle se lit comme suit:

        1640-1960
        Paix Amour - Loyauté
        L'AN DU SEIGNEUR 1640, DE LA PAROISSE
        DE TOUROUVRE, SONT PARTIS POUR LE CANADA
        MATHURIN, JEAN ET PIERRE GAGNON,
        ANCETRES DE MILLIERS DE DESCENDANTS.
        HONNEUR A CES VAILLANTS PIONNIERS.
        JE ME SOUVIENS.

        Au moment où l'on retrouve les premiers ancêtres Gagnon dans l'histoire, le site de La Gaignonnière existait déjà.
        L'origine du nom Gagnon reste discutable et les hypothèses sont purement spéculatives. En vieil occitan, il pourrait vouloir dire jeune porc. C'est un surnom pour éleveur. En Normandie, Gaignon pourrait signifier chien de basse-cour. C'est le sobriquet d'un homme hargneux. D'autres vont rappeler que le nom Gagnon dans le vieux français vient du mot Gaignon et pouvait avoir plusieurs sens. Il pouvait avoir le sens de gagner, obtenir et atteindre. Il pouvait aussi avoir le sens de s'emparer, prendre et piller. Un autre sens était relié à la culture de la terre. C'était celui de cultiver et exploiter pour en tirer profit.
        L'orthographe du nom Gagnon varie d'un document à l'autre. Au 16ième et au début du 17ième siècle on retrouve les formes suivantes: Gaignon, Gangnon, Gaingnon et Gagnon. La même personne peut avoir son nom écrit différemment dans divers documents. La forme Gaignon va prédominer jusqu'à la fin du XVIIe siècle pour être remplacée par le nom Gagnon.

1- BARNABE GAIGNON et FRANCOISE CRESTE

        Le plus ancien nom que l'on retrouve chez les Gagnon est Barnabé. Il avait possiblement 2 soeurs; Michèle Gaignon mariée à Raoullin Prévost et Honorée Gaignon mariée à Raoullin Bonhomme. D'autres de ses contemporains ont porté ce nom. Des Gaignon tenaient une auberge au village de Ste-Nicole dans la forêt du Perche. Parmi les Gagnon, on retrouve les prénoms de Jehanne, Perrin, Toussaint, Jehan, Laurent, Noël et Gilles dans les papiers du 16e siècle. A Malétable, il y avait une Collete Gaignon mariée à Colas Giguère. Toussaint Gaignon avait une fille Michelle qui s'est mariée en 1593. Cette Michelle est probablement une autre personne que celle mentionnée plus haut. Cependant il n'est pas possible d'établir le lien de parenté entre eux et Barnabé. Le 5 juin 1548, on mentionne son nom dans un acte notarié de vente d'un terrain qui se lit comme suit:
        "Jehan Héron, maçon et Denyse Charron sa femme vendent à noble homme Jehan de la Vove, seigneur de Villiers et de la Forge, plusieurs pièces de terre dont deux boisseaux sis à la Gaignonnière joignant d'un côté au seigneur de Tourouvre, de l'autre à Barnabé Gaignon et d'autres aux communes de la Gaignonnière"
        Barnabé Gagnon était marié avec Françoise Creste. Leur date de mariage est inconnue. On leur connaît au moins deux enfants:

1-        Olivier, né vers 1556 et marié avant 1581 à Antoinette Fébvrier. Il est décédé le 16 décembre 1630. Sa succession eut lieu le 30 décembre suivant.

2-        Pierre. Il était mineur en 1581. Il serait né après 1556. Il s'est marié à Renée Roger vers 1597 à Tourouvre. Il est notre aïeul.

        Leur date de naissance n'est pas précise. Plusieurs registres de paroisse ont été détruits. Ce fut le cas dans plusieurs paroisses lors de la révolution française. Ceux qui ont subsisté étaient généralement rédigés en latin.
        Le 28 janvier 1554, Raoullin Provost et Michèle Gaignon vendent à Barnabé un pré d'un demi boisseau assis au lieu de la Gaignonnière. Barnabé était déjà propriétaire en partie de ce pré. Il l'avait acquis des vendeurs devant Jehan Aubin, tabellion en la chatellerie de la Motte d'Yversay, le 17 mars 1549.
        Le 26 avril 1562, Barnabé est cité parmi les notables de Tourouvre.
        Le 28 décembre 1565, Barnabé fit une autre acquisition:
        "Gervais Roger et Marion Aubert, sa femme, à cause d'elle, demeurant paroisse de Tourouvre vendent à Barnabé Gagnon laboureur demeurant paroisse de Tourouvre, une ferme de maison servant de grange avec un petit plassage au bout contenant onze pieds ou environ avec les marques, bornes ou devises, avec le tour d'échelle devant ou derrière à ladite maison appartenant contenant six pieds avec leurs droits de cour et communes, le tout assis au lieu de La Gaignonnière en la paroisse de Tourouvre, tenu à douze deniers par an envers le Seigneur de La Rozière.
        Et fut la vendition faite pour le prix et somme de douze livres tournois en principal et douze solz en vin du marché de laquelle somme de douze livres ledit acquéreur en a payé sept livres en nobles à la rose et de l'outre plus qui est cent solz les vendeurs en quittent l'acquéreur et ses hoirs à toujours. Et ont les dits vendeurs fait retenue de jouir de la moitié de la grange par usufruit leur vie durant et aussi des fruits des communes du lieu de la Gaignonnière et de ceux du noyer qui est près de ladite grange qui seront départis par moitié chaque année leur vie durant seulement. Et aussi paira ledit acquéreur la moitié de la rente et la moitié des réparations. Témoin: Jehan Héron et Vincent Rotrou."

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        Barnabé a possédé une auberge au même endroit. Plus tard son nom est cité le 23 février 1567 dans le partage de la succession de son voisin Raoullin Bonhomme mariée à Honorée Gaignon. Un premier lot alla à Jehan soit des terres entre le chemin de la Tribouillère et Barnabé Gaignon. Le deuxième lot alla à Loyse mariée à Jehan Bourdoys. Le troisième lot alla à Perrine qui était mariée à Valenthin Martheau. Ses terres joignaient les hoirs de Perrin Gaignon et Pierre Creste à l'est.
        Honorée Gaignon décéda quelque temps après. Le 21 septembre 1568, on fit le partage de sa succession entre les mêmes personnes. Jehan Bonhomme eut une maison et un jardin joignant les terres de Gervais Roger son tuteur, Roullin Provost, le chemin de Tourouvre à Lhôme et le seigneur de Tourouvre. Il eut aussi 2 boisseaux et demi de terre joignant Barnabé Gaignon par les 2 bouts et côtés. Il eut une autre terre joignant des 2 côtés et d'un bout Barnabé Gaignon et l'autre bout à Collas Creste. Le deuxième lot alla à Jehan Bourdoys et Loyse Bonhomme. Ils eurent une étable joignant Barnabé Gaignon ainsi que d'autres terres. Le troisième lot alla à Valenthin Martheau et Perrine Bonhomme. Ils eurent une terre entre la Gaignonnière, la Hervardière et le chemin de Monhuchet à Mézières.
        Ces 2 successions n'impliquèrent pas Barnabé Gaignon comme tel. Elles n'indiquent que ses voisins du temps. De cette époque où plusieurs documents ont disparu, ce sont les indices de sa présence.
        Barnabé et Valentin Martheau, le futur tuteur de son fils Pierre, furent témoins lors de l'inventaire de Michèle Gaignon devenue veuve de Raoullin Provost. Les Provost d'Amérique descendent probablement de lui. Le 29 décembre 1569, Barnabé et Valentin sont aussi témoin d'une renonciation de communauté entre Michèle Gaignon et entre son fils Jehan Provost et sa femme Mathrye Martheau. "Nonobstant que par cy-devant ils aient demeuré ensemble, mangé et conversé les uns avec les autres en une même maison, tout à un pain et un pot."
        Les décès de Barnabé Gaignon et de Françoise Creste remonteraient avant le samedi 28 octobre 1581. Cette date constitue une date maximum à cause du manque de documents à cet effet. Ce jour-là, on procéda à l'inventaire de leurs biens pour la succession. Pour donner un aperçu des biens d'une famille de l'époque, voici la transcription de cet écrit au complet.
        "Le samedi 28 octobre 1581.
        Inventaire fait par moy Gilles Chouaiseau tabellion juré pour le Roi notre Sire et Monseigneur, frère unique de sa majesté, des biens meubles et ustensiles d'hôtel demeurés à Pierre Gaignon fils de défunt Barnabé Gaignon et de Françoise Creste ses père et mère, icelle inventaire fait à l'instance et requête de Valentin Martheau, tuteur et curateur ordonné par justice au régime et gouvernement des corps et biens dudit Pierre Gaignon mineur, montrés et enseignés par ledit Martheau curateur susdit en la présence de Nicolas Creste de la Garenne, de Pierre Olivier et Jehan Bourdoys, demeurant en la paroisse de Tourouvre et de Thomas Pellicot, desquels la déclaration ensuit:

        Et premièrement une génisse à poil rouge et caille.
        Item, deux cochons, une truie, huit pièces de bergeail.
        Item, un lit de plume pesant tant plume que toile, 25 livres,
        demeuré audit mineur
                Item, deux draps de lit tel quel.
                Item, une petite couverture de serge demeurée audit mineur.
                Item, une courtine de lit plus que demi usée.
                Item, une serviette de pain bénit, telle quelle.
                Item, deux petites nappes telles quelles.
                Item, un coffre fait à ouvrage et panneaux fermant à clef, presque neuf.
                Item, un chalit à colonnes, tel quel.
                Item, une huche à pétrain.
                Item, une paire de landiers de fonte tels quels.
                Item, six livres d'étain en vaisselle.
                Item, un essail de fer à servir à rouelles de charrue.
                Item, un coultre de chevaux.
                Item, une poêle de fer à queue.
                Item, un brocq de fer à charger le foin.
                Item, un fût de pippe.
                Item, un muid.
                Item, un poinson.
                Item, un cuvier à lard.
                Item, une baratte de beurre. le tout tel quel.
                Item, demi-poinson de pommes.
                Item, la moitié d'un métier à faire de la toile.
                Item, la moitié d'une paire de fers à gaufriers.
                Item, la moitié d'un croc à fiens (fumier)
                Item, un seau à eau.
                Item, la moitié d'un lot de foin étant au grenier, contenant environ une charretée et demie.
                Le lit garni de toile pesant tant plume que toile, 25 livres appréciées chaque livre à cinq solz à garder pour le mineur pour se coucher."
       
                Après l'inventaire, ce fut la mise aux enchères. Les détails ont été conservés. Les prix sont selon le système monétaire de l'époque.
       
                "Et de tous lesquels biens meubles ci-dessus déclarés vente et adjudication en a été ce jour'hui faite par Claude Doulcet, sergent de la seigneurie et baillage de Tourouvre, en la présence de moi et des témoins ci-après nommés et en la présence de Nicolas Creste, Macé Tessier, Jacques Ysabeau, tous parents et affins dudit mineur.
       
                Et premièrement:
                La génisse à sept livres par Jehan Bourdoys, à sept livres un sol par Martin Febvrier, Par Zacharie Pinguet à 8 livres, 10 solz, par Mathias Thory à 9 livres qui sont 3 écus, adjugée audit Thory pour ladite somme comme au plus offrant et dernier enchérisseur en son lieu à Jehan Bourdoys pour ladite somme. La truie par Marin Febvrier à 4 livres à 105 solz par Odard Morin Par ledit Febvrier à 117 solz par ledit Morin à 2 écus ou 6 livres tournois adjugé.
                Item, les deux cochons à 4 livres, 5 solz par Jehan Journel par Fébvrier 4 livres, 10 solz par ledit Journel 4 livres, 12 solz par ledit Febvrier 4 l. 15 s. comme au plus offrant et dernier enchérisseur, adjugé.
        Item, les huit pièces de bergeail par Noël Olivier, 10 livres par Julien Jouallin 4 écus (12 livres) adjugé.
        Une paire de landiers en fer par François Lesné, 32 solz adjugés à la veuve Damien Loyseau 34 solz.
        Un fût de pippe à 10 solz par Jean Loyseau, par Mathry Charron à 15 solz par Jehan Pichon fils Macé à 22 solz, adjugé.
        Le muid, par Collin Mercyer 15 solz adjugé à Michel Paigne 20 solz.
        Item, le fût de poinson, Loys Charron, 10 solz, ledit Mercier, 11 solz, adjugé audit Charron 12 solz.
        Item, demi poinson de pommes par François Lesné à 11 s. par Jean Bonhomme, 16s, 6d, adjugé.
        Le seau vendu et adjugé à Jacques Aubin, 2 solz.
        Item, les fers à gaufriers adjugés à Valentin Martheau 25s à départir par moitié.
        Le croc à fiens à 3 solz, 3 deniers par Bastien Marmont (?) par Jehan Journel, 3s 4d, adjugé.
        Le brocq à charger le foin par Christophe Baraux (?) 4 solz, adjugé.
        La huche à pain adjugée à Jehan Bonhomme, 18 solz.
        La poêle à queue 2 solz à Macé Maheust.
        La livre d'étain à Valentin Martheaux, 4 solz, 10 deniers la livre ce qui donne pour 6 livres: 29 solz.
        Le métier à toile à Jehan Rousseau, gendre Pathereau, 42 solz.
        Le charlit et le coffre ont été estimés par Julien Jouallin, Collas Creste et autres, à deux écus et gardés par le tuteur pour le mineur.
        La serviette à pain bénit, adjugée à Collas Bouchigny, 10 solz.
        Le foin, 29 solz la trousse, par Collas Bouchigny, 30 solz par Febvrier à 35 solz, adjugée à Collas Bouchigny (à partager par moitié avec son frère).
        La courtine de lit par Mathry Auboys (?) 25 solz, par Martine Menard, à elle adjugée 25s, 6d.
        Item, un tiers de boisseau de pois gris vendus à Macé Tessier, 8 sols.
        Deux cents de paille, adjugé à Valentin Martheau, à 31 solz et s'il en trouve davantage ledit adjudicataire les paiera au prorata dudit prix.
        Trois minots d'avoine vendus à Odard Morin à 10 solz le boisseau soient 30 solz.
        Obligeant lesdits adjudicataires par corps et biens au payement des sommes à quoi ils ont mis à prix lesdits biens meubles à payer toutes fois et quantes qu'il plaira audit tuteur et curateur. Fait en présence de Jehan Journel, Jehan Fébvrier, Mathias Thory et autres de la paroisse de Tourouvre.
        La...de laine blanche 8s, 6d par Jehan Journel pour Valentin Martheau, adjugée quatre livres, trois quarterons à départir par moitié.
        Demi boisseau de pois blancs par Jehan Journel à 8 solz par Collas Bouchigny adjugé à 9 solz, 6 deniers.
        Un tiers de boisseau d'orge adjugé 5 solz à Jacques Aubin.
        Deux boisseaux de chennevis adjugés 6 solz à Valentin Martheau.
        Présents: lesdits Jouallin, Claude Doulcet, Jean Febvrier."

        Le 6 décembre 1581, on procéda au partage des terres entre Pierre Gaignon et son frère Olivier. En voici la description:

                "Furent présents en leurs personnes Valentin Martheau tuteur et curateur de Pierre Gaignon, mineur d'ans et en bas âge, demeurant paroisse de Tourouvre d'une part.
                Et Olivier Gaignon son frère demeurant paroisse de Tourouvre assisté de Jehan Fébvrier son beau-père, d'autre part. Lesquels ont divisé et mis en deux lots et partages les héritages et maisons qui leur sont venus et échus de la succession mort et trépas de défunts Barnabé Gagnon et Françoise Creste sa femme, père et mère desdits partageants par ainsi que le premier lot et partage, contenant ce qui ensuit est et demeure, sera et appartiendra véritablement à toujours audit Pierre Gaignon à ses hoirs ou ayant cause, pris et choisi par ledit Valentin Martheau, tuteur susdit. C'est assavoir la maison manable comme elle se poursuit et comporte tant haut que bas assise à La Gaignonnière avec son droit de cours communes à icelle appartenant joignant d'un côté à Jehan Bourdoys, d'autre côté à ladite cour commune et d'autre bout à Olivier Gaignon qui a le second lot.
                Item, une ferme de maison servant de grange avec un petit lot de jardin étant au bout et au droit ès dites cours communes, joignant d'un côté auxdites communes et d'autre côté à la pièce de derrière les granges avec le tour d'échelle par le derrière, d'un bout au Seigneur de Tourouvre, d'autre bout à l'allée.
                Item, la moitié d'une petite étable près ladite maison manable à partir à travers joignant à la Commune, au verger dudit lieu au chemin tendant de Tourouvre à la Gaignionnère.
                Item, la moitié du plant prise au milieu et tenant ensemble contenant icelle moitié quatre boisseaux et demie, faible mesure, joignant des deux côtés au segond lot d'un bout audit chemin.
                Item, la moitié d'une pièce de terre contenant ladite moitié, deux boisseaux ou environ, joignant d'un côté à Jehan Bonhomme, d'autre côté au second lot d'un bout à la métairie des Touches, d'autre bout auxdits partageants.
                Item, la moitié d'une pièce de terre contenant deux boisseaux 1/2 ou environ, partie de cinq boisseaux, joignant d'un côté aux hoirs feu Roullin Provost, d'autre côté au second lot, d'un bout au champ Poulain.
                Item, 18 perches joignant Valentin Martheau, d'autre côté Jehan Bourdoys et ses consorts, d'un bout les hoirs Jehan Olivier.
                Item, un boisseau de terre ou environ en la Vallée Mocheière joignant la veuve Pierre Creste, la veuve Loys Congnet, les hoirs Jehan Bisson.
                Item, la moitié d'une pièce de terre joignant auxdits partageant et autres, au second lot audit Martheau, appelés le Champ Poulain.
                Item, la moitié d'une autre pièce de terre contenant icelle moitié un boisseau ou environ joignant les hoirs Roullin Provost le segond lot et le pré des Tousches.
                Item, 3/4 de terre ou environ joignant Macé Tessier, le chemin tendant de la forêt du Perche à la Gaignonnière et Nicolas Goddin.
                Item, la moitié d'une pièce de terre contenant ladite moitié un boisseau et demie joignant Mathry Aubin, le segond lot, le chemin des Touches à la Tribouillère.
                Item, un lot de pré de cinq quars joignant les hoirs Collas Creste, le 2e lot et Jehan Bonhomme. La moitié d'un herbage faisant ladite moitié trois boisseaux 3/4 joignant à la commune de la Fontaine au 2e lot au chemin des Touches, à la Tribouillière.
        Item, une perche et demie de terre joignant le jardin de la maison de Valentin Martheau. A la charge de payer les rentes à qui dues sont par moitié et leur portion de poule par chacun an. Tous lesdits héritages situés en la paroisse de Tourouvre à l'ancienne et petite mesure avant l'homologation des coutumes. S'il se trouvent d'autres héritages, les frères se les départiront chacun aura les fruits de ses arbres où ils tomberont et chacun paiera par moitié les frais et vacations, soient 40 solz avant la choisie. Le second lot appartiendra à Olivier Gaignon -- résumé: un cellier, une grange, la moitié de l'étable, un apprenti et généralement la moitié de toutes les pièces de terre dont son frère Pierre Gaignon a eu une moitié.
        Témoins: Messire François Chouaiseau prêtre et Nicolas Creste demeurant au lieu de la Garenne en la paroisse de Tourouvre. Les parties et led. Creste n'ont pas signé. Ledit Chouaiseau témoin a signé en la minute de ces présents passées en la maison du juré à Tourouvre. Signé Chouaiseau."
        Cette description complète d'un inventaire est la seule dans ce livre. Elle donne une bonne idée de ce qui se passe lors d'une succession. D'autres inventaires se sont produits dans les générations suivantes. On n'y fera qu'une description de leurs biens.

TOUROUVRE ET LA FRANCE AU XVIe SIECLE

        Au moyen âge, le canton de Tourouvre était gouverné par les seigneurs de la famille Tourneboeuf. Le dernier seigneur de cette dynastie n'avait qu'une fille comme héritière. Michelle Tourneboeuf épousa Pierre de la Vove en 1456. Ce dernier devint ainsi le nouveau seigneur de Tourouvre. Les descendants de la famille de la Vove dirigèrent ce canton jusqu'en 1759.
        A Tourouvre, il y avait des institutions à caractère religieux. On y comptait 2 confréries. La confrérie de la Charité, érigée en 1534 voyait à l'ensevelissement des morts en faisant des criées publiques. La confrérie du saint rosaire invitait ses membres à méditer sur les mystères de la religion chrétienne. Elle voyait aussi à l'embellissement des églises. La dîme de Saint-Aubin était un événement public qui se tenait le jour de la Pentecôte et le dernier dimanche de juin. A la Pentecôte, on distribuait des aumônes aux pauvres de la région. Au dernier dimanche de juin, on faisait une mise aux enchères pour l'église. Saint Aubin est le patron de la paroisse, soit St-Aubin de Tourouvre. L'église actuelle fut construite au 12e siècle. Les vitraux et les stalles furent posés au 16e siècle.
        Les conditions de vie étaient généralement plus difficiles dans le Perche qu'ailleurs en France. Les montagnes environnantes rendaient le climat plus froid et la culture de la terre en était plus difficile. Plusieurs laboureurs de la région de Tourouvre étaient endettés. La famille Tremblay de Randonnai aurait été les créanciers de nombreuses terres. Leur domaine s'est largement agrandi à la fin du 16e siècle. Ceux-ci possédaient une forge avec un moulin à eau à Randonnai. Un membre de cette famille, Pierre Tremblay qui connaissait bien les Gaignon devait plus tard émigrer au Canada.
        Cette période est relativement troublée en France comme le fut bien d'autres. Elle correspond à la montée du protestantisme sous l'influence
        de la prédication de Jean Calvin. Ces protestants seront appelés huguenots. L'intolérance religieuse devait entraîner plusieurs guerres de religion. Le 16 juillet 1593, à Mortagne, une localité voisine de Tourouvre, il y eut une bataille où une armée de 1500 protestants entra dans la ville. 28 mortagnais se réfugièrent dans l'église où ils résistèrent victorieusement contre les protestants.
                La misère, la pauvreté et les guerres de religion ont incité plusieurs percherons à émigrer au Canada. L'esprit d'aventure le sera également pour certains. Tourouvre a été l'un des villages à fournir le plus d'hommes à coloniser le Canada.
                Ce qui restait en gros de la vieille ville de Tourouvre telle qu'elle était au 16e siècle fut détruit par les allemands le 13 août 1944 durant la guerre mondiale. Ils y mirent le feu avant que les armées alliées s'emparent de l'endroit.
                Le XVIe siècle est celui des grandes découvertes géographiques. L'Espagne et le Portugal ont été les premiers à en bénéficier. Les espagnols ont conquis les Antilles, le Mexique et une bonne partie de l'Amérique du sud. Du côté de la France, les explorations furent plus restreintes. Il y a eu les 3 voyages de Jacques Cartier dans le golfe et le fleuve St-Laurent. Il y a eu aussi une tentative de colonisation de la Floride et de Rio de Janeiro au Brésil par des huguenots français vers 1560. Les espagnols et les portugais ont fait échouer ces projets. Toutefois ce projet devait être repris beaucoup plus tard par des québécois en ce qui concerne la Floride. Il y eut aussi de nombreuses expéditions de pêche sur les bancs de Terre-Neuve. C'est là que les français vont faire leurs premiers liens avec les montagnais.
       
        2- PIERRE GAIGNON et RENEE ROGER
       
                Pierre Gaignon, le fils de Barnabé, est celui qui continue notre lignée. Il était laboureur à la Gaignonnière à Saint-Aubin de Tourouvre puis à la Ventrouze. Le terme laboureur signifie tout simplement une personne qui cultive la terre. Il était mineur lorsque ses parents sont décédés vers 1581. Etant donné qu'il fallait avoir 25 ans pour être considéré comme majeur, il serait né après 1556. Il eut comme tuteur Valentin Martheau. Celui-ci avait comme épouse Perrine Bonhomme et était le gendre d'Honorée Gaignon. Il était l'aîné de sa famille et avait comme frère Jacques et Guillaume. Ce dernier fut le parrain de Louis Gaignon, un des fils de Pierre. Il devait être un proche parent de Barnabé Gaignon. De l'héritage de ses parents, Pierre a pu conserver leur lit et continuer d'utiliser la vaisselle en étain acheté par son tuteur.
                Pierre se serait d'abord marié en première noce avec Françoise Roger. Cette information n'est pas certaine. Après le décès de celle-ci, il s'est marié avec sa soeur Renée Roger vers 1597 à Tourouvre. Pierre savait écrire. Pierre et Renée ont eu 7 enfants. Son frère Olivier Gaignon a été parrain pour certaines de ces naissances. Il est possible que la liste des enfants qui suit provienne des deux mariages de Pierre.
       
        1-        Marguerite, baptisée le 5 octobre 1598. Elle s'est mariée en 1624 avec Eloi Tavernier. Ils ont habité à Randonnai près de Tourouvre. Ils sont venus au Canada. Sa fille Marguerite a épousé Macé Gravel qui fut l'associé des frères Gagnon au Canada. Elle fut inhumée le 7 décembre 1677.

2-        Noël, baptisé le 31 août 1601 à Tourouvre.

3-        Louis, Baptisé le 15 janvier 1604. Il s'est marié le 18 février 1633 à Toussaine de Lépine. Il est resté en France.

4-        Mathurin, baptisé le 22 octobre 1606. Il s'est marié le 30 septembre 1647 avec Françoise Goudeau. Il a émigré au Canada où il fut marchand. Il est décédé le 22 avril 1690 à Château-Richer.
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5-        Mathurine, née vers 1608.

6-        Jean ou Jehan selon l'orthographe de l'époque, baptisé le 13 août 1610 à Tourouvre. Il a émigré au Canada. Il s'est marié le 29 juillet 1640 avec Marguerite Cauchon. Il est décédé le 2 avril 1670 à Château-Richer.
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7-        Pierre, baptisé le 14 février 1612 à Ste-Madeleine de la Ventrouze. Il a émigré au Canada. Il s'est marié le 14 septembre 1642 à Vincente Desvarieux. Il est notre aïeul.

        Le 6 novembre 1600, Pierre Gaignon demeurant à la Gaignonnière vend à Michel Rotrou un tiers de boisseau sis à la Babonnière à Tourouvre.
        Pierre a déménagé à La Boullée, en la paroisse de La Ventrouze. Le 6 mars 1603, il y reçut les comptes de son tuteur Valentin Martheau, demeurant à Armentières. Pierre Gaignon redéménagea à la Gaignonnière quelques temps après.
        Le 8 mars 1605, Pierre acheta pour 18 livres une vache à poil noir de Jehan Bellevue et de Robert Lescuier. Il fit le paiement le Noël suivant.
        Le 8 février 1610, Pierre Gaignon et Renée Roger vendirent à Jehan Creste demeurant au lieu des Boullays à Tourouvre, deux boisseaux de terre aux Larrys pour 83 livres. Pierre reçut comptant 30 livres et un cheval valant 27 livres. Jehan Creste s'engagea à payer plus tard les 26 livres encore dues. La profession de Jehan Creste était charron, c'est à dire un fabricant de charrette.
        Le premier mars 1613, Pierre emprunta 20 livres et 16 solz de Guillaume Maheust à Tourouvre. Il s'engagea à rembourser ce prêt dans un an. Le 22 avril de la même année, il fut témoin d'un gage fait par Jacques Bourdoys de Moulicent, à Michel Bigot, tissier en toile à Tourouvre.
        Pierre Gaignon déménagea de la Gaignonnière à la Grouettière en la paroisse de Lhôme en 1622. Il vendit sa terre de la Gaignonnère le 12 janvier 1622 à Noël Dangereux. Celui-ci la revendit à son frère Olivier Gaignon le 7 novembre 1622.
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        En 1626, Pierre vivait à la Ventrouze. Il était encore laboureur. Le 23 juillet, il eut un accord entre lui et les frères Bourdoys et Mathry Dene. Le 24 juillet, il céda une grange à la Gaignonnière ainsi que tout ce qui put lui appartenir du partage fait avec Olivier Gaignon en la succession de la veuve Guillaume Lesage. Le même jour, il céda une pièce de terre sise au Monsel paroisse d'Auteuil à Noël Bourdoys.
        Le 29 novembre 1630, il est question d'une terre joignant celle de Pierre Gaignon à La Ventrouze.
        Pierre Gaignon serait décédé à la Ventrouze entre 1630 où il signa pour le décès de son frère Olivier, et 1633 où Renée Roger était veuve. Elle habitait une maison à La Ventrouze. Renée Roger serait venue au Canada soit avant 1640 avec ses 3 fils cadets ou en 1643 avec son fils Mathurin. Elle était présente lors de la rédaction du contrat de mariage de Mathurin en septembre 1647. Après cette date, on perd sa trace.

LA NOUVELLE-FRANCE

        C'est vers le début du 17ième siècle que des français vont s'établir en Amérique. En 1608, Jean de Poutrincourt allait s'établir à Port-Royal en Acadie et Samuel de Champlain allait fonder Québec au Canada. Ces deux groupes formèrent la Nouvelle-France.
        Québec a d'abord été un poste de traite pour les fourrures. Mais Champlain voulait la colonisation du Canada. Cependant les débuts ont été très lents. En 1627, le cardinal Richelieu, ministre du roi Louis XIII en France, fonda la Compagnie des Cent-Associés. Cette compagnie avait pour but de coloniser la Nouvelle-France. Parmi les associés, il y avait Robert Giffard. Il était chirurgien et apothicaire. Celui-ci était originaire de Mortagne-au-Perche. Cette ville est située à l'ouest de Tourouvre et les deux sont voisines.
        Robert Giffard est venu au Canada avec un premier contingent de colons en 1628. Mais la guerre fut déclarée entre la France et l'Angleterre. Ils furent repoussés par les frères Kirke dans le Saint-Laurent. L'expédition était un échec. Québec fut pris. La guerre terminée, Québec revint aux français en 1632. A cause du premier échec, la Compagnie des Cent-Associés eut des difficultés financières. Cela ne l'a pas empêché de fournir des colons à la Nouvelle-France de façon régulière. Robert Giffard revint au Canada en 1634 avec sa famille et un groupe de colons. Il fut nommé seigneur de Beauport près de Québec. Il incita plusieurs percherons à s'établir au Canada en donnant des conférences dans les villages.
        A Tourouvre, les gens se réunissaient à l'hôtel du Cheval Blanc qui était à l'époque la maison Macé Pichon. Si les gens y allaient surtout pour boire leur chopine de vin ou de cidre, beaucoup y allaient pour traiter des affaires. C'était l'endroit idéal pour discuter du Canada. Le notaire Noël Juchereau réglait souvent ces affaires en ce lieu. Il connaissait bien la famille Gagnon. Il connaissait aussi Robert Giffard. Noël Juchereau fit signer des contrats d'engagement de trois ans aux gens qui voulaient aller au Canada. L'engagé était libre de revenir en France ou d'y rester après ce temps. C'est probablement sous l'influence de la propagande de Robert Giffard ou de Noël Juchereau que des Gagnon sont venus s'établir au Canada. Ils seront trois frères à venir: Mathurin, Jean et Pierre. Ils sont peut être venus sans contrat. Il devait avoir un
        climat de confiance entre Noël Juchereau et les Gagnon. Noël Juchereau fut témoin au mariage de Jean Gaignon en 1640.
                Robert Gagnon est arrivé au Canada en 1655. Il s'installa sur l'île d'Orléans. Certains croient que Robert est un cousin des frères Gagnon. Il est originaire de Ventrouze. Cependant leur lien de parenté est incertain. Ces quatre Gagnon vont être à l'origine de tous les Gagnon en Amérique du nord. Leurs descendants qui portaient ce nom étaient évalués à plus de 40000 vers 1960. Si on ajoute à cela toutes les combinaisons hommes et femmes pour les descendants, on pourrait en compter quelques millions.
                Jacques Gagnon est né en 1713 à Tourouvre. Il est venu au Canada et a vécu à Chambly vers 1740. Il était soldat. Il n'a pas laissé de postérité.
       
        3- PIERRE GAIGNON et VINCENTE DESVARIEUX
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                Pierre a été baptisé le 14 février 1612 à Ste-Madeleine de la Ventrouze. C'est entre 1635 et 1640 que lui et ses frères sont partis de France pour arriver à Québec. Sa soeur Marguerite, son mari Eloi Tavernier ainsi que leurs deux filles Marguerite et Marie faisaient probablement partie du voyage. Marthe Gaignon qui était une enfant naturelle de Mathurin est aussi venue au Canada.
                Le 3 juillet 1640, les frères Gagnon se sont vu attribuer des terres à Château-Richer sur la côte de Beaupré. Leur position est indiquée sur une carte réalisée par l'ingénieur Jean Bourdon en 1641. Leur titre de propriété fut reconnu par le seigneur Olivier Le Tardif de la compagnie de Beaupré vers 1650. La terre de Pierre était située entre celle de son frère Mathurin et de Jean Cauchon. La dimension de cette terre était de 6.5 arpents de front sur le fleuve et de 126 arpents de profondeur. Cette longueur correspond à plus de 7 kilomètres. Cette terre porte aujourd'hui le numéro de lot 72 à Château-Richer. Elle était située entre la rivière au Sault et la rivière au Chien. Une plaque commémorative fut installée pour rappeler l'emplacement de la terre de Mathurin Gagnon (numéro 73). Il y a eu une erreur lors de son installation; la plaque fut posée chez le deuxième voisin de Mathurin soit Eustache Bacon.
                Au nord-est toujours le long du fleuve St-Laurent, ils auraient possédé le domaine St-Charles près de Cap Tourmente de 1640 à 1646. C'était une prairie que Champlain et Guillaume de Caën avaient déjà exploitée. Ce site fut le lieu d'une incursion iroquoise en 1661.
        C'est à Québec que les frères Gagnon vont se marier. Les mariages de Jean et Mathurin ont déjà été mentionnés. Pierre s'est marié avec Vincente Desvarieux à l'église Notre-Dame de Québec, le 14 septembre 1642. Vincente Desvarieux était originaire de St-Vincent d'Aubermail en France. Aujourd'hui c'est St-Vincent-Cramenil, pays de Caux dans le département de Seine-Maritime. Elle est née en 1624. Ses parents étaient Jean Desvarieux et Marie Chevalier. Jean Desvarieux a fait une déclaration en faveur de sa fille à l'occasion de ce mariage le 21 septembre 1642 dans un acte du notaire Piraubee. Il reconnut que sa fille serait héritière dans sa succession future. C'est le seul acte de notaire qu'il fit faire. Il a aussi signé comme témoin dans certains actes de notaire pour les affaires de Pierre Gaignon. Il est possible que les gens prononçait son nom Vincenne comme semble indiquer plusieurs actes notariés.
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        Pierre et Vincente eurent comme enfants:

1- Jean, baptisé le 3 mai 1643 à Québec. C'est un jumeau. Il s'est marié en 1667 à Marguerite Racine. La même année, lui et son père ont acheté une terre de Nicolas Quentin. Il devint ainsi le voisin de son oncle Jean Gaignon. Il savait écrire. Il est décédé le 26 octobre 1699.
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2- Anne, baptisée le 25 juin 1643. C'est une jumelle. Elle fut baptisée par Jean de Brébeuf qui est considéré aujourd'hui comme étant un des martyrs canadiens. Elle est morte jeune.

3- Pierre, né vers 1646. Il s'est marié le 6 février 1669 à Barbe Fortin. Il est notre aïeul.

4- Jeanne, baptisée le 3 août 1648. Elle est décédée le 6 septembre 1648.

5- Pierre-Paul, baptisé le 5 septembre 1649 à Québec. Il est considéré comme étant le deuxième miraculé de Ste-Anne de Beaupré. En été 1664, à l'âge de 15 ans, Pierre-Paul fut atteint d'une maladie qu'il appelait un flux de sang. Il fit une neuvaine à l'église de Ste-Anne. Il reprit du mieux et commença à manger comme auparavant. Il eut une rechute et sa condition se détériora. Au printemps suivant, il retourna à l'église de Ste-Anne et il refit une neuvaine. Au dernier jour, il fut très malade et il s'attendait à mourir. Il fit une confession, assista à la messe et communia. C'est alors qu'il guérit complètement et il put retourner chez lui. Pierre-Paul fut le troisième canadien à devenir un prêtre. Il a été ordonné par Monseigneur de Laval le 21 décembre 1677. Il fut vicaire à Charlesbourg de 1683 à 1684. Il alla ensuite professé à Ste-Anne de Beaupré à l'époque où son oncle Mathurin était marguillier. Il a été le secrétaire de Mgr de St-Vallier. Il fut le premier curé résidant de Baie Saint-Paul de 1685 à 1701. La paroisse porte encore aujourd'hui le nom de St-Pierre-et-St-Paul. Est-ce une coïncidence que le nom de la paroisse ressemble au prénom de son premier curé? Par la suite, il fut curé de Ste-Anne de Beaupré. Il est mort noyé le 6 avril 1711 à Beaupré. Un monument lui est consacré à Baie St-Paul.
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6- Joseph, né le 27 décembre 1651 et baptisé le 19 février 1652 à Québec. Il est décédé le 28 avril 1680 à Château-Richer.
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7- René, né le 18 et baptisé le 19 septembre 1653 à Québec. Il fut inhumé le 7 octobre 1653 à Québec.
       
8- Marie-Madeleine, née le 10 et baptisée le 12 février 1655 à Québec. Elle est entrée au couvent des Augustines à l'âge de 13 ans. Elle est devenue novice le 5 juin 1669. Elle professe le 26 mars 1671. Elle était religieuse à l'Hotel Dieu de Québec sous le nom de Mère Marie-Madeleine des anges. Elle est décédée le 22 mars 1677 à l'âge de 22 ans. Voici un commentaire des religieuses à sa mort:
        "Elle était véritablement comparable aux anges par sa pureté, son obéissance, son esprit de paix et de douceur, et pour sa dévotion.
        Sa douceur qui est comme la fleur de la charité, l'a toujours rendue très agréable et aux religieuses et aux séculiers qui admiraient également une si parfaite modération et un si absolu empire sur ses passions dans une personne de son âge."
       
9- Raphaël, né le 4 avril 1658 et baptisé le 22 juillet 1658 à Québec. Il est entré au petit séminaire de Québec le 14 mars 1669. Il se noya lors d'une excursion de pêche le 1 octobre 1671 à Château-Richer. Lors de cette tragédie, il était accompagné d'un groupe de jeunes du séminaire dirigés par M. Soumande.
       
10- Noël, né le 9 et baptisé le 10 février 1660 à Québec. Il est entré au petit séminaire de Québec le 21 mars 1670 et le quitta en 1672. Il s'est marié à Geneviève Fortin le 8 juillet 1683. Celle-ci était la soeur de Barbe Fortin, l'épouse de Pierre Gagnon. Pierre et Noël ont entretenu des bonnes relations. Geneviève est décédée le 21 mars 1703. Il s'est remarié à Barbe Cloutier le 12 janvier 1705. Noël a été capitaine de milice de Château-Richer de 1690 à 1708. Il est décédé le 25 novembre 1708.
       
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        Malgré le fait que ni Pierre et ni Vincente ne savaient écrire, ils ont tout de même envoyé plusieurs de leurs enfants à l'école. Leur fils Pierre est le seul à ne pas signer. La majorité de leurs concitoyens étaient analphabètes.
        Parmi les frères Gagnon, Mathurin est celui qui fait figure de chef de clan. Il est le seul des trois à savoir écrire. C'est un commerçant et aussi un habitant. Les trois frères furent membres de la Communauté des habitants. Cette compagnie avait pour but de favoriser la colonisation et de faire la traite des fourrures. Elle devait cesser ses activités en même temps que la compagnie des Cent-Associés soit en 1663. En 1642, Mathurin retourna en France pour régler des affaires de famille et de négoce. Il a probablement ramené sa mère Renée Roger au Canada au cours de ce voyage. Les frères Gagnon restèrent associés pour les affaires commerciales. Les actes notariés de l'époque portent en signature "Sieur Mathurin, Jehan et Pierre Gagnon".
        Le 11 octobre 1647, Mathurin et Pierre Gaignon firent une convention avec Olivier Le Tardif et Marguerite Nicole. Le père de celle-ci était décédé. Les frères Gaignon lui devait la somme de 583 livres. Cette somme fut payée le 26 juillet 1656.
        Le 14 août 1651, le gouverneur Dailleboust concéda aux frères Gagnon et à Macé Gravel un terrain sur la basse ville de Québec. Les frères Gagnon bâtirent un magasin au même endroit près du magasin de la Communauté des habitants. Dans ce magasin, on vendait des produits importés de France. Ce site est aujourd'hui voisin de l'église de Notre-Dame-des-Victoires sur la rue St-Pierre.
        Les frères Gagnon et leur neveu Macé Gravel habitaient la même maison mais dans des appartements différents. Le 6 octobre 1653, les frères Pierre, Jean et Mathurin Gaignon et Macé Gravel dit Brindilière firent un bail au marchand Jean Garos de la Rochelle de leur magasin et de leur maison situés dans le port de Québec. Ce bail était évalué à 180 livres tournois par année. La somme de 90 livres tournois fut versée par Jean Garos pour une période de 6 mois. Le bail pouvait être renouvelé au 6 mois moyennant ce paiement. Cette même journée, ils ont conclu un marché avec Michel Bourdet et Pierre Biron. Ceux-ci étaient menuisiers de la Nouvelle-France. Ils devaient être des engagés venus au Canada pour une certaine période. Ils seraient par la suite retournés en France puisqu'ils n'ont pas laissé de postérité au Canada. Ils eurent à faire plusieurs rénovations dans le magasin. Ils durent refaire le plancher du haut, blanchir la maison et faire une cloison qui irait jusqu'à une poutre près de la cheminée. Les frères Gaignon et Macé Gravel fournirent les planches et les clous. Ils payèrent 135 livres pour ces travaux.
                Les frères Gaignon ont défriché leur terre à Château Richer. Ils passaient l'été sur leur ferme et ils revenaient faire du commerce à Québec durant l'hiver. Comme en tout temps, il fallait aussi payer des taxes. Le 14 janvier 1668, Pierre en son nom et au nom de ses 2 frères envoya son fils Joseph, âgé de seize ans, devant le procureur fiscal afin de payer les taxes de leur magasin. Pierre a loué sa maison à Alexandre Turpin pour 40 livres le 27 septembre 1668. Elle consistait alors en une cave, une cuisine et un grenier. Chacun a vendu sa propriété de Québec pour s'établir définitivement à Château-Richer. Mathurin et Jean ont vendu leur part à Pierre Pellerin en 1668. Pierre Gaignon a vendu la sienne le 12 août 1673 au marchand Michel Lecourt au prix de 600 livres tournois. Aujourd'hui il y a une plaque commémorative à la place Royale à Québec indiquant le lieu où les frères Gagnon ont habité.
                Le 13 mai 1657, Pierre Gagnon a cédé un demi arpent de terre de front à Nicolas Lebel. Cette portion de terrain était située entre sa terre et celle de Jean Cauchon. Le prix fut de 17 sols et 6 deniers. Nicolas Lebel s'est engagé à développer ce terrain d'ici la prochaine année. Cependant il ne pouvait vendre ce terrain sans le consentement de Pierre Gaignon. Pierre racheta cette terre le 30 septembre 1676. Il a dû y avoir d'autres modifications à la forme du terrain de Lebel. Lorsque Nicolas et sa femme Thérèse Mignot revendirent la terre, elle avait deux arpents de front et 12 de profondeur.
                Pierre Gaignon était financièrement à l'aise. Il était en mesure de prêter de l'argent. Il fut créancier à plusieurs reprises. Le 9 septembre 1657, Pierre Parent reconnut devoir la somme de 29 livres tournois à Pierre Gaignon pour l'achat d'un boeuf. Il fit les arrangements nécessaires pour rembourser cette somme. Pierre Parent a probablement remboursé cette dette puisqu'il n'a pas eu à se déposséder de ses biens.
                Le 26 juin 1665, Pierre Gaignon reçut une sommation de Jean Dugal Sieur des Monts. On mentionne par erreur qu'il est marchand de La Rochelle. Il devait rencontrer le seigneur de Tracy pour recevoir des instructions. On ignore le contenu de cette rencontre. Elle pourrait être relative à la venue du régiment de Carignan qui était arrivé au Canada pour combattre les iroquois.
                Au recensement de 1666, Pierre Gagnon déclara qu'il était marchand. En plus de sa famille, il avait un engagé: François Lacroix.
                Au recensement de 1667, Pierre à 54 ans, Vincente 45 ans. Ils possédaient 17 bestiaux et avaient 30 arpents en valeur. Ils avaient deux domestiques: Pierre Poupart et Sanson Auger.
                Le 21 février 1667, Pierre Gaignon acheta 4 arpents de terre à Nicolas Quentin. Cette terre devait servir de don à ses fils Jean et Pierre lors de leur mariage. C'est ainsi que lors du mariage de Jean, il se vit offrir 2 arpents. Jean et sa femme devront rester chez Pierre pendant 2 ans où ils seront logés et nourris. Pierre fera construire une maison mesurant 25 pieds par 18. Les mêmes conditions s'appliquèrent à leur fils Pierre. Cependant il devait s'installer à Ste-Anne du petit Cap près de Cap Tourmente.
                Le 8 mars 1669, Pierre Gaignon et son frère Mathurin firent une transaction pour le regard de leurs terres basses. Le 23 décembre 1670, Mathurin eut une quittance de 169 livres de Pierre Gaignon. Le but de cette affaire n'est pas clair. Ces 2 papiers notariés furent mentionnés plus tard dans l'inventaire de Mathurin Gaignon. Les documents originaux s'y rapportant sont perdus.
        Les jésuites s'attendaient à obtenir la concession de l'île Jésus près de Montréal en seigneurie. Ils avaient eux-mêmes donné le nom de cette île en l'honneur de la compagnie de Jésus. Le 20 mai 1669, le père Claude Dablon, procureur de la compagnie de Jésus promit à Pierre Gaignon que si les jésuites obtenait cette concession, il aurait sa propre seigneurie. Il promit au père Dablon de verser aux jésuites le tiers de la rente seigneuriale qu'il recueillerait de ses censitaires. En cette même journée, le père Dablon accorda déjà à Pierre Gaignon une lieue de front de l'île Jésus à une profondeur équivalente à la moitié de l'île. Pierre pourra choisir lui-même l'emplacement de cette lieue. La prise de possession se ferait à la fin juin. Cependant les jésuites n'ont pas obtenu la concession de l'île Jésus. Elle fut plutôt accordée à François Berthelot qui la céda à son tour à Mgr François de Laval en 1675. Celui-ci laissa le nom de Laval à la ville actuelle. Pierre Gaignon perdit la seule possibilité qu'il eut de posséder une seigneurie. On peut se demander de quelle façon que Pierre a eu des contacts avec les jésuites. Le père Claude Dablon était un prêtre missionnaire qui avait déjà tenté d'évangéliser les iroquois et les outaouais. On parle de lui dans les relations des jésuites. Il a même rédigé quelques lettres dans ces relations. Pierre Gaignon n'est pas cité dans ces relations. Par contre le fait qu'il soit marchand et qu'il ait fait la traite des fourrures avec les amérindiens l'a sûrement mis en contact avec eux. Lui-même ou ses employés ont dû s'entretenir avec les jésuites.
        Pierre-Paul Gaignon, le fils de Pierre, étudia et habita au séminaire de Québec pour devenir un prêtre. Le 21 mars 1670, Pierre Gagnon l'aida dans ses études en lui faisant une rente de 50 livres par année et en lui offrant une pension. On désirait qu'il devienne prêtre pour qu'il fasse des prières et oraisons pour ses parents et amis tant vivants que trépassés. Il fut ordonné le 21 décembre 1677. Le 31 décembre 1678, Pierre lui offrit une rente de 75 livres par année afin de lui donner les moyens de vivre honnêtement de la profession ecclésiastique. Cette rente prit fin avec le décès de Pierre Gaignon.
        Les frères Gagnon ont fait la traite des fourrures. En 1670, René Filiatrault, coureur de bois, a effectué pour le compte de Pierre Gagnon 2 voyages chez les outaouais. Son salaire devait être de 4 minots de blé pour le second voyage. Il a poursuivi Pierre devant les tribunaux pour avoir son dû le 7 août 1672. Cette même année, il y eut une ordonnance contre les coureurs de bois. On interdit aux gens d'acheter ou de vendre des biens avec les coureurs de bois. D'autres ordonnances rendront plus difficiles le commerce avec les coureurs de bois. Il est difficile de savoir si ces lois ont favorisé ou défavorisé Pierre Gaignon dans ses affaires. L'économie de la colonie dépendait en partie du commerce de la fourrure.
        Pierre Gaignon s'est rendu à Montréal à quelques reprises pour des affaires commerciales. Le 30 juillet 1674, il fait une quittance de 12 livres à Paul Dazé, maréchal ferrant sur l'île de Montréal. L'année suivante, le 14 mai 1675, il s'est vu imposer une obligation par les dames religieuses de Montréal. Le contenu de ce texte est illisible puisque le notaire Bénigne Basset écrivait à l'endos de ses feuilles et que l'encre passait à travers de celle-ci. Le lendemain, on y apprend que Pierre doit fournir 100 minots de blé froment aux religieuses de Montréal et de payer 50 livres à la révérende mère. Cette somme fut aussi payable aux religieuses de Québec. Il semble que la cause de tout cela soit relié à l'habit de religion de Marie Racine. Le premier août 1680, Pierre reçut à titre de marchand le transport d'une dette de 67 livres de René Moreau et de sa femme Jeanne Merin à Jacques Beauvais. Ce dernier était chaufournier, c'est à dire une personne qui produisait de la chaux avec un four. René Moreau se faisait appeler le Sieur du Breuil et Jeanne Merin devait posséder quelques droits seigneuriaux puisqu'elle avait déjà concédé des terres.
                Le 20 septembre 1678, Pierre et Vincente firent une sorte de testament où ils se donnèrent mutuellement leur bien en cas de décès d'un des conjoints. Les deux firent valoir leur grande amitié et affection. Ils ont travaillé dur, ils ont souffert et enduré pour gagner et amasser des biens. Le partage de leurs biens à leurs enfants se fera après le décès des deux époux.
                Le 17 octobre 1678, Pierre Gaignon fit passer un contrat d'engagement à Noël Chapeleau et à sa soeur Marie Anne. Ils étaient les petits-enfants de son frère Jean Gaignon par sa fille Jeanne et son gendre Jean Chapeleau. Les parents des jeunes Chapeleau auraient été incapables de continuer à prendre soin d'eux pour des raisons de santé. Pierre accepta d'en prendre soin, de subvenir à leur besoin et de leur donner une bonne éducation chrétienne. En retour, ces enfants devront travailler sur la ferme. Leur engagement devra se terminer à l'âge adulte.
                Au recensement de 1681, Pierre avait 70 ans et Vincente, 60 ans. Leur fils Noël restait chez eux. Ils avaient comme domestiques ou employés Jean Savard, 24 ans, Pierre Savard, 17 ans, Noël Chapeleau, 14 ans et Marie Chapeleau, 12 ans. Pierre possédait 2 fusils, 22 bêtes à cornes et 40 arpents en valeur.
                Pierre et Vincente étaient maintenant vieux. Le 7 juillet 1683, on rédigea le contrat de mariage de leur fils Noël avec Geneviève Fortin. Ils s'engagèrent à habiter avec leurs parents Pierre et Vincente jusqu'à leur décès. Noël eut la charge de prendre soin d'eux, de faire valoir leur terre, de les entretenir et de les nourrir. En retour de tous ces services, Noël recevra la somme de 1500 livres à leur décès. Cette clause amena un malentendu entre Pierre et son fils Noël. Le 17 février 1687, on fit spécifier clairement que cette somme de 1500 livres devra être versée après le décès des 2 parents.
                Sur le plan religieux, les Gagnon ont contribué à implanter la dévotion à sainte Anne. Ils ont ainsi continuer une tradition qui remontait du temps qu'ils vivaient à Tourouvre. Il y avait là-bas un lieu de pèlerinage dans un site appelé le "Carrefour Ste-Anne". La chapelle de cet endroit fut détruite pendant la révolution française. Mathurin était marguillier à Château-Richer en 1662.
                Durant toutes ces années, les Gagnon ont pu fréquenter d'autres colons originaires de la région de Tourouvre. On retrouve les noms de Julien Mercier, Pierre Tremblay, Robert Giguère, Michel Aubin et de Louis Guimond. Ce dernier est considéré comme étant le premier miraculé de Ste-Anne de Beaupré mais il devait périr aux mains des iroquois en 1661 après un long supplice.
                Vincente Desvarieux est décédée le 2 janvier 1695 et fut inhumée le 3 janvier à Château-Richer. Elle a reçu tous les sacrements. Elle avait 73 ans. Après son décès, le 18 février 1695, Pierre fit la donation de ses biens à son fils Noël. Il considéra dans son choix que son fils Jean et les héritiers de son fils défunt Pierre avaient déjà reçu 1500 livres et que Pierre-Paul, prêtre à Baie St-Paul avait reçu 500 livres. Il avait payé une dette de 1000 livres de son fils Pierre pour le séminaire de Québec en 1684. Noël n'avait encore rien reçu. Afin d'entretenir la paix et l'amitié parmi ses héritiers et de récompenser la personne qui prenait soin de lui au cours des dernières années, Noël reçut les terres de son père. Pierre étant très âgé, espérait ainsi qu'il aurait quelqu'un pour prendre soin de sa personne jusqu'à sa mort.
        Le 29 mars 1695, ce fut l'inventaire des biens de Pierre Gaignon. Ses biens se répartissaient en articles de cuisine, en vêtements, en matériel de chambre à coucher et en bestiaux. Dans la cuisine, on retrouvait une crémaillère, une paire de chenet, 4 marmites, une poêle à frire, une passoire, 2 poêlons, 2 chaudières de cuivre rouge, 2 petites chaudières de cuivre, 2 chaudières moyennes, 3 grandes chaudières, une pelle à feu, un moulin à poivre, une broche à rôtir avec une lèchefrite, 77 livres d'étain, une tasse d'argent et une demi douzaine de cuillers, une paire de balance, 2 flambeaux de cuivre avec les mouchettes, 2 chandeliers de cuivre, 2 fers à repasser le linge.
        Dans les outils, il y avait 2 marteaux à faux avec 2 enclumes, une grande hache, un outil à bardeaux, 3 vieilles haches, 2 fourches à fumier, 3 crocs à fumier, un essieu de fer et 2 chaînes de charrue, 2 paires de vieilles roues, 2 paires de grandes roues, 4 chaînes de traîne, 3 faucilles, une paire de tenaille, un vilebrequin, une petite malle de fer et 4 faux.
        Pour les chambres à coucher, il y avait 4 couvertures de laine blanche, 2 couvertures rouges, 3 couvertures bleues, 4 couvertures blanches, 3 lits à plumes, 2 coffres.
        Dans les vêtements, il y avait 21 chemises de femmes, 5 nappes, 4 nappes en toiles, 24 mouchoirs de col, 15 autres mouchoirs.
        Comme bêtes, il y avait 2 grands boeufs, 2 autres boeufs plus petits, 3 vaches dont 2 qui appartenaient à Noël, 2 chevaux avec leur harnais et 2 poulains.
        Dans les inventaires, on relevait les dettes actives et passives. Pierre était financièrement à l'aise et avait des dettes passives. Il avait prêté 100 livres à la veuve Jean Joly, 30 livres au sieur Decoullonge, 20 livres à François Lacroix et 200 livres au sieur Legardeur. On relevait aussi les actes de notaire et les droits de propriété. Le contenu de ces papiers à été vu plus haut. Dans tous les inventaires énumérés dans ce livre, on releva à chaque fois les papiers de notaire. Nous avons de cette façon un indice qui prouve que les maisons de nos ancêtres n'ont pas été détruites par le feu ou par d'autres catastrophes. Dans un tel cas, ces papiers auraient disparu.
        Le lendemain, on fit le partage des biens de la communauté entre Pierre Gaignon et Vincente Desvarieux. Les biens furent d'abord séparés en lots égaux par Antoine Toupin et Charles Lefrançois. Un de ces lots fut échu à Pierre Gaignon. Il pourra continuer à utiliser le contenu pour son usage personnel. L'autre lot revint aux 4 héritiers de Pierre. Ce lot fut à son tour séparé en quatre autres petits lots égaux. On prépara 4 billets d'égale grandeur et on tira chacun des billets. Le premier lot revint à Pierre-Paul Gaignon qui était représenté par le prêtre Guillaume Gaultier. Le second revint à Jean, le troisième à Noël et le quatrième aux héritiers de Pierre Gaignon fils représentés par Barbe Fortin. Ces derniers eurent les vêtements ayant appartenu à Vincente Desvarieux.
        Ensuite, on procéda au partage de la terre de Pierre Gaignon. Sa terre mesurait alors 8 arpents et 8 perches. Elle était située entre celle de son frère défunt Mathurin au nord-est et celle de Jean Cauchon au sud-ouest. Sa terre fut partagée en 2 lots. Au nord-est, on fit un lot de 4 arpents et 8 perches de front. Au sud-est on fit un autre lot de 4 arpents. Le lot du nord-est avait 8 perches de plus à cause d'un ruisseau qui a servi à séparer la terre de Mathurin Gaignon avec celle de Pierre. Cette limite fut probablement fixée en 1669 entre les 2 frères pour leurs terres basses. Pierre Gaignon choisit le lot du nord-est pour lui. L'autre lot fut séparé entre les héritiers. Noël Gaignon s'arrangea pour acheter toutes les portions des autres héritiers.
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        Pierre Gaignon est décédé à Château-Richer le 17 avril 1699. Il fut inhumé le 18 avril 1699. Il avait 87 ans.
        Même si la succession de Pierre Gaignon fut en grande partie réglée, ses héritiers firent une convention pour compléter le partage de ses biens le 25 avril 1699. Ses héritiers étaient ses fils Jean, Pierre-Paul, Noël et les enfants mineurs de son fils Pierre Gaignon. Ils firent le partage des biens de la façon suivante. Ils séparèrent les biens en 4 lots différents. On prépara 4 billets d'égale grandeur qu'on plia et roula. On fit un tirage au sort. Le hasard fit en sorte que l'ordre des noms fut le même qu'au premier partage en 1695. Le premier lot alla à Pierre-Paul, le second alla à Jean, le troisième alla à Noël et le dernier lot alla aux enfants mineurs de Pierre Gaignon. Ces derniers reçurent entre autres une pelle à feu, quelques vaisselles, une chaudière de cuivre rouge, un flacon d'étain, 2 linceux, un lit de plume, un fer à repasser, 2 chemises et 2 serviettes. Geneviève Gaignon, la fille de Pierre et de Barbe Fortin reçut sa part le même jour.

CONFLIT CONTRE LES IROQUOIS ET LES ANGLAIS

        La vie quotidienne en Nouvelle-France sera périodiquement perturbée par des attaques iroquoises et anglaises. Les iroquois étaient déjà les ennemis des hurons et des algonquins avant l'arrivée de Champlain à Québec. Celui-ci s'était allié aux hurons et aux algonquins contre les iroquois. C'est ainsi qu'en 1609 eut lieu la première bataille entre les français et les iroquois. Cette victoire française devait être le début d'un long conflit. Les iroquois vont s'allier avec les anglais et les hollandais qui leur fourniront des armes à feu.
        Les guerres entre les français et les anglais remontent au moyen âge. Après leur dispute féodale pour le contrôle de la France et de l'Angleterre, ils vont devenir des rivaux pour le contrôle du territoire en Amérique du nord. C'est ainsi que les Kirke vont occuper Québec de 1629 à 1632. La ville reviendra ensuite aux français.
        Pendant ce temps, les iroquois se renforcèrent. Il y eut beaucoup d'accrochages entre iroquois et français autour des villes de Trois-Rivières et de Ville-Marie (Montréal). Les alliés hurons et algonquins perdirent leur puissance à cause des épidémies amenées par les européens et des armes à feu des iroquois. Ces derniers firent beaucoup de ravages vers 1660 dans la vallée du St-Laurent. En 1661, il y eut une incursion d'iroquois sur la côte de Beaupré. La grand-mère d'Angélique Caron, Marie Crevet veuve de Robert Caron, fut capturée par ceux-ci. Julien Fortin, le père de Barbe, va rapporter ces faits. Château-Richer, là où les familles Gagnon habitaient, ne fut pas attaqué parce que les iroquois évitaient les lieux où la population était nombreuse. La venue du régiment de Carignan en 1665 va rétablir une période de paix.
                La guerre contre les iroquois reprendra vers 1689. Des français ont posé un traquenard à des iroquois. Ceux-ci furent amenés de force et furent envoyés en France pour ramer sur des galères. Les iroquois se vengèrent en faisant le massacre de Lachine. La petite guerre qui s'ensuivit devait entraîner la mort de plusieurs colons. On se rappellera l'épisode de Madeleine de Verchères. Pendant ce temps, Frontenac revint au Canada avec les survivants iroquois du traquenard. Pour ramener la paix. il organisa une expédition contre les iroquois en 1696. Noël Gagnon, le fils de Pierre, prit part à cette expédition. Il était à cette époque capitaine de milice. Lorsqu'il revint, il fit célébrer une messe d'action de grâce à Ste-Anne. Les iroquois et les autres tribus amérindiennes signèrent par la suite un traité de paix avec les français en 1701. Cette paix devait être durable.
                Durant cette période, les hostilités reprirent avec les anglais. Le roi de France Louis XIV révoqua l'édit de Nantes et ce fut l'expulsion des protestants du pays. La France perdit des alliés sur le continent européen. La guerre de la ligue d'Augsbourg éclata plus tard. Cette épopée est celle où Pierre Lemoine d'Iberville fit ses exploits militaires. En 1690, les canadiens firent 3 expéditions contre la Nouvelle-Angleterre. Ceux-ci revinrent victorieux même si le massacre de Schenectady a fait plusieurs victimes innocentes. A Boston, le général Phipps prépara une flotte pour attaquer l'Acadie. Après sa victoire, il vint se présenter devant Québec pour s'en emparer. Dans une telle situation, les habitants sont appelés à prendre les armes et à devenir des miliciens. C'est le genre d'armée sur laquelle Frontenac pouvait compter. Aux anglais qui lui demandait sa reddition, il fit sa citation célèbre :"Je répondrai par la bouche de mes canons." Phipps attaqua Québec mais il perdit la bataille. S'il y eut d'autres batailles contre les anglais, ce ne fut pas dans la vallée du St-Laurent. Durant cette période, les canadiens eurent généralement le dessus sur les anglais. La paix revint en 1697. Cependant c'était partie remise avec les anglais.
       
        4- PIERRE GAIGNON et BARBE FORTIN
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                Pierre est né vers 1646. Au recensement de 1667, il avait 21 ans et habitait encore chez ses parents. Il s'est marié à Barbe Fortin le 6 février 1669 à Château-Richer.
                Barbe Fortin est née le 21 octobre 1654. Au moment de leur mariage, elle avait 14 ans et Pierre en avait environ 23. Elle était la fille aînée de Julien Fortin et de Geneviève Gamache. En 1661, Julien Fortin a plaidé devant la justice à propos des ravages faits par des iroquois à Château-Richer. On retrouve son nom dans de très nombreux actes notariés. Il était considéré comme un homme généreux. Au recensement de 1681, Julien possédait 2 fusils, 16 bêtes à cornes et 20 arpents en valeur. Il serait décédé le 21 novembre 1687.
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        Barbe Fortin fut pensionnaire chez les Ursulines de Québec en 1666. Ce fait est confirmé par le recensement de 1667. Elle était capable d'écrire.
        Le curé Thomas Morel a écrit en 1667, un miracle accompli à Ste-Anne du petit Cap sur la côte de Beaupré:
        "Barbe Fortin, fille de Julien Fortin belle fontaine habitant de Beaupré âgée de douze ans ou environ attaquée de pleurésie et en danger de mort, ayant esté recommandée sainte Anne par ses père et mère qui luy firent un voeu et une neuvaine receut aussytot parfaite guérison à la fin de la neuvaine."
        Dans leur contrat de mariage, ils se sont vu offrir une terre de 2 arpents de front sur le fleuve St-Laurent. Sur cette terre, il y avait une maison de 25 pieds de long par 18 pieds de large. Cette terre avait été achetée par son père Pierre le 21 février 1667 de Nicolas Quentin. Il reçut la partie voisine de son frère Jean. Cette terre correspond au lot 79 de Château-Richer. Les époux pourront être logés et nourris chez Pierre Gaignon père en y faisant des travaux pendant 2 ans. Les époux recevront de Julien Fortin une dot de 800 livres. Barbe Fortin reçut dans l'immédiat une somme de 500 livres en plus de ses habits, de bestiaux et d'ustensiles. Le reste des 300 livres sera versé dans 2 ans. Ils se marièrent en communauté de biens.
        Pierre Gaignon et Barbe Fortin eurent comme enfants:
       
1- Marie-Madeleine, née et baptisée le 28 mars 1671 à Château-Richer. Elle s'est mariée le 10 juin 1686 à René Lepage. Lors de ce mariage, elle reçut en cadeau deux taureaux d'un an de son père et une vache de deux ans de son grand-père Julien Fortin. René reçut une terre de 4 arpents de large avec maison, grange et étable. Celui-ci fut le seigneur de Rimouski, Ste-Claire, L'anse aux coques et Pachot. Cinq de leurs seize enfants entrèrent en religion.

2- Joseph, né le 1 et baptisé 11 janvier 1673 à Beaupré. Il s'est marié le 17 février 1700 à Agathe Bélanger. Il fut inhumé le 10 février 1736.

3- Geneviève, née le 4 et baptisée le 20 mars 1674 à Cap Tourmente. Elle s'est mariée en 1692 à Charles Bélanger.

4- Augustin, né et baptisé à Cap Tourmente le 18 octobre 1675. Il est mort avant 1681.

5- Pierre, né le 4 et baptisé le 20 janvier 1677 à Cap Tourmente. Il s'est marié à Elizabeth Lacroix le 14 novembre 1701 à Beaupré. Il fut inhumé le 5 décembre 1749.

6- Charles, né le 17 et baptisé le 18 mai 1679 à Beaupré. Il s'est marié le 19 janvier 1706 à Anne Bélanger. Il s'est remarié à Scholastique Toupin le 27 juillet 1744. Il fut inhumé le 17 février 1759 à St-Michel.
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7- Marguerite, née le 9 et baptisée le 10 février 1681. Elle est morte jeune.
       
8- Marguerite, née le 2 et baptisée le 3 février 1682 à Beaupré. Elle est décédée le 30 mai 1686.
       
9- Alexandre, né le 6 et baptisé le 7 janvier 1684 à Beaupré. Il s'est marié le 26 août 1711 à Angélique Caron. Il est notre aïeul.
       
10- Marguerite, née et baptisée le 7 janvier 1687 à Beaupré. Elle s'est mariée le 24 novembre 1704 à Pierre Lefrançois. Elle fut inhumée le 26 décembre 1722.
       
11- Jean-Baptiste, né et baptisé le 26 janvier 1688 à Beaupré. Il s'est marié le 15 janvier 1714 à Françoise Ouellet à Rivière Ouelle. Il a habité à St-Roch des Aulnaies. Il devait se remarier 3 autres fois soit à Marie-Françoise St-Pierre le 4 janvier 1726, à Marie-Anne Pinel le 17 août 1750 et à Madeleine Pierre-Jean le 19 septembre 1762. Il est décédé le 3 février 1769 à Ste-Anne de la Pocatière.
       
                Pierre Gagnon a acheté le lot numéro 108 à Ste-Anne de Beaupré le 27 novembre 1669 d'Estienne Morel par Charles Aubert de la Chesnaye. Cette terre avait 5 arpents de large. Elle touchait à la rivière Ste-Anne. Elle devait recouper ou passait très près du mont Ste-Anne qui est aujourd'hui un centre de ski alpin. Son père l'aurait aidé à acquérir cette concession. Il faut savoir ici que les numéros de lot et cadastre furent attribués vers 1850. Ils correspondent tout de même à la position réelle du terrain. Le seigneur de Ste-Anne était Monseigneur François de Laval.
                Le 25 janvier 1675, Pierre et son frère Jean Gaignon achetèrent de Martin Guérard une terre de 6 arpents de front avec le fleuve. Cette terre correspond aujourd'hui au lot 79 de Château-Richer. Dans la maison de leurs parents, ils partagèrent ce terrain en 2 moitiés égales de 3 arpents de front sur le fleuve. Pierre eut la moitié nord-est soit celle qui touche à la concession des héritiers de Robert Drouin. Le 6 mars 1676, Pierre échangea avec Nicolas Vérieul cette terre du lot 79 contre le lot 106 situé au sud-ouest de sa première terre. Ses deux terres étaient séparées par celle de Silvain Leveau.
                Le 28 mars 1677, Pierre et Barbe Fortin firent un échange avec leurs voisins François Lacroix et sa femme Anne Gaignon. Celui-ci avait déjà été domestique chez son père. Pierre lui vendit un arpent de front sur le fleuve St-Laurent par 50 de profondeur à l'extrémité nord-est de sa concession 108. Il reçut en retour une machinerie "garantie de tout trouble".
                Le 6 avril 1677, le séminaire de Québec qui gérait la seigneurie de Ste-Anne évalua les biens de Pierre Gaignon. Pour une raison obscure ou de rente seigneuriale, Pierre fut obligé de payer la somme de 1500 livres. Ce montant était énorme. Une paire de boeufs pour travailler dans le champ était évaluée à 120 livres. Le paiement de cette dette se fit en 1684.
                Au recensement de 1681, Pierre avait 35 ans et Barbe avait 27 ans. Ils avaient sept bêtes à cornes et 12 arpents en valeur.
        En 1684, son voisin Silvain Leveau est décédé. Pierre en fut l'exécuteur testamentaire. Il fut aussi le tuteur de son fils Estienne. La terre des Leveau étant à l'abandon, il fit passer des annonces pour trouver quelqu'un qui pourrait la cultiver. Il est probable qu'Estienne Leveau ait habité chez Pierre depuis ce moment. Estienne Leveau reçut sa part d'héritage le 5 janvier 1695. Il avait à cette date comme tuteur Pierre Gagnon. Ce Pierre ne pouvait pas être lui-même, puisqu'il était décédé à cette date. Son père Pierre aurait été trop vieux pour être son tuteur. De même son fils Pierre avait presque 18 ans lors de cette remise donc trop jeune. Il pourrait à la limite avoir occupé le rôle de tuteur.
        Le 25 octobre 1684, Pierre Gaignon paya sa dette aux messieurs du séminaire de Québec. Il paya de sa poche la somme de 500 livres. C'est son père Pierre qui paya la différence au montant de 1000 livres. En retour, Pierre fils dut à son père la somme de 1000 livres.
        En 1687, il y eut une épidémie de rougeole appelé fièvre pourpre. Pierre Gaignon serait mort de cette maladie le 10 août 1687 vers midi. Il eut sa sépulture le 11 août. Il avait environ 40 ans. Son père Pierre et son beau-père Julien Fortin étaient présents aux funérailles. Au moment de sa mort, la situation de Barbe était la suivante. Elle avait 32 ans. Sa fille aînée, Marie, était déjà mariée. Elle avait six enfants à la maison et elle était enceinte de Jean-Baptiste. Alexandre avait trois ans. Elle prit ses affaires en main. Noël Gaignon, le frère de Pierre et Eustache Fortin, le frère de Barbe furent les tuteurs des enfants.
        En novembre 1688, Barbe Fortin alla rencontrer Charles Roger sieur de Colombier. Elle y remboursa une dette. Charles Roger se présenta chez un notaire le 15 novembre et reconnut que la dette était remboursée.
        Le 12 avril 1690, on fit l'inventaire des biens de Pierre Gaignon. Cet acte fut rendu nécessaire à cause du remariage de Barbe Fortin avec Pierre Lessard. Dans la maison, il y avait une crémaillère, 2 marmites, 2 poêles à frire, une grande chaudière de cuivre jaune, une moyenne chaudière de cuivre rouge, une autre chaudière, 2 petites chaudières de cuivre jaune, un gril, un vieux réchaud, 2 fers à repasser le linge, une paire de balance, 3 grands plats d'étain, 46 livres d'étain, un pot d'étain, une chopine demiard roquille, un vinaigrier, 2 douzaines et demie de cuillers et 9 fourchettes d'étain, une tasse d'argent, 2 chandeliers et 2 lampes, une pelle à feu, une cuiller à pot, 3 bouteilles de gros verre, 12 assiettes de faïence, une huche, une douzaine de terrines et 2 grands pots de terre.
        Comme outils, il avait 2 fusils, une paire de rouettes de charrue, un vieux soc et un coutre, 2 chaînes de charrue avec les harnais et 2 chenilles, une enclume et marteau, 3 vieilles haches et une vieille houe, une vieille gouge, un seau, un sciote, un croq à fumier, 4 vieilles faucilles, une paire d'armoire avec la ferrure, un canot et une table. Comme monnaie, il avait de l'argent valant 113 livres.
        Comme vêtements, il avait 2 paires de souliers pour homme, un manteau doublé, 4 justaucorps, une camisole d'étoffe rouge, une culotte de drap gris. Dans les chambres à coucher, il y avait 3 lits de plume, 3 oreillers, une couverture verte, 3 couvertures blanches, 2 tours de lit, une couverture à grand poil, 3 vieilles couvertes, 8 paires de linceux(?), 2 paires de draps, 11 chemises d'homme neuves, 4 autres chemises, 21 nappes, 3 douzaines et demie de serviette, 2 douzaines d'essuie-mains, une garniture de lit, 2 chaînes, un coffre avec la ferrure, un autre coffre contenant plusieurs pièces de linge usagé.

        Comme bestiaux, il avait une paire de boeufs de 6 ans, 2 autres boeufs de 3 ans, 6 vaches à lait, 3 jeunes vaches, un cheval de 3 ans avec son harnais, 3 veaux de l'année précédente, 3 veaux de l'année, 3 cochons, 5 poules dinde et 6 oies.
        Dans le grenier, on retrouvait 2 tinettes, 3 barriques et demie, des pots de vinaigre, 3 minots de blé froment et 30 minots de blé en farine.
        Comme bâtiments, il avait 2 maisons, une étable et une grange. La maison était faite en colombage. Ses dimensions étaient de 25 pieds de longueur et de largeur. Elle était menacée de tomber en ruine. Au bout de cette maison, il y avait une allonge neuve de 14 pieds de largeur avec un poêle. La grange mesurait 50 pieds de longueur par 20 de largeur. L'étable mesurait 20 pieds de longueur par 18 pieds de largeur. La grange et l'étable étaient faites de planche et étaient recouvertes de paille. Un autre bâtiment se trouvait sur son autre terre située entre Silvain Leveau et Jean Lepicard. Sur cette terre, il y avait 2 arpents labourables et 10 arpents en prairie.
        Pierre Gaignon avait aussi des dettes passives et actives. Il devait au marchand Jean Lepicard la somme de 50 livres et 10 sols. Il devait surtout à son père Pierre la somme de 1000 livres qui avait servi à payer la dette du séminaire de Québec. Cette dette ne fut jamais remboursée. A la succession de son père, on fera allusion à cette dette pour favoriser Noël Gaignon. Pierre avait aussi prêté de petites sommes d'argent. Il avait prêté la somme de 11 livres et 10 sols à Pierre Dupré, 5 livres à Charles Lessard et 50 livres au sieur de la Chesnaye.
        Le 14 mars 1691, on fit l'inventaire des vêtements du défunt Pierre et de Barbe Fortin à la demande de Noël Gaignon, tuteur de leurs enfants mineurs. Les items furent 2 jupes de camelot rouge, un manteau de camelot noir, un justaucorps d'étamine rayée, un manteau d'étamine, une jupe, une robe de chambre de serge, 2 jupes dont une de serge blanche et une autre de serge grise, 3 tabliers de toile blanche, une demi douzaine de mouchoirs de col de toile blanche, 26 coiffes de toile blanche, 7 paires de manchettes, 6 douzaines de mouchoir de col, 5 douzaines de coiffe et de mouchoir de col et 20 chemises neuves. Le tout fut évalué à 321 livres. On peut supposer que plusieurs pièces de vêtements dont les mouchoirs et les coiffes étaient faites à la maison par Barbe Fortin. Après avoir rédigé cette liste de vêtements, on procéda à la clôture de l'inventaire.
        Le 3 avril 1691, on fit la mise aux enchères des biens de Pierre Gaignon. Quoique les biens de cette vente ressemblent à l'inventaire du 14 mars 1690, on remarque que Barbe Fortin et Pierre Lessard ont conservé une partie des biens de Pierre Gagnon. Cette vente se fit dans la maison du défunt durant l'avant midi. On y vendit 2 chaînes de charrue et 2 chenilles de fer, 4 attelles de charrettes, 4 attelles de charrue, une enclume et un marteau, une grande marmite, une petite marmite, une grande chaudière, une petite chaudière jaunie, une autre chaudière, un fer à repasser du linge, une lampe et un chandelier, une paire de balance, six assiettes de faïence, un pot de terre, 2 vieilles haches, 2 vieilles faux, 4 vieilles faucilles, une grille, une chaîne de traîne, un moulin à poivre, une pinte d'étain, une chopine, un coffre, 2 plats d'étain, 2 assiettes d'étain, un bassin d'étain, un égouttoir d'étain, une salière d'étain, une tasse d'étain, une écuelle d'étain, 7 chemises de toile de chambre, 7 draps, un tour de lit, une paire de vieux drap, un demi tour de lit, une chaudière, une chappe et 3 justaucorps. On y vendit aussi les pièces de vêtements qui furent évaluées le 14 mars. Cette vente rapporta 545 livres. Ce montant fut partagée entre les enfants mineurs de Pierre Gaignon par leur tuteur Noël Gaignon. Une autre vente de meubles eut lieu au profit des enfants mineurs de Pierre Gaignon le 10 mars 1692. Ça se passa après la grande messe chantée à l'église de Château-Richer chez le chirurgien de l'endroit. On y vendit une paire de soulier, 6 chemises de femme, une douzaine de serviette, 3 tabliers, une paire de manchette, 9 essuie-mains, une gousse de mousseline, 10 coiffes, 12 nappes, 2 mouchoirs, plusieurs pièces de menu linge, une douzaine de serviettes, 6 assiettes d'étain, un bassin d'étain, 8 cuillers et 5 fourchettes, 3 plats d'étain, un vieux coffre et une vieille serrure. La somme rapportée fut de 84 livres et 2 sols. Ce montant fut recueilli par Noël Gaignon à titre de tuteur.

REMARIAGE DE BARBE FORTIN AVEC PIERRE LESSARD

        Barbe s'est remariée le 16 avril 1690 à Pierre de Lessart ou Lessard à Beaupré. Il est né le 4 août 1658 à Québec. Celui-ci était le troisième fils de Etienne de Lessart.
        Etienne de Lessart était très connu à Beaupré. Il était originaire de Chambois près d'Argentan en Normandie.Il vivait aisément. En 1657, il donna une parcelle de terrain pour la construction d'une église à Beaupré. Sous la direction de Monseigneur de Laval, il y eut la construction de trois églises. Ce site est aujourd'hui un lieu de pèlerinage très connu. C'est l'emplacement de la basilique Ste-Anne de Beaupré. Le 4 mars 1677, le gouverneur Louis Buade de Frontenac concéda à Etienne de Lessart l'île-aux-Coudres à titre de seigneurie. Cependant il ne l'a jamais habité. Il la vendit au séminaire de Québec en 1698. Au recensement de 1681, Etienne possédait 3 fusils, 7 bêtes à cornes et 40 arpents en valeur. Il fut capitaine de milice en 1684 et marguillier à Ste-Anne. Il était un ami de Julien Fortin. Cela a pu favoriser la rencontre entre Pierre Lessard et Barbe Fortin.
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        Quant à Pierre de Lessart, Il eut la concession de la seigneurie des Éboulements le premier avril 1683. Ce lieu porte le nom des Éboulements à cause d'un gros éboulis qui se produisit lors du tremblement de terre de 1663. Cette seigneurie fut vendue à Pierre Tremblay le 18 mars 1710. Il eut d'autres seigneuries par la suite. Pierre Lessard ne savait pas écrire. Etienne et Pierre Lessard n'ont jamais habité sur leurs seigneuries. Il n'y avait probablement personne pour les habiter à la fin du 17ième siècle. Ces lieux commencèrent à être peuplés au cours du 18ième siècle.
        Avant leur mariage, Pierre Lessard a participé à une expédition chez les amérindiens outaouais pour faire la traite des fourrures. Il était accompagné de Joseph Lemire. Ils ramassèrent des peaux de castor et de loutre. Le 24 avril 1688, Pierre Lessard vendit à Joseph Lemire sa part pour les profits qu'il pourrait faire avec ces fourrures. Il obtint la somme de 180 livres. De cette façon, Joseph Lemire put vendre toutes les fourrures et garder tous les profits pour lui. Dans cette vente, il y a une anomalie qui serait considérée comme étant une faute grave. On retrouve sur l'acte de vente une signature de Pierre Lessard. Or il a toujours déclaré qu'il ne savait pas signer.
        Pierre Lessard avait une dette envers Charles Aubert de la Chesnaye. Le 27 avril 1688, il reconnut qu'il lui devait la somme de 460 livres pour payer des arrérages de rentes seigneuriales. Son père Etienne a hypothéqué ses biens comme garantie.
        Leur contrat de mariage fut rédigé le 13 avril 1690. Ils se marièrent en communauté de biens. Pierre Lessard s'engagea à prendre à charge les enfants du premier mariage de Barbe Fortin. Il devra voir à les nourrir, subvenir à leurs besoins, les élever dans la religion catholique et de les envoyer à l'école autant que possible. Cette dernière condition ne fut probablement pas respectée puisqu'Alexandre Gagnon ne saura pas écrire. Les enfants ne pourront retirer aucun salaire de leurs travaux et services avant l'âge de 18 ans. Après leur mariage, ils habitèrent dans la maison du défunt Pierre Gagnon.
        Le 29 mars 1691, Barbe Fortin procéda au partage de la terre avec ses enfants. Elle prit la moitié nord-est des lots de la concession 106 et la moitié nord-est des 4 arpents restant sur la concession 108. Ses enfants eurent la moitié sud-ouest de ces concessions.
        Barbe Fortin eut encore six enfants de son mariage avec Pierre Lessard.
       
        1- Etienne, né le 23 janvier 1691 à Beaupré et décédé le 29 novembre 1714 à L'Islet.
       
        2- Marie-Thérèse, né le 19 septembre 1692 à Beaupré. Elle s'est mariée à Louis Gagné à L'Islet le 1 août 1714. Ils ont hérité de Pierre Lessard de 31 arpents et demi de front de la seigneurie de Lessard près de Rimouski. Ils l'ont vendu le 28 juin 1748 à Paul Lepage de Molé. Elle est décédée le 31 décembre 1750 à Cap St-Ignace. Louis Gagné est décédé le 27 juillet 1754.
       
        3- Prisque, né le 6 février 1694 et décédé à L'Islet le 26 novembre 1721.
       
        4- Barbe, née le 6 juin 1695 à Beaupré.
       
        5- François, né le 21 novembre 1696 à Beaupré et décédé le 15 décembre 1696.
       
        6- Geneviève, née le 17 février 1698 à Château Richer. Elle s'est mariée à Pierre-Paul Bélanger à l'Islet. Ils ont hérité de Pierre Lessard d'une demi-lieue de la seigneurie de Lessard près de Rimouski. Ils l'ont vendue en 1747 à Paul Lepage de Molé.
       
        Frontenac et Jean Bochart Champigny, gouverneur et intendant de la Nouvelle-France, ont concédé à Pierre Lessard et Barbe Fortin la seigneurie de Lessard ou Pointe-au-Père le 8 mars 1696. Cette seigneurie était située entre Rimouski et l'Anse-aux-Coques. Ses dimensions étaient d'une lieue et demie de front sur le fleuve et de 2 lieues de profondeur partant d'un lieu dit le Bicq.
        En 1697, quelques frères de Barbe Fortin habitaient dans la seigneurie de L'Islet St-Jean située en aval de Québec sur la rive sud du fleuve St-Laurent. Pierre Lessard et Barbe songèrent à s'y installer. Ils confièrent un montant d'argent à Eustache Fortin de Cap St-Ignace dans le but d'acheter une terre à L'Islet St-Jean. L'achat se fit le 30 mai 1697. Eustache acheta en son nom à Pierre Michault et Marie Ansellin de Kamouraska une terre avec habitation de 6 arpents de front sur le long du fleuve St-Laurent et d'une demi-lieue de profondeur soit 42 arpents. Le prix fut de 950 livres. Après l'achat Eustache reconnut que l'argent utilisé pour l'achat provenait de Pierre Lessard. Plus tard vers 1712, Eustache Fortin construisit un moulin où il devint meunier.
        Sur cette propriété, la maison était faite en colombage. Ses dimensions étaient de 22 pieds français de long par 19 de large. Le toit était couvert de planches et il y avait une cheminée de pierre. La grange avait 30 pieds de long par 22 de large. A titre d'information, le pied français équivalait à 1.06 pied anglais ou encore à 0.32 mètre.
        Pierre Lessard, Barbe Fortin et les enfants Lessard ont ainsi déménagé sur leur nouvelle terre du fief de L'Islet St-Jean. Parmi les enfants du premier mariage de Barbe Fortin avec Pierre Gagnon, seul Alexandre Gagnon, notre aïeul, et Jean-Baptiste les ont rejoints. Joseph, Pierre, Charles, Geneviève et Marguerite Gagnon vont rester dans la région de Beaupré. Ils continueront d'habiter la terre de leur père Pierre Gagnon. Jean-Baptiste Gagnon s'établira plus tard à St-Roch des Aulnaies.
        Le marquis de Frontenac, cinq mois avant sa mort, concéda à Pierre Lessard un autre fief du nom de Lessard situé en arrière de l'Islet St-Jean le 30 juin 1698. Ses dimensions étaient d'une lieue de front et une lieue de profondeur. En 1721, il possédait encore ce fief qui était encore inhabité. Il semble qu'il ne reste que peu de document de ce qu'il advint de cette seigneurie après le décès de Pierre Lessard. Aucun de ses héritiers n'est devenu le seigneur du fief de Lessard. Normalement, chacun des enfants de Pierre Gagnon et de Pierre Lessard aurait hérité d'une part de cette seigneurie. Probablement qu'ils ont négligé et oublié ce coin de terre. Cette seigneurie commença à être habitée au cours du régime anglais. Lorsqu'on fit les cadastres des lots en 1859, cette seigneurie appartenait à Andrew et Henry Stuart. C'est aujourd'hui l'emplacement de la paroisse de St-Cyrille de Lessard.
        Barbe avait une soeur, Marie-Anne, qui était mariée à Estienne Mirambeau. Barbe et quelques uns de ses frères ont contracté des dettes envers elle. Marie-Anne Fortin est décédée le 28 décembre 1702. Les Fortin ont rencontré le notaire le 24 octobre 1703 pour le remboursement de leur dette. Barbe devait à la succession de sa soeur la somme de 184 livres à Estienne Mirambeau. Le tout fut remboursé le premier août 1710.
        Barbe Fortin va héberger sa mère Geneviève Gamache durant les dernières années de sa vie. Geneviève est décédée le 5 novembre 1709 chez elle à L'Islet sans recevoir les derniers sacrements. Ses enfants, Charles, Eustache, Pierre et Barbe ont assisté aux funérailles. L'inventaire des biens de Geneviève Gamache s'est fait le 28 juillet 1710. On y retrouve principalement une description de ses vêtements. Elle avait aussi conservé la terre de son époux Julien Fortin à St-Joachim. Le partage de cette terre entre ses héritiers se fit le lendemain. Cependant Barbe Fortin ne participa pas à ce partage.
        Le 30 octobre 1713, il y eut une réunion de famille à Beaupré. Barbe Fortin a commencé à penser pour ses vieux jours. Ses enfants Joseph, Pierre, Charles, Geneviève et Marguerite Gagnon ont cédé et abandonné leur droit en faveur d'Etienne et Prisque Lessard. Ces enfants Gagnon ne pourront pas hérité de la terre de L'Islet St-Jean après le décès de leurs parents. La terre devra être partagée en moitié égale aux frères Lessard le moment venu. Ceux-ci devront en retour voir à la gestion de la terre et de subvenir aux besoins de leur parents. Cette terre était située entre celle de Charles Fortin, le frère de Barbe, et celle d'Alexandre Gagnon. Cependant Etienne Lessard devait décédé ultérieurement en 1714. Pour le remplacer, Pierre Lessard et Barbe Fortin choisirent leur fils et voisin Alexandre Gagnon.
        Le 5 novembre 1713, il y eut un accord entre Pierre Lessard, Joseph Caron et Pierre Fortin au sujet d'une terre de feu Joseph Caron. Le rôle de Pierre Lessard et de Pierre Fortin fut d'évaluer le terrain concerné. Joseph Caron devint propriétaire de ce terrain.
        Le 7 juillet 1717, ils refirent l'acte de donation pour ces 2 fils. Le partage de la terre ne devait se faire qu'après le décès des 2 époux. Alexandre eut la responsabilité d'entretenir ses parents. Il reçut à cette occasion une terre de la seigneurie de Bonsecours ayant 2 arpents de front sur le fleuve St-Laurent. Cette terre fut acquise à une date indéterminée. Prisque Lessard et Alexandre s'engagèrent à faire valoir et cultiver les terres de Pierre Lessard. Comme testament, les autres enfants Gagnon du premier mariage de Barbe Fortin recevront chacun 50 livres. Ils veillèrent à obtenir pour le repos de leur âme qu'on leur dise à chacun 150 messes. Le décès de Prisque Lessard en 1721 amena les époux à reconsidérer cette donation.
        Le 11 septembre 1724, ils refirent cette donation à leur fils Alexandre Gagnon et Angélique Caron. Ceux-ci habitaient alors et continueront d'habiter la même maison que Pierre Lessard et Barbe Fortin. Alexandre eut la charge de faire valoir leur terre. Il recevra 2 arpents de terre de front avec le fleuve St-Laurent par 42 de profondeur après le décès des 2 époux. Cette fois-ci, tous les enfants des 2 mariages de Barbe Fortin n'ont pas eu à céder leur droit en faveur d'Alexandre. Les 4 arpents restants seront divisés entre chacun d'eux après le décès de leurs parents. Lorsque Barbe Fortin a signé cet acte de donation, elle devait trembler de la main. Cela donne un indice de son état de santé.
        Le 27 avril 1732, le seigneur Jean-Baptiste Couillard de Lespinay fit un aveu et dénombrement de sa seigneurie de L'Islet St-Jean. Les seigneurs relevaient les noms des censitaires ainsi que la superficie de leur terrain. La terre de Pierre Lessard avait toujours 6 arpents de front par 42 arpents de profondeur. Il y avait une maison, une grange, une étable, une écurie et 40 arpents de terre labourable.
        Le 20 mars 1734, Barbe Fortin déclara que ses fils Alexandre et Jean-Baptiste Gagnon n'avaient rien reçu de l'héritage de son premier époux Pierre Gagnon. Chacun de ses fils cadets devait recevoir la somme de 300 livres. La part d'héritage de ses 2 fils avait servi à acheter la terre de 6 arpents à L'Islet St-Jean. 2 de ces arpents avaient déjà été donnés à Alexandre pour les soins qu'il leur donnait. Pour faire justice, elle exigea que ses autres enfants remboursèrent la somme de 600 livres à Alexandre et Jean-Baptiste. S'ils refusaient de rembourser, ils n'auraient aucun droit dans l'héritage de la terre de L'Islet St-Jean. Le résultat connu de cette déclaration fut qu'Alexandre et ses frères et soeurs firent des ententes et des transactions concernant la terre de Pierre Lessard.
        Pierre Lessard et Barbe Fortin vont continuer à vivre sur leur terre jusqu'à leur décès. Pierre Lessard est décédé à l'Islet en 1737 à l'âge de 79 ans. Il fut inhumé le 8 mai. Une grande partie de la paroisse a assisté aux funérailles. Barbe Fortin est décédée la même année. Elle fut inhumée le 27 août à l'Islet. Elle avait 82 ans. Son fils, Alexandre Gagnon, était présent aux deux funérailles. Presque toute la paroisse a assisté aux funérailles de Barbe Fortin.

LA GUERRE DE SUCCESSION D'ESPAGNE

        Le mariage d'Alexandre Gagnon aurait pu être perturbé par une tentative de conquête du Canada par les anglais lors de la guerre de succession d'Espagne. En 1710, les armées anglaises avaient conquis l'Acadie. Au mois d'août 1711, une flotte anglaise remonta le St-Laurent dans le but de conquérir le Canada. Mais un épais brouillard suivi d'un vent fort entraîna la flotte vers la côte. Et ce fut la catastrophe. Sept navires de cette flotte vont s'échouer à l'île aux Oeufs dans la région de Sept îles. Les pertes de vie furent énormes. Le reste de la flotte repartit et le Canada fut sauvé. Une autre armée anglaise postée au lac Champlain se retira en apprenant la catastrophe. Pendant cet été, les canadiens sont restés en alerte. Toute la milice a dû être mobilisée. Le traité d'Utrecht va ramener une période de paix en 1713.

5- ALEXANDRE GAGNON et ANGELIQUE CARON
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        Alexandre Gagnon est né le 6 janvier 1684. Il a été confirmé à Ste-Anne du petit cap qui est aujourd'hui Ste-Anne de Beaupré, le 8 juin 1694. Il déménagea avec ses parents à la paroisse de Notre Dame de Bonsecours dans la seigneurie de l'Islet St-Jean vers 1697.
        Alexandre Gagnon se maria à Angélique Caron le 26 août 1711 à l'église de Ste-Anne de Beaupré. Elle était la fille de Robert Caron et de Marguerite Cloutier de Ste-Anne du petit cap. Robert Caron connaissait bien les Gagnon puisqu'il fut présent au mariage de Pierre Gagnon avec Barbe Fortin. Angélique est née le 22 et fut baptisée le 23 octobre 1692. Elle savait écrire mais Alexandre ne savait pas écrire. A cause de cela, Angélique fut très présente dans les affaires de la famille comme le fut Barbe Fortin.
        Dans leur contrat de mariage, les parents et amis des deux parties furent consentants à ce mariage. Les parents d'Angélique ont payé la somme de 300 livres en dot aux futurs époux. Ils se marièrent en communauté de bien. Après leur mariage, Alexandre va s'établir à L'Islet St-Jean sur la terre voisine de Pierre Lessard. Leurs 9 enfants, tous nés à L'Islet sont:

1- Alexandre, né et baptisé le 29 septembre 1712. Il est décédé le 9 septembre 1714.
       
2- Prisque né et baptisé le 11 novembre 1714. Il s'est marié le 3 février 1739 à M.-Claire Morneau à L'Islet. Il s'est remarié à Françoise Damours le 24 janvier 1757 à Rivière-Ouelle. Le 6 juin 1743, une sentence à un procès a été en sa faveur. En voici le contenu:
   "Sentence rendue dans le procès entre Pierre Dastous, marchand de la paroisse de Bonsecours et Jean Tondreau du même lieu; le dit Tondreau est condamné à restituer ce qu'il a pris ou volé chez Prisque Gagnon et aux dépens liquidés à #4, ces présentes non comprises.
Signé Boisseau
A la requête de Jean Dastous, signification à Jean Tondreau de la sentence.
Signé A.Michon"
       Au recensement de 1762, Il avait sa femme, 1 garçon âgé de plus que 15 ans, 2 garçons en dessous de 15 ans, 1 fille et 2 étrangers. Sa terre avait 2 arpents de large et il avait 12 arpents de profondeur en semence. Il possédait 2 boeufs, 1 vache, 3 moutons, 2 chevaux et 4 cochons.
        Prisque Gagnon aurait été charron ou fabriquant de charrette. Certaines de ses oeuvres auraient été conservées et feraient partie de notre patrimoine culturel.
        Il est décédé le 4 février et inhumé le 5 février 1793.
       
3- Marie-Angélique née le 7 et baptisée 8 avril 1717. Elle savait écrire. Elle s'est mariée le 25 février 1737 à Guillaume Fournier. Celui-ci a été capitaine de milice à St-Jean Port Joli en 1748. Il fut relevé de cette fonction en 1776 lors de la révolution américaine. Après avoir servi dans un bataillon royaliste en 1775, il aurait aidé la cause des rebelles américains.
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4- Joseph, baptisé le 26 février 1719. Il savait écrire. Il s'est marié à Claire Fournier, la soeur de Guillaume le 10 novembre 1738 à l'Islet. Il s'est remarié à Félicité Morneau le 15 février 1751 à L'Islet. Il serait décédé entre 1754 et 1757.
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5- Charles-François, baptisé le 11 juillet 1721. Il savait écrire. Il s'est marié à Marie-Joseph Pelletier le premier février 1745. Il est notre aïeul.
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6- Pierre-Alexandre, né le 2 et baptisé le 4 janvier 1725. Il est décédé le 8 janvier 1725.

7- Marie-Geneviève, née et baptisée le 10 juin 1726. Elle savait écrire. Elle s'est mariée le 22 avril 1740 à François Fournier à L'Islet. Elle est décédée le 3 janvier 1809.
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8- Marie-Josèphe, née le 8 et baptisée le 11 juin 1728. Elle savait écrire. Elle s'est mariée le 28 août 1746 à Augustin Fournier à L'Islet. Il était sergent de milice en 1776.
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9- Barbe, née le 21 et baptisée le 23 avril 1730. Elle savait écrire. Elle s'est mariée le 2 février 1750 à Joseph Morin à L'Islet et s'est remariée à Joseph-Marie Gaulin le 12 février 1753.

        Selon le recensement sommaire de 1712, il y avait à L'Islet St-Jean et les environs une église, un moulin et 67 familles. Comme animaux il y avait 74 chevaux, 300 bêtes à cornes, 225 cochons et 72 moutons. On y cultivait le blé, les pois, l'avoine, le lin et le chanvre.
        Le 7 juillet 1717, Alexandre et son frère Prisque Lessard furent les bénéficiaires d'une donation par leurs parents. En plus de sa terre, Alexandre eut à s'occuper en partie de la terre de Pierre Lessard. C'est à ce moment qu'il reçut une terre dans la seigneurie de Bonsecours. Celle-ci avait 2 arpents de front avec le fleuve St-Laurent. Il y avait un hangar et 6 arpents en prairie. Alexandre n'a pas habité sur cette terre. Le 11 septembre 1724, après le décès de Prisque Lessard, Alexandre fut le donataire de la terre de ses parents. Il eut la charge de faire cultiver cette terre en plus de la sienne. On peut supposer qu'Alexandre n'a pas eu à défricher de nouvelles terres. Les parties labourables des 2 terres devaient lui fournir suffisamment de travail.
        En 1721, Mathieu-Benoit Collet, procureur général du roi au conseil supérieur de Québec fit une vaste enquête dans chaque seigneurie pour entendre les seigneurs et habitants sur les commodités et incommodités à aller au service divin. Il en fit des procès-verbaux. Il arriva à L'Islet dans la paroisse de Nostre Dame de Bonsecours le 20 mars. Lors de l'assemblée, Alexandre était présent. Les habitants ont fait une description de leur seigneurie au procureur général. Elle comprenait les fiefs de Port-Joly, de L'Islet Saint-Jean et de Bon Secours. La veuve Geneviève Couillard était la seigneuresse de L'Islet St-Jean. Les habitants ont déclaré que leur église était proche et accessible sauf pour les gens de Port-Joly. Ces derniers doivent traverser deux rivières pour aller à l'église. Un autre groupe n'est pas mentionné dans ce rapport. Des amérindiens que l'on appelait sauvages vivaient dans cette région. Il étaient probablement de la tribu des Micmacs.
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        Alexandre avait beaucoup de parenté à L'Islet St-Jean. Il y avait ses oncles Pierre et Charles Fortin. Ce dernier était lieutenant de milice. Son fils Charles Fortin vivait à L'Islet aussi. Angélique Caron avait ses frères Alexandre, Ignace, François et Joseph. Il y avait aussi la famille de Pierre Lessard ainsi que sa mère Barbe. Notons qu'en 1721, il y avait 12 chefs de famille résidants ainsi que 4 concessionnaires qui font valoir leur terre sans résider à L'Islet St-Jean.
        Lors de l'aveu et dénombrement de 1732, Alexandre avait une terre de 3 arpents de front comprenant une maison, une grange, une étable, une écurie et 16 arpents de terre labourable.
        Selon un registre de baptême de 1733, Angélique Caron était sage femme. Elle a été marraine à plusieurs reprises sans que son époux Alexandre ait été parrain. Plus tard, ses filles l'auraient aidé dans ce genre de travail.
        Le 8 février 1734, Jacques Couillard Després, le seigneur de l'Islet St-Jean concéda à Alexandre Gagnon une terre de 4 arpents de front par 42 de profondeur dans le deuxième rang de L'Islet St-Jean. Cette terre était située en arrière de sa terre principale. Ses voisins étaient au nord-est Pierre Bélanger et au sud-ouest Joseph Couillard des Ecorres. Les rentes seigneuriales étaient de 30 sols tournois par arpent de terrain. Cette rente était payable le jour de la St-Martin soit le 11 novembre de chaque année au manoir seigneurial. Cette terre a servi principalement à la coupe du bois.
        Alexandre avait conservé certains droits comme héritiers sur la terre de son père Pierre Gagnon. Avec ses frères, il était un des copropriétaires de ce terrain. Selon le testament de Pierre Lessard et Barbe Fortin passé en 1724, tous leurs enfants hériteraient d'une partie de leur terre à L'Islet St-Jean. Le 30 septembre 1734, Angélique Caron fut déléguée par son époux à Ste-Anne de Beaupré pour rencontrer ses frères Pierre et Charles Gagnon. Ils échangèrent la part de terrain d'Alexandre de la succession de Pierre Gagnon à Ste-Anne de Beaupré contre les droits des frères Pierre et Charles sur la terre de Pierre Lessard et Barbe Fortin à L'Islet St-Jean. La part d'Alexandre à Beaupré consistait en un terrain de 5 perches de front sur le fleuve St-Laurent et ayant 8 lieues et demie de profondeur. Joseph et Pierre Gagnon disaient avoir des droits sur la terre de Pierre Lessard sur une portion de 2 perches et 15 pieds de front sur une demi-lieue de profondeur. Ces droits auraient été valides seulement après le décès de Barbe Fortin. Le 8 octobre suivant, Alexandre Gagnon et Angélique Caron eurent à payer 270 livres pour le terrain de l'Islet. Cette somme fut payée en 2 versements soit un durant l'automne et un autre durant l'année 1735. Il est possible que cette somme fut exigée à cause de l'arrérage de la rente de censitaire qu'Alexandre aurait dû payer pour sa portion de terre à Ste-Anne de Beaupré.
        En 1737, Pierre Lessard et Barbe Fortin décédèrent chacun à leur tour. Le 27 août 1737, après le décès de sa mère, Alexandre Gagnon devint le principal propriétaire de la terre de Pierre Lessard. Sa propriété s'agrandit de 2 arpents en plus d'avoir la part de ses frères Pierre et Charles Gagnon. Alexandre a probablement tenté d'acheter les portions de terrain de ses autres frères et soeur. Il est possible qu'il ait acheté la part de sa soeur Marguerite. Le 11 septembre 1745, Augustin Fournier, le gendre d'Alexandre fut délégué par lui pour rencontrer Pierre Lefrançois, l'époux de feu Marguerite Gagnon afin de payer une dette de 80 livres.
        Depuis le début de la colonisation, la région a eu le temps de faire de nombreux progrès. Au recensement sommaire de 1739, les seigneuries de Port Joly et de L'Islet St-Jean avaient 2 églises, 2 moulins à blé, 3 moulins à scie et 89 familles. Le nombre de personnes s'élevaient à 554. Dans les terres utilisées, il y avait 1550 arpents de terre labourable et 195 arpents en prairie. Les produits de la ferme évalués en minots étaient de 10500 en blé, 20 en blé d'Inde, 1150 en pois, 2450 en avoine, 1654 en tabac, 1090 en lin et 149 en chanvre. Comme animaux, on comptait 140 chevaux, 491 bêtes à corne, 610 moutons et 409 cochons. On s'intéressait aussi à la puissance militaire de la Nouvelle-France. On y dénombrait 93 armes à feu et 7 épées.
        En février 1739, leur fils Prisque Gagnon se maria avec Claire Morneau. Dans son contrat de mariage, Alexandre lui donna la terre de 2 arpents de front sur le fleuve de la seigneurie de Bonsecours. Alexandre conserva pour lui les 3 premiers arpents en profondeur. Cela équivalait à la partie de cette terre qui était cultivée. Prisque fut obligé de défricher de nouvelles terres. En retour de ce don, il devait payer 100 messes pour le repos de l'âme de ses parents lorsqu'ils seraient décédés. Cette obligation ne fut pas respectée.
        Le 13 septembre 1743, Alexandre et Angélique préparèrent leurs vieux jours. Ils possédaient à cette époque une terre principale de 6 arpents et demi de front sur le fleuve, une autre en arrière de ce terrain de 4 arpents de front utilisée pour la coupe du bois, une autre de 4 arpents de front par 3 arpents de profondeur dans la seigneurie de Port Joly et une autre de 2 arpents de front sur la seigneurie de Bonsecours. A leur décès, 6 de leurs enfants prendront chacun un arpent sur la terre principale. Le reste devra être partagé entre leur fils Joseph et Charles-François. En retour, ceux-ci devront faire valoir "leur bien en bon père de famille". Ils se virent aussi imposer une liste de corvées qu'ils durent exécuter. En plus de prendre soin de leur personne lorsqu'ils seront malades, ils devront fournir chaque année 100 minots de blé froment. Ils les amèneront à la messe, fourniront de la viande, déposeront trente cordes de bois par année à la porte, feront leur farine, blanchiront leur linge et entretiendront un jardin. Après leur décès, ils s'occuperont de leur inhumation et ils leur feront dire 250 messes pour le repos de leur âme. La terre de St-Jean Port Joli avait été achetée par Alexandre à l'intention de Joseph. Elle devra maintenant être partagée entre Joseph et Charles-François.
        Le 10 mars 1747, Alexandre et Angélique firent une protestation envers leur fils Prisque Gagnon. Dans le contrat de mariage de celui-ci, en plus de recevoir la terre de la seigneurie de Bonsecours, il s'était engagé à payer pour faire dire 100 messes pour le repos des âmes de ses parents après leur décès. Il n'avait pas rempli cette obligation. Prisque a dû remplir cette obligation puisqu'il n'y pas eu de conséquence suite à cette protestation.
        Afin de pouvoir remplir les obligations de la donation de 1743, Alexandre s'arrangea avec ses fils Joseph et Charles-François pour que l'un d'eux habita dans la même maison que lui. Le 18 mars 1747, Joseph et sa femme Claire Fournier allèrent habiter chez Alexandre. Ils eurent à exécuter la majorité des corvées que ses parents exigeaient. Par ce fait même Charles-François renonça à la donation et en retour il eut la concession de 4 arpents de front située au bout de celle d'Alexandre et d'autres biens. On ignore si les 2 frères habitaient chacun leur bout de maison comme ce sera le cas plus tard ou s'ils habitaient dans des maisons différentes. La maison de Pierre Lessard et la première maison d'Alexandre furent démolies à des dates indéterminées.
        En cette même journée du 18 mars 1747, Joseph et Charles-François Gagnon achetèrent des droits seigneuriaux sur 2 concessions de L'Islet St-Jean. Le 8 août 1747, Alexandre et Angélique reconnurent que la somme d'argent utilisée pour le paiement de ces droits provenait bien de Joseph et Charles-François Gagnon. Ils avaient assez de jugement pour le faire.
        Entre temps, il a dû se passer des choses entre Alexandre et son fils Joseph. Le 28 mars 1748, on annula l'accord passé le 18 mars 1747. Joseph n'habitera plus avec sa famille dans la maison de son père. Il fut remplacé par Charles-François et sa femme Marie-Joseph Pelletier. Ceux-ci eurent à ce moment la charge d'exécuter les corvées de leurs parents. En compensation, Joseph reçut ce que Charles-François avait eu le 18 mars 1747. Il reçut 2 chevaux, 2 boeufs, une vache, une taure, 4 moutons et leurs agneaux, 3 cochons, une marmite, un plat, 6 assiettes d'étain, une demie douzaine de cuillers d'étain, 4 nappes, une demie douzaine de serviettes et une cuve. En retour Joseph renonça à la donation de ses parents.
        Par la suite, Claire Fournier, la femme de Joseph Gagnon est décédée. Le 15 février 1751, il s'est remarié à Félicité Morneau.
        Le 4 août 1751, tous les enfants d'Alexandre étaient réunis chez lui. On y discuta de la succession future d'Alexandre et Angélique. On fit quelques mises au point. Prisque Gagnon qui habitait la concession de Bonsecours ne possédait pas les 3 premiers arpents de profondeur partant du fleuve vers l'intérieur des terres. Cette portion constituait la partie cultivée par Alexandre. Charles-François et Joseph possédaient les droits sur cette portion à cause de la donation de leurs parents. Prisque s'assura auprès d'eux qu'en cas de vente, il aurait la préférence pour l'achat de ce terrain. Il aurait droit à un an de crédit pour le payer.
        Les filles d'Alexandre et leur époux voulurent faire un échange. Marie-Angélique, Marie-Geneviève et Marie-Josèphe Gagnon ainsi que Guillaume, François et Augustin Fournier habitaient à St-Jean Port Joli. Barbe Gagnon devait habiter à L'Islet. L'échange se fit entre eux et les donataires soit Joseph et Charles-François Gagnon. Dans la succession d'Alexandre, ils échangèrent leur arpent auquel il avait droit sur la terre de leurs parents contre la concession de 4 arpents de la seigneurie de Port Joly. Les voisins de cette concession étaient au nord-est Jean Bélanger et au sud-ouest Jérome Dupuis. Joseph et Charles-François payèrent la rente de censitaire pour l'année en cours. La question du partage des terres entre les héritiers fut réglée.
        Le lendemain le 5 août, on fit l'inventaire des biens d'Alexandre Gagnon et Angélique Caron. Sous la surveillance du notaire Noël Dupont, tous leurs biens furent évalués par Joseph Tondreau et François Dupont. Ils ont rédigé la liste des biens matériels sur 12 pages. Cet inventaire s'est effectué sur 2 jours. Dans cette liste, il y avait 2 ménages. On releva probablement tous les biens d'Alexandre en plus de ceux de Charles-François et ensuite ceux de Joseph Gagnon. La liste qui suit contient les biens relevés dans le premier ménage.
        Comme articles de maison, il y avait une crémaillère, 2 grandes marmites, une autre plus petite, un chaudron, une cuiller à pot, un poêlon de cuivre, une vieille poêle à frire, une broche à rôtir, une vieille lèchefrite, une poêle à frire, un "gris", un trépied et un vieux écumoir, une paire de chenet, une pelle à feu, une lampe, un chandelier de cuivre, une lanterne. Comme outils, il y avait une herminette, un sciotte monté, un coin de fer, 3 haches, 3 terriers, 3 pioches, 2 petites "frettes", une gouge, une "ferrée", une enclume à battre des faux, un marteau à battre des faux, 2 faux, un vieux "crocque", une vieille paire de tenaille, une scie de travers, une "méchante" scie de long monté, 40 planches, 25 madriers de 7 pieds et le bois d'une paire de roue équarrie. Dans la maison, on retrouvait aussi 2 grands plats d'étain, 17 livres et demi d'étain, un brancard, une dame-jeanne, une vieille plaque avec son tuyau et sa porte, 2 grandes cruches de terre, 15 fourchettes, un coffre, 3 livres et un quarteron d'étain, 3 "méchants vents à vanner", une vieille paire de raquette, 2 vieux rouets, 2 bassins de terre, 7 assiettes de terre faïencées, 2 couchettes, une paillasse, un lit de plume, un traversin, un drap, un moulin à poivre, 2 bouteilles, une serrure, un pot, une pinte, une chopine et un demiard en étain, une cave avec 12 flacons, une baratte, une armoire ferrée, une carabine, 3 tinettes (petites cuves), 4 barriques, 3 barils, un grappin, 2 bailles, une vieille grande cuve, 3 autres cuves, une douzaine de terrines, 3 autres terrines, 8 "horogands", 4 baquets, une paire de balance de bois, 5 vieux fers à cheval, un pot de terre, une tasse de fer blanc, 4 seaux, une vieille baille, une gamelle, un plat de bois, 3 vieilles couvertes grises, une vieille huche, une table, un cannelier, un "dividois", "une paire de chasse et un reaux garnie". Parmi cette énumération, plusieurs termes ne sont plus employés aujourd'hui.
        La famille de Joseph habitait la même maison qu'Alexandre. Ce qui suit sont des biens du deuxième ménage qu'on ne retrouve pas dans la première liste. Dans cette partie, il y avait une truelle, une paire de penture garnie, une vrille, un gros terrier, une petite plaine, un carderon, une équerre de bois, un chandelier en cuivre, une poignée de porte, un couloir de fer blanc, 3 "horogands", un panier, une cruche à l'huile, un bassin d'étain, un plat, un gobelet d'étain, une tasse de fer blanc, une demie douzaine d'assiette de terre, 3 petits bassins de terre, un moyen bassin, une grande terrine, un "reau à étoffe", une baille, 2 saloirs, une lampe de fer blanc, un petit chaudron, une vieille chaudière de cuivre, une vieille hache, un marteau à couvreur, un fer à flaque, un marteau, une ferrure de seaux, un moyen terrier, un ciseau à charpentier, une varlope, un mouchet à carderon, un vieux sciotte monté, une faux garnie, une porte de poule, 3 terrines, 3 baquets, 1 panier, un "crocque", une boîte de fer blanc, une demie douzaine d'assiette d'étain, un grand et un petit plat d'étain, une assiette d'étain, une demie douzaine de cuiller en étain, un gobelet d'étain, une demie douzaine d'assiette de terre, un petit et un moyen bassin de terre, un plat de terre, un "reau à toile", 2 "reaux à étoffe", une petite tinette, un petit baril, un casseau, 2 peaux de mouton, une paire de courroie, un baril aux herbes, une peau de veau blanchie, 2 livres et 3 quarterons de fil à coudre, 3 livres de laine noire, une boîte de bois, un devant de cheminée, 3 chaises, une "méchante couverte" verte et une vieille courtepointe, une couverte en poil de chien, un métier à toile tout garnie, une pipe d'argent, une "cabourouette" montée (sorte de charrette), une paire de lisse, une grosse houe, 4 vieilles poches, un plat à beurre, un "feuilleret", un miroir, une paire de "frette", une table, 2 casseaux d'écorce, 1 grand coffre, 3 livres et demie de laine, une manne avec son couvercle.
        Comme moyen de transport et machinerie agricole, il y avait une charrette sans roue, une autre charrette, une charrue, une traîne, une vieille calèche et une vieille carriole. Pour atteler les animaux, il y avait, 2 paires de menoir garnies, un vieux harnais et une vieille bride avec son bridon.
        Comme animaux, il y avait 5 "nortures" (petits cochons), une pouliche, 2 moutons, 2 moutons mâles, 6 agneaux, 2 mères dindes, un coq dinde, une poule, 2 cochons, une truie avec ses petits cochons et une taure d'un an. Dans une autre étable, il y avait six agneaux, 3 moutons mâles, 11 moutonnes, une paire de boeuf de 6 ans l'un à poil rouge et l'autre à poil brun et blanc, une paire de boeuf de 4 ans l'un à poil rouge et l'autre à poil brun, une paire de boeuf de 2 ans à poil noir, 2 taures de 3 ans l'un à poil barré et l'autre à poil rouge, une vache de 8 ans à poil rouge, une vache de 4 ans à poil caille, une vache de 6 ans à poil rouge, 2 vaches de 6 ans à poil noir, une vache de 4 ans à poil blafarde, un cheval ou "cavalle" de 3 ans à poil brun, un cheval de 14 ans à poil rouge, 2 cochons mâles, 3 truies et une douzaine et demie de poules.
        La description des biens immeubles se fait comme suit: la concession d'Alexandre avait 6 arpents de front sur le fleuve St-Laurent. Cette concession se divisait en 2 parties. Au sud-ouest, le lot mesurait 4 arpents et au nord-est se trouvait 2 autres arpents. Les bâtiments se trouvaient dans la partie nord-est. La maison était en pierre et ses dimensions étaient de 51 pieds et demi de long par 26 pieds de large. Elle était couverte de planches avec du bardeau. Les châssis étaient en vitre. La grange mesurait 50 pieds de long par 22 pieds de large. Elle était couverte de paille et faite en planche. Elle avait 2 batteries de madriers. L'étable était faite pièce sur pièce. Elle mesurait 40 pieds de long par 18 pieds de large. Le toit était recouvert de paille. Une autre étable mesurait 22 pieds de long par 20 pieds de large. Elle était aussi couverte de paille. Un fourni de pierre qui pourrait être un four à pain mesurait 16 pieds par 16 pieds. Il était couvert de planche. Sur la partie sud-ouest de la concession, il y avait une grange couverte de paille qui mesurait 30 pieds de long par 20 de large. A partir de ces renseignements sur les bâtiments, on peut déduire qu'Alexandre s'était établi principalement sur l'ancienne terre de Pierre Lessard et Barbe Fortin. La grange située au sud-ouest pourrait être celle qu'il avait sur sa première terre. Tous ces bâtiments furent détruits en 1759 pendant le siège de Québec par les anglais.
        Alexandre Gagnon avait quelques dettes. Il devait de l'argent à Joseph Riverin, 305 livres à son beau-frère Joseph Morin, 154 livres à François Fournier et 26 livres à la confrérie de la congrégation de Bonsecours. Son fils Joseph lui devait la somme de 31 livres.
        Le 8 août 1751, Charles-François et Joseph Gagnon se partagèrent la terre d'Alexandre. Joseph eut la partie nord-est avec les bâtiments et Charles-François eut la partie sud-ouest avec une grange seulement. Le partage des terres entre les héritiers était complété. Alexandre et Angélique s'étaient réservé un jardin où il y avait des arbres fruitiers. Leurs 2 fils devront continuer à l'entretenir en charriant le fumier nécessaire, le labourer et le bêcher lorsque ce sera demandé.
        Alexandre et Angélique auraient hérité d'une portion de terre ayant appartenue à Alexandre Caron. Ils possédaient 8 perches de front sur ce terrain. Les enfants de François Caron, le frère d'Angélique avaient aussi hérité entre eux de 8 perches de terrain. François Caron et sa femme Françoise Paré sont morts noyés avec 3 autres personnes sur la rivière Bellechasse en 1733 à Berthier sur mer. Leurs enfants étaient François-Xavier, Louis dont sa fille Marie-Reine mariera Charles-François Gagnon fils en 1785, Ignace, Alexandre, Reine dont l'époux était François Ouellet et Françoise Caron dont l'époux était Alexis Morneau. Ces derniers habitaient la seigneurie de St-Denis. Le 5 septembre 1751, ils vendirent leur portion de terrain à Joseph Caron. Il était le neveu d'Alexandre donc le cousin des autres Caron. Alexandre Gagnon se réserva la récolte de grain pour l'année en cours. Il paya aussi la rente seigneuriale pour l'année. François-Xavier Caron, Ignace Caron, François Ouellet et Reine Caron se réservèrent le foin sur leur part de terrain. Joseph Caron paya 800 livres pour ce terrain le jour même. Alexandre Gagnon reçut 400 livres pour cette vente.
        Alexandre Gagnon est décédé le 19 mai 1752 et a reçu les derniers sacrements. Il fut inhumé le 24 mai à L'Islet. Il avait 68 ans.
        Alexandre avait hérité d'une part de la seigneurie de Pointe-au-Père de Pierre Lessard. Cette part consistait en un terrain de 8 arpents de front par 2 lieues de profondeur. Sa soeur Marie-Madeleine Gagnon était mariée à René Lepage. Cette famille Lepage était les seigneurs les plus importants de la région de Rimouski. Le 23 août 1750, Alexandre vendit sa part au seigneur de Rimouski soit Barnabé Lepage. Le prix en fut de 80 livres. Barnabé paya dans un premier paiement la somme de 37 livres et 10 sols. Alexandre décéda avant le paiement final de cette dette. Le 9 mars 1754, Angélique Caron fit un accord avec Jean Fortin, capitaine de milice de L'Islet St-Jean. Celui-ci représenta Barnabé Lepage dans cette affaire. On s'entendit pour que le paiement final se fasse pendant l'été 1754.
        Après le décès d'Alexandre, les 2 fils donataires moururent à leur tour. Charles-François est décédé à une date indéterminée entre 1753 et 1756. L'autre fils, Joseph, est décédé vers la même période. Celui-ci eut un dernier enfant en 1754 et il est absent lors du remariage de Marie-Joseph Pelletier en 1757. Le contrat de mariage fut pourtant rédigé dans sa propre maison. Après ces mortalités, Angélique Caron fut probablement prise en charge par sa bru Marie-Joseph Pelletier. Elles continuèrent d'habiter leur maison à L'Islet St-Jean. Malgré son mariage avec Joseph Durand, Marie-Joseph continua de prendre soin d'Angélique. La guerre de sept ans commença en 1754 au Canada. Le gouvernement recrutait des soldats dont Joseph Durand. Il devait quitter son foyer pour plusieurs mois. Après la guerre, Joseph Durand s'établit à St-Jean Port Joli. En mai 1761, on s'entendit pour que son voisin Régis Caron et sa femme Marie-Barbe Fournier subviennent aux besoins d'Angélique. Ils fournirent la pension et remplirent les obligations que cela comportait. Régis Caron était le neveu d'Angélique. Son père était Joseph Caron.
        Au recensement de 1762, Angélique était une femme domestique chez Régis Caron. Angélique Caron est décédée en 1763. Sa sépulture eut lieu à L'Islet le 6 novembre. Elle avait 71 ans. Dans le registre paroissial de son décès, elle portait le nom de Marie des Anges Caron.

6- CHARLES-FRANCOIS GAGNON et MARIE-JOSEPH PELLETIER
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        Charles-François Gagnon fut baptisé le 11 juillet 1721. Il se maria avec Marie-Joseph Pelletier le 1er février 1745 à Ste-Anne de la Pocatière. Marie-Joseph est née en 1730 et elle était la fille de Joseph et de Ursule St-Pierre de Ste-Anne de la Pocatière.
        Leur contrat de mariage fut rédigé le 30 janvier 1745. Ils se marièrent en communauté de biens. Marie-Joseph Pelletier reçut de ses parents une vache à lait, 2 moutons et un habit de noce qui a été estimé à 25 livres. La dot de la mariée fut de 300 livres. En cas de dissolution du mariage, elle aurait eu droit de reprendre ses biens personnels dont son lit, son coffre, son linge et ses hardes, ses bagues et joyaux ainsi que tout ce qu'elle aurait pu obtenir d'une succession future de ses parents.
        Charles-François et Marie-Joseph ont eu six enfants à L'Islet:

1- Marie-Joseph, baptisée le 15 mars 1746.

2- Charles-François, né le 14 et baptisé le 17 avril 1748. Il s'est marié à Marie-Anne-Judith Miville le 21 août 1770 à Ste-Anne de la Pocatière. Il est notre aïeul.

3- Alexis, baptisé le 29 avril 1750 et sépulture le 1 novembre 1750.

4- François, baptisé le 19 septembre 1751. Il s'est marié à Charlotte Caron le 3 août 1778 à L'Islet.

5- Marie-Joseph, baptisée le 16 juin 1753.

6- Léon, né à une date indéterminée. Il pourrait être né en 1749 ou en 1754/55. Il s'est marié à Charlotte Gagné le 11 février 1782 à Ste-Anne de la Pocatière.

        Dans les registres et papiers officiels, Charles-François signa surtout sous le nom de Charle Gagnon et quelques fois sous le nom de Charles François. Il savait écrire mais Marie-Joseph Pelletier ne savait pas écrire.
        Durant sa vie, Charles-François et son frère Joseph ont traité plusieurs affaires ensemble. Leur existence fut étroitement liée puisqu'ils furent les donataires de leurs parents à partir du 13 septembre 1743. Les 2 frères et leur famille ont habité la plupart du temps la même maison que leurs parents.
        Le 3 février 1743, ils firent un échange de terrain avec leur tante Marie-Thérèse Lessard et son époux Louis Gagné. Les frères prirent leur part de terrain dans l'héritage de Pierre Lessard. Les dimensions de ce terrain étaient de 5 perches de front sur le fleuve St-Laurent par 42 arpents de profondeur. En retour, ils laissèrent à Louis Gagné et Marie-Thérèse Lessard une terre de 3 arpents de front sur le fleuve St-Laurent dans la seigneurie de Port Joly. Cette terre aurait été acquise le 5 avril 1732 probablement par leur père Alexandre. Elle était située entre celle de François Fournier et d'Augustin Fournier. On peut supposer que les 5 perches de terre de l'Islet St-Jean étaient plus développées que les 3 arpents de Port Joly. Marie-Thérèse Lessard était absente lors de cet échange. Elle approuva cette vente le 12 mars 1743.
        Le seigneur de L'Islet St-Jean était Jean Couillard. Il était marié à Marie Reine Caron. Après son décès, elle s'est remariée à François Ouellet. Ce dernier devint ainsi co-seigneur de L'Islet St-Jean. Le 19 juillet 1745, François Ouellet et Marie Reine Caron vendirent à Joseph et Charles-François Gagnon des droits seigneuriaux de L'Islet St-Jean. Ceux-ci concernaient la rente pour les 2 concessions d'Alexandre Gagnon soit une concession de 7 arpents de front sur le fleuve et une autre de 4 arpents de front au deuxième rang. Les Gagnon payèrent la somme de 280 livres pour les obtenir.
        Le 18 mars 1747, Charles-François et Joseph Gagnon achetèrent d'autres droits seigneuriaux de L'Islet St-Jean de François Ouellet et Marie Reine Caron. Ils eurent les droits sur une concession de 10 arpents de front sur le fleuve St-Laurent pour la somme de 310 livres, une autre concession de 9 arpents pour 270 livres et une autre de 6 arpents pour 50 livres. Si on additionne les 3 montants précédents, on obtient un total de 630 livres. Dans cette vente, on inscrivit plutôt la somme de 610 livres. Il pourrait y avoir eu une erreur de calcul. Sur cette somme de 610 livres, les frères Gagnon ont payé la somme 504 livres. Ils leur restaient normalement à payer la somme de 106 livres. Ici encore, on inscrivit la somme de 97 livres donc une autre erreur de calcul. Ces 2 erreurs ont favorisé les frères Gagnon. Ces derniers pourront maintenant retirer les rentes des censitaires de ces propriétés. Un témoin de cette vente fut Jean Fortin qui était le capitaine de milice de L'Islet St-Jean. Celui-ci devait voir à entretenir la milice de l'endroit à laquelle tous les habitants faisaient partie. Le montant élevé pour cet achat ont laissé des doutes sur la provenance de cet argent. Alexandre Gagnon et Angélique Caron ont reconnu le 8 août 1747 que l'argent utilisé pour cet achat appartenait à leurs enfants. Malgré cette vente, François Ouellet et Reine Caron ont conservé pour eux une partie de la seigneurie de l'Islet St-Jean.
        Les frères Gagnon furent ainsi les co-seigneurs de L'Islet St-Jean. Ils s'occupaient de la perception des rentes de 32 arpents de terrain réparties sur le premier et le deuxième rang.
        En ce même 18 mars 1747, on demanda à son frère Joseph d'habiter avec ses parents. Il devait par ce fait être favorisé par la donation d'Alexandre Gagnon et Angélique Caron. Les 2 frères reconnurent le fait qu'ils ne pouvaient pas habiter ensemble avec chacun leur famille en plus de leurs parents. Charles-François reçut en compensation 2 chevaux, 2 boeufs, 4 moutons, 3 cochons, une marmite, un plat, 6 assiettes, une demi douzaine de cuillers, 4 nappes, une demi douzaine de serviettes, une cuve et une baille. Les 2 frères firent aussi un échange. Charles-François reçut aussi la concession de 4 arpents située au fond de celle de son père Alexandre. Joseph reçut 4 arpents de terre de front sur le fleuve St-Laurent. Cette concession était voisine au sud-ouest de celle de Jean Morin. Charles-François se réserva le droit de prendre du bois sur cette terre pour en faire des planches et des madriers.
        Le 28 mars 1748, on annula l'accord du 18 mars 1747. Joseph Gagnon n'habitera plus chez ses parents. Il fut remplacé par Charles-François et sa femme Marie-Joseph Pelletier. Ils eurent ainsi la charge d'entretenir leurs parents. Joseph renonça à la donation de ses parents.
        En août 1751, on régla le partage des terres entre les héritiers d'Alexandre. Le partage entre Charles-François et Joseph Gagnon se fit le 8 août devant le notaire Noël Dupont. Il prépara 2 billets d'égale grandeur qu'il roula et plia. Il mit ces billets dans un chapeau et il demanda à un jeune enfant de prendre un billet. Il est possible que cet enfant fut Charles-François Gagnon fils. Le nom de Joseph sortit et c'est ainsi qu'il eut la partie nord-est de la concession de son père. Cette partie comprenait la maison et tous les autres bâtiments sauf une grange. Charles-François eut la partie sud-ouest de la concession avec une grange de 30 pieds de long par 20 pieds de large. Les deux frères prirent des arrangements pour faire des constructions. Ils vont édifier un bas-côté qui était le terme utilisé pour un garage collé sur la maison. Celui-ci sera bâti près de la maison existante. Sur la terre de Joseph, on construira aussi un pignon en pierre au bout de l'étable. Sur la terre de Charles-François, on s'entendit pour construire une maison de pierre avec 2 cheminées. Ses dimensions seront de 30 pieds de long par 26 de large. Cette maison aura une cave de 7 pieds bien pierrotée avec un bas-côté de 8 pieds de long sur toute la largeur de la maison. La grange sera refaite par les deux frères. L'écurie et la bergerie seront déplacées sur la terre de Charles-François. Une autre écurie de 12 pieds de long devra être construite le long de l'étable. Ces travaux commenceront à la prochaine St-Jean et s'échelonneront sur une période de 3 ans. Entre temps, les 2 frères habiteront chacun un bout de la maison de leurs parents. Ils pourront utiliser les bâtiments comme ils le faisaient auparavant. Alexandre et Angélique Caron habiteront la même maison qu'eux. Cependant, ces projets ne seront pas réalisés à cause du décès des 2 frères. Lors de l'inventaire des biens de Charles-François en 1757, sa terre aura encore la même grange avec aucun autre bâtiment dessus.
        Charles-François Gagnon est décédé entre l'été 1753 et 1756. Il signa son nom lors du baptême de sa fille Marie-Joseph en juin 1753. Marie-Joseph Pelletier se remaria avec Joseph Durand en 1757. Entre ces 2 événements, c'est le silence total à son sujet. Son décès n'est pas mentionné dans les registres de L'Islet et des paroisses environnantes. Dans l'inventaire de ses biens en 1757, on mentionne qu'il est décédé depuis plusieurs années. Sur sa mort, on peut faire des hypothèses. A la veille et au début de la guerre de sept ans, beaucoup de canadiens sont allés dans la vallée de L'Ohio ou quelque part sur la frontière avec les colonies anglaises comme milicien. Il pourrait être décédé dans ces régions. Autre hypothèse, son décès n'aurait pas été inscrit dans le registre de l'endroit ou encore son décès aurait été inscrit dans un registre qui est perdu. L'acte de baptême de son fils Léon et l'acte de décès de la première femme de Joseph Gagnon sont aussi introuvables.
        Notons en passant un événement qui n'a pas affecté directement la famille Gagnon mais qui a touché beaucoup de gens à L'Islet. Il y a eu 22 décès au cours du mois de janvier 1756. Il y eut probablement une épidémie.

        L'inventaire des biens se fit le 22 juin 1757. La majorité de ces biens furent relevés lors de l'inventaire d'Alexandre Gagnon. Les différences entre ces 2 inventaires ne sont pas assez importantes pour énumérer tous ces biens. Un article de nouveau est un piège à renard. Dans les vêtements, il avait 2 chemises fines, 2 mouchoirs de soie, une ceinture de taffetas noire, un capot complet de gros draps, une paire de culotte de velours à queue. Comme animaux, il avait dans la bergerie 9 moutons dont 6 femelles et 3 mâles et 3 agneaux de l'année. Dans l'étable, il y avait une mère dinde avec sa couvée, 3 vaches, une paire de boeufs, une taure hivernée, 2 petits veaux de l'année, 3 "nortures" (petits cochons), un cheval gris avec son harnais, un autre cheval, 2 truies, un cochon mâle et une truie d'un an.
        Sa terre principale avait 3 arpents et 2 perches de front sur le fleuve St-Laurent avec une grange. Il possédait aussi une concession au deuxième rang de L'Islet St-Jean mesurant 2 arpents de front par une lieue de profondeur. Cette concession avait appartenu à son père Alexandre. Il possédait une autre concession dans le seigneurie de Port Joly qui était en bois debout. Celle-ci avait 4 arpents de front sur le fleuve par une demie-lieue de profondeur. Cette concession était bornée au nord-est par celle de Joseph Dutremblay et au sud-ouest par celle d'Amable Moreau. Cette concession a été allouée à une date indéterminée.
        Charles-François et Marie-Joseph avait aussi accumulé des dettes. Ils devaient 100 livres à Joseph Riverin, un marchand de Québec, 72 livres à Pierre Aucouturier, marchand à Port Joly, 10 livres à Jean Fortin, capitaine de milice. 34 livres et 10 sols à Jean Boucher, 6 livres à Ignace Caron, 16 livres à Bernard Pelletier et 2 livres au cordonnier Pierre Petit.
       
       
        LA GUERRE DE SEPT ANS
       
                La guerre de sept ans eut lieu de 1755 à 1763 malgré le fait que les hostilités aient commencé en 1754 dans la vallée de l'Ohio. Le but de l'Angleterre était de conquérir la Nouvelle-France. Malgré les succès français à Oswego, Monongahéla, William-Henry et Carillon, il devenait difficile pour le Canada de résister longtemps aux anglais. Il y eut plusieurs disettes durant ces années. Louisbourg fut pris par les anglais en 1758. L'assaut du Canada commença en 1759. Une flotte anglaise dirigée par Wolfe se présenta devant Québec en juin. Ils prirent l'île d'Orléans, la pointe de Lévis et la région à l'est des chutes Montmorency. Les armées françaises étaient dirigées par Montcalm. Ayant des difficultés à s'emparer de Québec, Wolfe ordonna le 6 août à l'officier Monckton de faire incendier les demeures et les récoltes en aval de Québec. Ces événements se produiront au cours du mois d'août et de septembre.
        C'est probablement ce fait qui va le plus affecter nos ancêtres Gagnon. Les habitations de L'Islet, de Port Joly et des environs furent brûlées. A cette date, on peut avancer que tout ce que notre lignée de Gagnon avait bâti depuis 120 ans a été détruit tant sur la rive sud que sur la côte de Beaupré. On rapporte que les soldats qui participèrent à ces actes en furent dégoûtés. Sur la côte de Beaupré, il y eut un événement où deux Gagnon furent impliqués. Ce sont Jean Gagnon, 69 ans, petit fils de Mathurin et Pierre Gagnon, 60 ans, fils de Noël et cousin d'Alexandre Gagnon. Ces deux personnes, le curé de St-Joachim et d'autres s'étaient cachés dans les bois durant le siège de Québec. lorsqu'ils virent que les anglais incendiaient les maisons et qu'ils s'approchaient de l'église, ils sortirent des bois et se réfugièrent dans le couvent. Ils voulurent ainsi s'opposer à la destruction de leur église. Les anglais les forcèrent à se rendre en utilisant des canons. Après leur reddition, ils furent tués le 27 août.
        Finalement, le 13 septembre 1759, la bataille des plaines d'Abraham va entraîner la capitulation de Québec. Montréal va capituler à son tour en 1760. Le régime français fut dès lors remplacé par le régime anglais.
        Cette guerre a affecté le taux de natalité entre 1758 et 1761. A cette époque, les familles étaient nombreuses. Les naissances se suivaient à l'intérieur de 1 ou 2 ans. C'est le cas de Joseph Durand avec Marie-Joseph Pelletier qui eurent un enfant en 1757 et le suivant en 1761. C'est aussi le cas d'une soeur de Charles-François Gagnon. Marie-Geneviève Gagnon et François Fournier ont eu un enfant en 1758 et le suivant en 1762.
        Dans la majorité des paroisses du bas du fleuve, il n'y a presque eu aucun registre et acte notarié entre le mois de juillet et le mois de décembre 1759.
        Après la guerre, les canadiens vont pouvoir conserver certaines institutions du régime français. Ils vont continuer à pratiquer la religion catholique. Le système seigneurial va continuer d'exister jusqu'en 1854. La fonction de capitaine de milice va aussi exister jusqu'au 19e siècle. Le système monétaire sera plus complexe. Les livres et les sols continueront d'exister. On verra apparaître la livre anglaise et les piastres d'Espagne.

REMARIAGE DE MARIE-JOSEPH PELLETIER AVEC JOSEPH DURAND
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        Marie-Joseph Pelletier épousa Joseph Durand le 7 février 1757 à L'Islet. Celui-ci était le fils de François Durand et de Louise Langelier. Il fut baptisé le 9 août 1732 à L'Islet.
        Leur contrat de mariage fut rédigé le 6 février 1757 chez Angélique Caron. Ils se marièrent en communauté de biens. La dot de Marie-Joseph Pelletier s'éleva à 250 livres et 10 sols. Elle s'engagea à faire l'inventaire des biens de son premier mari Charles-François Gagnon. Le tiers de ces biens feront partie de la communauté de biens entre les époux et les deux tiers restants seront partagés plus tard entre les enfants de Charles-François. Marie-Joseph se réserva le droit de conserver son lit garni, ses bagues et ses joyaux. Les enfants Gagnon seront élevés par les époux. Ils ne toucheront aucun salaire avant l'âge de 18 ans. Les conséquences de ce contrat furent que chaque fois que Joseph Durand acheta ou vendit un terrain, il dut tenir compte de la succession de Charles-François Gagnon revenant à ses enfants.
        Les parents de Joseph Durand étaient déjà décédés depuis plusieurs années. Il eut comme tuteur Etienne Caron. Le 4 décembre 1757, il reçut de lui sa part dans la succession de ses parents soit la somme de 100 écus.
        Au moment de leur mariage, la guerre de sept ans était en cours. Joseph Durand fut soldat au régiment de la Reine, compagnie Delmas. Il dut participer à la bataille de Carillon en 1758. Il fut souvent absent de L'Islet lors de cette période. Il n'est pas là lors de l'inventaire des biens de Charles-François Gagnon. Comme soldat, il est cité comme témoin de Joseph Roussiac, le 22 décembre 1757 pour son certificat de liberté. Le 26 janvier 1758, il signa comme témoin dans le mariage d'un soldat à Québec. Il avait à cette date le grade de sergent. Il était à la Pointe-aux-Trembles le 18 janvier 1759. Il devint sous-lieutenant aux grenadiers en 1760. Pendant la bataille de Sainte-Foy en avril 1760, le régiment de la Reine ne se retrouva pas à la position voulue. Cela eut pour conséquence que ce régiment ne participa pas à la bataille et empêcha peut-être les armées françaises de reprendre la ville de Québec. Si Joseph Durand a été soldat régulier pendant la guerre de sept ans, il est à remarquer que la majorité de ses compatriotes canadiens le furent à titre de milicien. Ces derniers étaient appelés sur demande. Joseph Durand fut démobilisé de l’armée après la reddition de Montréal.
        Joseph Durand et Marie-Joseph Pelletier eurent comme enfants:
       
1- Joseph, baptisé le 25 décembre 1757. Il serait mort jeune.
       
2- Joseph-Marie, baptisé le 1 novembre 1761. Il s'est marié à Marguerite Cécile Jean le 15 octobre 1787.
       
3- Marie-Madeleine, baptisée le 16 mars 1763. Elle était célibataire en 1787.

4- Angélique, née à une date inconnue. Elle s'est mariée à Louis Dostous.

5- Louise, née à une date inconnue. Elle s'est mariée à Jean-Baptiste Dionne entre 1787 et 1796

6- Basile, né à une date inconnue et marié à Geneviève Lemieux le 8 octobre 1799 à St-Jean Port Joli.
       
            Les enfants Gagnon et les enfants Durand ont eu peu d’affaires à traiter ensemble. Les questions d’héritage entre les 2 groupes étaient différentes. Celle des Gagnon s’est réglé progressivement entre 1757 et 1780. Celle des enfants Durand va commencer en 1787 et va se terminer en 1805. On peut tout de même établir qu’il y a eu des rapports entre les 2 demi familles. Les enfants Durand furent présents au mariage de leur demi frère Léon Gagnon. Charles-François Gagnon fut présent au mariage de son demi frère Joseph-Marie Durand.
        Après la guerre, Joseph Durand s'établit à St-Jean Port Joli auquel on donnait à l'époque le nom de St-Jean sur le Sud. Puisque les maisons ont été incendiées durant le siège de Québec, il a dû rebâtir sa ferme. Il possédait beaucoup de terrain dans la seigneurie de Port Joly. Au cours des années qui vont suivre, il va vendre la majorité de ces terrains. Dans ces transactions, Marie-Joseph Pelletier l'accompagnera à chaque fois.
        Le 15 mai 1761, après une assemblée de famille, Joseph Durand et Marie-Joseph Pelletier firent un échange de terrain avec Régis Caron et son épouse Marie-Barbe Fournier. Il était un neveu d'Angélique Caron. Régis Caron habitait alors le deuxième rang de St-Jean Port Joli. Joseph Durand échangea 16 perches de terre de front avec un autre demi-arpent de front sur lequel vivait la veuve Angélique Caron. Ce terrain était une partie de l'ancienne propriété de Charles-François Gagnon. En retour, Régis Caron échangea une concession de 3 arpents de terre de front sur une demi-lieue de profondeur située dans le second rang de la seigneurie de Port Joli. Elle était bornée au nord-est par la concession de François Morin et au sud-ouest par celle de Charles Labbé. Cette concession comportait aussi des bâtiments. Régis Caron s'était engagé à démolir la grange actuelle et d'en rebâtir une autre au cours des 3 années suivantes. Cette grange ressemblera à la première sauf qu'au lieu d'avoir une couverture en planche, elle aura une bonne couverture en paille. Régis Caron alla habiter sur une partie de l'ancienne terre de Charles-François Gagnon. Il eut à pourvoir aux besoins d'Angélique Caron.
        Au recensement de 1762, il y avait chez Joseph Durand sa femme Marie-Joseph, les quatre garçons des deux mariages de sa femme, une fille et une femme comme domestique. Sa terre mesurait un arpent et demi de large. Il avait 15 arpents en semence. Il possédait 2 boeufs, une vache, 2 taures, 6 moutons, 2 chevaux et 4 cochons.
        Le 3 mars 1764, après le décès d'Angélique Caron, tous les propriétaires de l'ancienne concession d'Alexandre Gagnon se réunirent pour rediviser cette terre. Les limites entre chacun d'eux n'étaient pas claires. Jean Boucher et Marie-Reine Fortin ont pris les 4 premières perches de front au sud-ouest de la concession. Il avait acheté sa part de Joseph-Marie Gaulin qui était l'époux de Barbe Gagnon, la soeur de Charles-François Gagnon. Joseph Durand prit sa part qui était située à côté de celle de Jean Boucher. Joseph Gagnon fils prit la partie suivante. Régis Caron eut la partie la plus au nord-est. Régis Caron s'engagea à entretenir la clôture de ligne entre la part de Joseph Durand et Joseph Gagnon.
        En ce même 3 mars 1764, Joseph Durand acheta une terre de Jean-Baptiste Fournier de Ste-Anne de la Pocatière. Cette concession avait 14 perches et demie de front et était située dans le deuxième rang de St-Jean Port Joli. Ses voisins étaient au nord-est les héritiers de Pierre Aucouturier et au sud-ouest à la mineure de Nicolas Durand. Joseph Durand a payé 100 écus pour ce terrain.
        Le 23 février 1765, Joseph Durand échangea ce même terrain de 14 perches de front contre 2 autres terrains de mêmes dimensions à Pierre Aucoututier. Celui-ci a agrandi sa concession qu'il avait au deuxième rang. Il en fut de même pour Joseph Durand, qui se retrouva avec une terre qui était située au nord-est de la sienne dans le premier rang. L'autre terre qu'il obtint était située dans le deuxième rang et était aussi voisine d'une autre de ses terres. Un fait à remarquer pour le premier rang; les concessions ne commençaient plus au fleuve mais sur le chemin du roi. Joseph Durand paya 200 livres pour le terrain en plus. Il devait faire un premier versement de 40 livres au printemps 1765 et un versement de 160 livres à l'automne suivant. Cependant cette somme de 200 livres fut versée le 5 décembre 1768.
        Le 4 juillet 1767, Joseph Durand échangea à Pierre Caron 4 perches de terre de front sur l'ancienne concession de Charles-François Gagnon à L'Islet St-Jean contre un autre 4 perches de front sur cette même ancienne concession. Auparavant, Pierre Caron a sûrement acheté la part de Joseph Gagnon. La parcelle revenant maintenant à Joseph Durand était maintenant voisine de Régis Caron. Il fallut refaire les clôtures pour délimiter ces terrains. L'ancienne concession de Charles-François ou ce qui en restait était encore réservée à ses fils mineurs.
        Le 27 juin 1768, Joseph Durand vendit à Germain Dutremble 2 arpents de terre de front sur le fleuve par une demie lieue de profondeur à St-Jean Port Joli. Ce terrain était borné au nord-est par Joseph Dutremble et au sud-ouest par les mineurs de feu Charles Gagnon. Cette terre était entièrement en bois debout. Le prix de ce terrain a été de 500 livres.
        Le 10 septembre 1768, Joseph Durand, Marie-Joseph Pelletier ainsi que leur fils Charles-François et leur neveu Joseph Gagnon vendirent à Jean-Baptiste Couillard-Després tous leurs droits seigneuriaux qu'ils avaient dans la seigneurie de L'Islet St-Jean. Ces droits avaient été acquis en 1745 et en 1747. Joseph Durand et sa famille avaient déjà fait une entente avec le sieur Couillard-Després en avril de cette année. Joseph Gagnon avait de sa part fait une entente en mars 1767. Joseph Durand reçut la somme de 63 livres. Il devait recevoir la somme de 58 livres à la St-Martin soit le 11 novembre. Charles-François Gagnon reçut également la somme de 63 livres. Il recevra 12 livres à la St-Martin et le reste à l'automne de l'année suivante. Ce montant devra être partagé entre lui et ses frères. Joseph Gagnon reçut en tout la somme de 200 livres. Joseph Durand et les héritiers Gagnon possédaient encore à cette date à L'Islet St-Jean 16 perches de front de terrain en culture au premier rang, 4 perches au deuxième rang et 2 arpents au troisième rang. Ils eurent le privilège de ne payer aucune rente seigneuriale tant et aussi longtemps qu'ils posséderaient ces terres. En cas de vente, les acheteurs auraient eu à payer ces rentes. Par la suite, il n'a pas été possible d'établir de ce qu'il advint de ces terres.
        Le fait que la famille Gagnon ait possédé une partie de la seigneurie de L'Islet St-Jean s'est transmis de bouche à oreille de génération en génération pendant plus de 200 ans. Charles-François Gagnon fut plus tard en contact régulier avec son petit-fils François-Régis. De même, son fils Charles fut en contact avec les plus vieux de la famille de François-Régis. De là, Eugène Gagnon en entendit parler pour transmettre à son tour cette nouvelle à ses enfants. Ce fait qui fut connu d'Aimé Gagnon et qu'il a raconté à ses enfants était maintenant vague et on ne pouvait certifier de quelle époque et de quel lieu qu'il s'agissait. On se retrouve tout de même avec le plus ancien souvenir de la famille Gagnon.
        Le 11 septembre 1768, Joseph Durand vendit à Joseph Gagnon 14 perches de terre de front sur le fleuve à St-Jean Port Joli. Ce terrain remontait jusqu'au sault de la rivière des Trois Saumons. Ce terrain était borné au nord-est par Barthélémy Dubé et au sud-ouest par Joseph Gagnon. Le prix du terrain fut de 180 livres. Joseph Gagnon s'engagea à payer 100 livres au cours de l'hiver suivant et le reste au cours du mois de mai 1769. Le 26 juin 1769, Joseph Durand reconnut qu'il avait été entièrement payé pour ce terrain. Cette même journée, il traita pour son frère Jean-Baptiste Durand, la vente d'un terrain de 14 perches de front sur le fleuve à François Blais.
        Le 6 juillet 1769, Joseph Durand vendit à Joseph Gagnon 3 perches de terre de front sur le premier rang de St-Jean Port Joli. Ce terrain touchait à la concession principale de Joseph Durand par nord-est. Il se réserva l'usage des bâtiments vendus sur cette terre. Il garda pour lui un arpent et demi de longueur en terrain au sud de la rivière Trois-Saumons. Cette information permet de situer approximativement l'emplacement de cette propriété dans le premier rang de St-Jean Port Joli. On peut supposer que cet arpent et demi de terrain était situé près du deuxième rang. Donc on pourrait affirmer que la rivière des Trois-Saumons passait en arrière du premier rang de Port Joli sur la terre de Joseph Durand.
            Le 14 juillet 1770, Joseph Durand et Marie-Joseph Pelletier firent un échange de terrain avec Claude Babin, le maître farinier de Port Joly. Joseph obtint une terre d'un arpent et demi de terre de front sur le fleuve sur une demie lieue de profondeur dans la seigneurie Des Aulnaies. Cette terre comprenait des bâtiments. Leur voisin au nord-est était Joseph Lafrance et au sud-ouest Bernard Saucier. Il reçut aussi une concession d'un demi-arpent dans le deuxième rang de la seigneurie Des Aulnaies. Cette terre était en bois seulement. Joseph Durand laissa à Claude Babin 2 arpents et demi de terre avec les bâtiments situés entre Jean Durand au nord-est et Joseph Gagnon au sud-ouest. Il s'agissait de sa terre principale. Joseph loua aussi 16 perches de terrain à Claude Babin pour une période de 2 ans. Joseph s'engagea à livrer les planches et madriers nécessaires pour la construction d'une maison sur son ancienne terre. Il fournira aussi le charpentier et le maçon pour la période de construction. A partir de ce jour, Joseph Durand et Marie-Joseph Pelletier habitèrent à St-Roch des Aulnaies. Il est probable qu'une grande partie des frères et soeurs de Marie-Joseph Pelletier habitaient à St-Roch des Aulnaies. Plusieurs d'entre eux s'y sont mariés. Cette terre devait être rattachée à la paroisse de Ste-Anne de la Pocatière. Ils ont toujours eu comme voisin au nord-est Joseph Lafrance. Dans tous les documents subséquents, on mentionne qu’ils habitaient Ste-Anne.
            Le 15 novembre 1773,la famille Pelletier eut à régler la succession de leurs parents soit Joseph Pelletier et Ursule St-Pierre. Joseph Durand et son beau-frère Louis Roy reçurent de Pierre Pelletier ce qui leur revenait de la succession des parents de Marie-Joseph Pelletier.
        Le 6 octobre 1783, Joseph Durand acheta de Jean Brillant une terre à St-Louis du Kamouraska. Cette terre était située au troisième rang de Kamouraska. Elle avait 3 arpents de front sur le deuxième rang. Elle avait en profondeur 40 arpents. Cette terre était bornée au nord-est par Marie Brillant et au sud-ouest par Philippe Voisin. Les rentes seigneuriales étaient payées jusqu’en 1785 à la seigneuresse de Kamouraska soit madame Ducharnay. Le prix du terrain fut de 36 piastres.
            Le 29 septembre 1787, Joseph Durand et Marie-Joseph Pelletier firent la donation de leurs biens à leur fils Joseph-Marie Durand. Celui-ci était sur le point de se marier. Ils le firent aussi étant donné leur âge avancé et leurs infirmités. Cette donation comprenait leur terre au premier rang de la paroisse de Ste-Anne. Cette terre avait un arpent et demi de front au fleuve St-Laurent. Il y avait dessus la maison et les bâtiments, des terres en culture, des animaux de différentes espèces dont la volaille. Le chemin du roi passait au devant de leur terre. Elle était bornée au sud-ouest par la terre de Raphael Martin et de Jean Ouellet et au nord-est par celle de Joseph Lafrance.
        En retour de cette donation, Joseph-Marie Durand devra remplir certaines obligations envers ses parents. Il devra les nourrir, les entretenir, les loger, les chauffer autant en hiver qu’en été. Une certaine quantité de nourriture leur sera fournie annuellement. Ils auront droit à quatorze minots de blé provenant de la terre. Le tout sera réduit en farine et apporté dans son grenier. Ils auront un minot de pois cuisant pour la soupe, un cochon gras pesant au moins 150 livres, un mouton vif de 2 ou 3 ans et un quartier de boeuf. Ils se réservent le droit de faire pacager le cochon et une vache à lait sur la terre de leur fils. Ces animaux seront renouvelés au besoin. Le veau provenant de la vache appartiendra aussi à Joseph Durand. Ils auront aussi comme nourriture des choux et des oignons. Ils auront à leur disposition du fil, une demi livre de poivre, 6 pots d’eau-de-vie, 10 livres de tabac à fumer pour le père, 6 livres de beurre. Ils auront du poisson durant le carême.
        Marie-Joseph Pelletier désira du papier d’épingle (?), un mouchoir de coton, une paire de soulier d’Europe, une paire de soulier sauvage en boeuf ou en vache tannée. Joseph Durand demanda 2 paires de souliers sauvages en boeuf tanné, une paire de soulier d’Europe à tous les 2 ans, un bonnet drapé à tous les 2 ans et un fichu de soie.
        Pour les jours de fête et les dimanches, Joseph Durand aura un habit fait en drap et une chemise fine. Marie-Joseph Pelletier aura un jupon et un mantelet fait en “judienne” ou en coton de son choix et un mouchoir à son goût à tous les 2 ans. Elle aura comme tissu une demi verge de
judienne”, une demi verge de mousseline à tous les 2 ans.
        Le père aura aussi une bougrine doublée avec les fournitures en étoffe du pays à tous les 2 ans, une paire de culottes en étoffe du pays à tous les ans, une paire de bas et une paire de chausson à chausser en laine une fois par année, une paire de mitaine de cuir à tous les ans, une paire de mitaine en étoffe du pays.
        La mère aura un manteau jupe avec les poches en étoffe du pays à tous les 2 ans, 8 autres toiles du pays par année, une paire de gant chamois à tous les 4 ans.
        Les vêtements seront nettoyés, blanchis, et raccommodés au besoin. Pour la chambre à coucher, les draps seront changés à tous les mois. La courtepointe, les couvertures de laine, les toiles, la paillasse et la nappe seront renouvelées au besoin.
        Durant leur maladie, leur fils les fera soigner. Ils auront à leur disposition du vin. Leur fils paiera pour faire venir le chirurgien. Lorsqu’ils seront dans le grand besoin, ils se réserveront le tiers de l’huile provenant de la pêche à marsoin.
Cela amène à traiter d’une activité répandue sur le fleuve St-Laurent. A certaines périodes de l’année, des marsoins se retrouvaient près de la ferme de Joseph Durand. Ces mammifères cétacés étaient pêchés dans le but d’en extraire l’huile pour l’éclairage. Les Durand prenaient des marsoins lorsqu’ils s’en présentaient.
        Joseph Durand et Marie-Joseph Pelletier se réservent également la moitié du jardin potager. L’entretien de la clôture et le fumier à apporter comme engrais seront la responsabilité de Joseph-Marie Durand.
Il se réserva aussi un cheval pour le transport en voiture. Le cheval pourra être attelé au besoin à leur porte. Leur fils s’occupera de le faire pacager et hiverner.
        Joseph Durand avait beaucoup de volaille. Il se réserva la moitié des revenus provenant des volailles de toute nature. Les plumes serviront à faire les lits des enfants restants à la maison (Marie-Madeleine, Louise et Basile). Après leur départ, les profits des surplus de volaille et des plumes seront également partagés.
Dans la maison, ils se réservèrent leur chambre. Ils gardèrent à leur disposition la table, la huche, 6 chaises, une marmite avec sa cuillère, une lampe, 6 fourchettes, 6 cuillères et la vaisselle au besoin. Le bois de poêle sera porté à leur chambre.
        Joseph-Marie Durand verra à les faire enterrer après leur décès. Ils auront chacun un service le jour de leur enterrement et une basse messe de requiem pour le repos de leur âme.
Marie-Madeleine et Louise Durand auront droit chacun le jour de leur mariage à une taure de 2 ans et 2 moutons, un rouet et un lit tel qu’il se retrouvera. Cependant, Louise Durand n’avait pas encore son propre lit. Elle fera le sien comme celui de sa soeur Madeleine. Chacun aura son coffre à linge avec en plus 2 nappes. Ils recevront chacun la somme de 100 francs ou 100 livres. Cependant, Madeleine n’a pas de date de mariage connue. Le registre est peut être perdu ou encore elle est restée célibataire.
        Angélique Durand qui était déjà mariée avec Louis Dostous recevra aussi 100 francs. Basile Durand aura aussi cette somme lors de son mariage ou lors de son âge de majorité (21 ans). Une autre personne semble vivre chez Joseph Durand. Son nom est François Benoit. Il est possible qu’il ait été adopté par la famille. Il aura droit aux mêmes faveurs.
François Benoit et Basile Durand auront aussi une taure de 2 ans, 2 moutons, un cheval, un lit tel qu’il est et leur coffre avec harde et linge. Ils reçurent aussi la terre de leur père sise à Kamouraska dans le troisième rang. Ils prendront chacun un arpent et demi de terrain de front sur cette terre de 3 arpents. Cette terre avait 40 arpents de profondeur et était en bois debout. A partir de ce moment, ils payèrent les rentes seigneuriales de cette propriété. Ils restaient libres de continuer de rester dans la maison de leurs parents.
        Le contrat de mariage de Joseph-Marie Durand fut rédigé le 13 octobre 1787. On reconfirma la donation de ses parents qui l’avantageait. Le mariage eut lieu le 15 octobre. Les demi frères Gagnon furent présents à cette occasion.
Louise Durand et son époux Jean-Baptiste Dionne reçurent leur part d’héritage de Joseph-Marie Durand le 27 septembre 1796.

Malgré la distance qui pouvait séparer Ste-Anne de la Pocatière avec St-Jean Port Joli, ils ont gardé de bons contacts avec leur fils Charles-François Gagnon. Ils furent présents aux noces de leur petit-fils Charles Gagnon en 1794.
            Joseph Durand est décédé le 30 juillet 1804 à l'âge de 71 ans. Il fut muni des saints sacrements. Il fut inhumé le 31 juillet 1804. Marie-Joseph Pelletier est décédée le 3 décembre 1804 à l'âge de 74 ans. Elle reçut les saints sacrements. Elle fut inhumée le 4 décembre 1804.
        Le partage de leurs biens se fit l'année suivante. Le 26 août 1805, leur fils Joseph rencontra Angélique Durand et son époux Louis Dostous pour leur remettre comme héritage 18 piastres d'Espagne, un poulain de trois mois et du bois de pin pour faire 5 châssis.
       
LA REVOLUTION AMERICAINE

        Après la guerre de sept ans, le gouvernement anglais créa de nouvelles taxes dans ses colonies américaines dans le but de renflouer les dépenses de ce conflit. L'insatisfaction fut générale et elle conduisit à la rébellion. Pour éviter que les canadiens français soient attirés par la rébellion, le gouverneur Guy Carleton fit passer l'acte de Québec en 1774. Cet acte donnait plus de pouvoir aux canadiens. Cela déplut aux insurgés mais ils invitèrent quand même les canadiens à se joindre à eux. On vit alors dans les villages des émissaires qui tentèrent de faire de la propagande. Plusieurs canadiens firent un choix entre la loyauté envers l'Angleterre et les sympathies avec les rebelles américains. Mgr Briand de Québec incita fortement les canadiens à rester loyaux.
        Les insurgés américains envahirent le Canada français en 1775. Ils s'emparèrent de Montréal et de Trois-Rivières. Ils tinrent un siège devant la ville de Québec. Plusieurs canadiens prirent partie pour les anglais royalistes ou pour les rebelles américains. Le seigneur de l'île aux Grues, monsieur Beaujeu avec l'aide du seigneur de St-Jean Port Joli, Ignace Aubert de Gaspé, organisèrent une milice royaliste pour secourir la ville de Québec. Pourtant ces deux seigneurs avaient lutté contre les anglais durant la guerre de sept ans. Les rebelles furent avertis de leur projet par des sympathisants canadiens. Une bataille eut lieu à St-Pierre du Sud. Cette armée royaliste fut déroutée par les américains. D'autres canadiens prirent le parti des américains. On retrouve principalement le nom de Clément Gosselin comme propagandiste pour la région allant de Montmagny à Kamouraska. Plusieurs ramassèrent du bois pour faire des feux devant servir de signaux pour les rebelles. Quelques uns essayèrent de recruter des gens à la sortie des églises. Leurs succès furent limités. Parmi ces gens, on retrouve plusieurs proches parents et amis de la famille Gagnon. Guillaume Fournier, capitaine de milice de St-Jean Port Joli et Augustin Fournier qui s'étaient mariés avec des filles d'Alexandre Gagnon ainsi que Joseph Pelletier, un frère de Marie-Joseph Pelletier, capitaine à St-Roch des Aulnaies et Laurent Caron, un ami ont aidé la cause des rebelles américains. Cette guerre a parfois opposé des membres de la même famille dans des camps adverses. C'est peut être la seule guerre à ce jour où des canadiens français ont combattu contre d'autres compatriotes. La majorité des canadiens devait toutefois rester neutre dans ce conflit. Joseph Durand et Charles-François Gagnon fils n'ont pas pris part au conflit. Joseph Gagnon, un cousin de Charles-François était sergent de milice à St-Jean Port Joli. Il n'a pas participé à aucune bataille mais il ne fut pas destitué par les anglais.
        Les américains n'ayant pas assez d'appui se retirèrent au sud l'année suivante. Les anglais firent le tour des villages pour vérifier la loyauté de ses habitants. On destitua les officiers de milice qui étaient soupçonnés d'avoir sympathisé avec les rebelles. Ce fut le cas de Guillaume Fournier de St-Jean Port Joli, un proche parent des Gagnon qui aida les américains. Ils furent remplacés par des personnes plus royalistes. Les anglais élaborèrent la liste des personnes suspectes. La population de chaque village eut droit à une harangue qui se terminait par le cri "Vive le roi".
        Les Etats-Unis se déclarèrent indépendants le 4 juillet 1776. La guerre d'indépendance se poursuivit jusqu'en 1781. Le Canada français a manqué la possibilité de devenir un état américain ou encore de redevenir une colonie française. Les armées américaines ne devaient revenir au Canada que durant la guerre de 1812 mais sans succès.
       
        7- CHARLES-FRANCOIS GAGNON et MARIE-ANNE-JUDITH MIVILLE
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        Charles-François Gagnon est né le 14 avril 1748. Il s'est marié à Marie-Anne-Judith Miville dit Deschênes le 21 août 1770 à Ste-Anne de la Pocatière. Elle fut baptisée le 12 décembre 1749. Elle était la fille de Joseph Miville et de Marie-Charlotte Morin de Ste-Anne de la Pocatière.
        Le 10 septembre 1768, Charles-François, ses parents ainsi que son cousin Joseph Gagnon vendirent leurs parts qu'ils avaient dans la seigneurie de L'Islet St-Jean à Jean-Baptiste Couillard-Després. Charles-François était considéré comme étant majeur à 21 ans. Les lois anglaises ont fait passer l'âge de la majorité de 25 ans à 21 ans. En réalité, il avait 20 ans. Il devait voir à faire ratifier cet accord à ses frères lorsqu'ils seraient majeur à leur tour. Il avait aussi la charge de partager avec eux les revenus de cette vente.
        Ce cousin Joseph Gagnon qui était le fils de son oncle Joseph a dû jouer un rôle important auprès de Charles-François. Tous les deux ont habité dans la grande maison de leur grand-père Alexandre lorsqu'ils étaient jeunes. Ils se connaissaient comme s'ils avaient été des frères. Après le décès d'Alexandre et de leur père respectif, Joseph Gagnon devint le principal homme de la maison. Etant adolescent durant cette période, il devait par la force des événements être très utile à la famille Gagnon. Son soutien devait être important face à la situation précaire de la famille pendant la guerre qui devait mener à la conquête anglaise du pays. Après la guerre, il s'établit à St-Jean Port Joli où il épousa Madeleine Miville. Celle-ci était la soeur de Marie-Anne Miville. Charles-François Gagnon pourrait avoir connu sa future épouse par l'entremise de son cousin. Un dernier détail sur Joseph; au recensement de 1762, il avait une terre de 3/4 arpent de front, 2 arpents en semence, 2 moutons, un cheval et un cochon.
        Leur contrat de mariage fut rédigé le 19 août 1770. Ils se marièrent en communauté de biens. La part d'héritage provenant de son père va être donnée dans ce contrat. Charles-François Gagnon reçut de Joseph Durand une terre de 2 arpents de front située au deuxième rang de St-Jean Port Joli. Cette concession comportait quelques bâtiments. C'était probablement celle que Joseph Durand avait échangée avec Régis Caron en 1761. Il devint ainsi le premier Gagnon de la lignée à ne pas habiter près du fleuve St-Laurent. Cette terre appartiendra à notre lignée de Gagnon pendant 3 générations. Il reçut également de Joseph Durand un cheval tout attelé avec la charrette, une vache, 3 moutons, un cochon de l'année, une traîne garnie, un terrier, une plaine, une hache, une pioche et une paire de boeufs de 2 ans. En retour de ce don, Charles-François devra livrer chaque année 4 minots de bon blé à sa mère Marie-Joseph Pelletier. Après le décès de sa mère, il devra faire dire 50 basses messes pour le repos de son âme. Joseph Durand hypothéqua pour Charles-François 2 perches de terre de front sur l'ancienne terre de son père Charles-François. Marie-Anne Miville reçut de ses parents une vache, une taure, 2 moutons, une demi-douzaine d'assiettes d'étain et de cuillers d'étain, un plat, une couverte de laine avec 2 paires de draps, une courtepointe et son coffre avec ses vêtements.
        Un des témoins de ce contrat de mariage était Laurent Caron. Il était un ami de Charles-François Gagnon. Laurent Caron avait des talents de conteur. Une de ses légendes est écrite dans le livre "Mémoires" de Philippe Aubert de Gaspé. Un indien rencontra le curé Ingan de L'Islet pour rapporter l'agonie de Joseph-Marie Aubé. Ce dernier était la bête noire de ses parents. Avant de mourir, il eut à lutter contre le diable pour l'empêcher d'emporter son âme en enfer. Il réussit à sauver son âme parce qu'il portait une médaille de Marie et qu'il fut assisté par cet indien. Laurent Caron fut le grand-père de Marcelline Caron, l'épouse de François-Régis Gagnon.
        Le seigneur de Port Joly était Ignace Aubert de Gaspé. Sa famille dirigeait le fief de Port Joly depuis le début de cette concession. Elle continuera à en être les seigneurs jusqu'à la fin du régime seigneurial. Le dernier seigneur, Philippe Aubert de Gaspé sera un écrivain célèbre du 19e siècle. Sur le plan politique, St-Jean Port Joli était situé en la province du Bas-Canada dans le comté de Devon.
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        L'église actuelle de St-Jean Port Joli fut construite en 1779. Les habitants de l'endroit furent nécessairement invités à aider à la construction en fournissant les matériaux nécessaires ou en s'offrant comme main d'oeuvre. Cet église a accumulé plusieurs oeuvres d'art au fil des années. On y retrouve plusieurs sculptures et tableaux de peintre. Elle a été déclarée monument historique en 1963.
        Charles-François était cultivateur. Lui et sa femme ne savaient pas écrire. Il faut remarquer que peu de gens savaient écrire à St-Jean Port Joli entre la conquête anglaise et le début du 19e siècle. Leurs enfants, tous nés à St-Jean Port Joli sont:

1- Charles, baptisé le 31 juin 1771. Il s'est marié le 7 octobre 1794 à Marguerite Angélique Jean à St-Jean Port Joli. Il est notre aïeul.

2- Marie Anne, baptisée le 29 juin 1772. Elle eut sa sépulture le 14 mars 1773.

3- Victoire, baptisée le 2 août 1773. Elle s'est mariée le 22 janvier 1794 à Augustin Carrier à St-Jean Port Joli. Il se faisait aussi appeler Magloire Carrier. Augustin s'est remarié en 1809 à Nicolet. Victoire serait décédée avant cette année.

4- Rosalie, baptisée le 13 octobre 1774.

5- Joseph, baptisé le 19 octobre 1775. Il s'est marié le 17 novembre 1812 à Emerentienne Fortin à St-Roch des Aulnaies.

6- Joseph Marie, baptisé le 26 janvier 1777. Il est décédé le 3 février 1777.

7- Marthe, baptisée le 9 mars 1778. Elle s'est mariée le 9 février 1801 à André Bélanger à St-Jean Port Joli.

8- François, né vers 1779. Dans les registres de la paroisse, il manque les pages allant du 27 février 1779 au 1 octobre 1780. Il s'est marié le 16 juin 1806 à Cécile Drugeot. Il se remaria le 14 avril 1812 à Charlotte Dubé. Il se remaria le 1 juillet 1817 à Marguerite Bélanger. Il se remaria le 14 juin 1831 à Marie Rou-Lauzier. Tous ces mariages ont eu lieu à St-Roch des Aulnaies. Il se maria donc 4 fois.

9- Archange, née le 27 janvier 1781 et baptisée le 4 février 1781. Elle est décédée le 18 avril 1782.

10- Félicité, née le 13 et baptisée le 13 mai 1782. Elle s'est mariée le 11 janvier 1814 à Isaac Thibault à St-Jean Port Joli.

        Tout comme son père, Charles-François est souvent mentionné sous le prénom de Charles. Il existait durant son époque un autre Charles Gagnon à St-Jean Port Joli. C'était un prénom fréquent.
        Le 14 octobre 1771, Charles-François en son nom et aux noms de ses frères mineurs vendit à son oncle Prisque Gagnon un demi-arpent de terre de front sur l'ancienne concession de son grand-père Alexandre à Bonsecours. Ce bout de terrain faisait partie de l'héritage de son père Charles-François. Ses deux frères mineurs recevront la somme de 50 livres et pour Charles-François la somme de 22 livres. L'entente de 1751 entre Prisque et Charles-François Gagnon père fut respectée.
        Le 30 août 1780, Léon Gagnon vendit à son frère Charles-François un arpent de terre de front sur 42 de profondeur situé au deuxième rang de St-Jean Port Joli. Cette terre faisait partie d'un ensemble de 3 arpents qui étaient bornés au sud-ouest par Charles Fortin et au nord-est par Jean Miville dit Deschênes. Cette terre aurait fait partie des terrains de la succession de leur père Charles-François Gagnon. Joseph Durand et Marie-Joseph Pelletier veillaient à faire un juste partage. Le prix du terrain fut de 40 piastres d'Espagne. Cette somme fut payée aussitôt.
        Le 15 septembre 1781, Charles-François et Marie Anne Miville ainsi que Joseph Gagnon et son épouse Madeleine Miville reçurent de leur frère Augustin Miville des biens matériels. Celui-ci était le donataire de ses parents Joseph Miville et Charlotte Morin. Les 2 soeurs Miville renoncèrent en retour à la succession future de leurs parents. Un témoin de l'événement fut Louis Caron qui sera le futur beau-père de Charles-François Gagnon.
                Le 26 juin 1783, Charles-François Gagnon et Marianne Miville échangèrent une terre avec Jean-Baptiste Leclerc dit Francoeur. Cette terre avait 2 arpents et demi de front au deuxième rang de St-Jean Port Joli. Elle avait cette largeur sur les 8 premiers arpents en profondeur. Elle avait ensuite 2 arpents et demi et 12 pieds de front jusqu’au troisième rang. Cette terre était bornée au sud-ouest par celle de Pierre Chouinard pour les 8 premiers arpents. Pour le reste, elle était bornée par celle de Charles-Marie Caron. Au nord-est, elle était bornée par celle de Joseph Leblanc. Cette terre comprenait un hangar.
        En échange, Charles-François Gagnon laissa à Jean-Baptiste Leclerc une terre de 3 arpents de front et 42 de profondeur au deuxième rang de St-Jean Port Joli. Cette terre avait des bâtiments et une maison. Elle était bornée au sud-ouest par celle de Charles Labbé et au nord-est par celle de Jean Miville.
        Les 2 propriétaires n’ont pas eu à débourser une somme d’argent pour cet échange. Le paiement des rentes seigneuriales dû à Monsieur De Gaspé était à jour. Il est possible que chacune des 2 parties ait déménagé sur la terre échangée.
        Marie-Anne-Judith Miville est décédée en 1784 à 34 ans. Elle a reçu les saints sacrements. Elle fut inhumée le 9 juin à St-Jean Port Joli. Malgré le décès de Marie-Anne, Charles-François continua d'avoir de bons rapports avec la famille Miville.
        Charles-François Gagnon s'est remarié à Marie-Reine Caron le 4 juillet 1785 à L'Islet. Ils ont dû obtenir une dispense de l'évêque de Québec puisqu'ils sont parentés au troisième degré. Le grand-père de Marie-Reine était François Caron, soit le frère d'Angélique Caron. Marie-Reine fut baptisée le 6 mai 1743. Ses parents étaient Louis Caron et Blanche Labranche dit Pampalon de L'Islet. Elle avait 42 ans et c'était son premier mariage. Il y eut un seul enfant de ce mariage:
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        1 - Marie-Reine, née le 4 juillet 1789. Elle est décédée le 26 août 1789 soit à 1 mois et 22 jours.

        Leur contrat de mariage fut rédigé le 2 juillet 1785. Ils se marièrent en communauté de biens. Marie-Reine Caron apporta avec elle tous ses vêtements qui furent évalués à 566 francs ou livres. Elle reçut aussi 2 moutons, un agneau de l'année. Elle reçut la somme de 500 francs de ses frères Louis-Simon et François Caron. Ceux-ci étaient les donataires de leurs parents. La moitié de cette somme fut payée le jour des noces et le reste fut payé au décès de leur père Louis Caron. Charles-François s'engagea à faire l'inventaire des biens de son premier mariage.
        La liste des hardes et linge de Marie-Reine Caron a été rédigée par Jean Despré, capitaine de milice et Pierre Boucher de L'Islet Bonsecours. Il y avait plusieurs mantelets, 3 paires de poches, 3 paires de bas, 3 paires de chaussettes, 2 corsets, une mante de coton, une cape, un jupon de coton, un rouet, 2 draps, 2 nappes, une paire de soulier, un collier d'épingle, un ruban, 3 serviettes, 4 mouchoirs de coton, d'autres mouchoirs, des coiffes, un coffre de petit butin, 29 chemises, 2 têtes d'oreillers, une courtepointe du pays, 2 couvertures de laine et d'autres articles difficiles à identifier.
        Le 15 juillet 1788, Il y eut l'inventaire des biens du premier mariage de Charles-François avec Marie-Anne Miville. On y fait la description des biens meubles et des animaux qu'ils avaient. Les terres et les bâtiments ne furent pas relevés. L'estimation de tous ces biens fut de 777 livres et 14 sols. Cette somme fut divisée en 2 dont la moitié resta à Charles-François et le reste fut à partager entre ses 6 enfants. Ce partage se fera pour chacun des enfants lorsqu'ils deviendront majeurs. Chacun d'eux reçut un montant d'argent en plus de recevoir une portion de la terre.
        Le contenu de cet inventaire se divise en animaux, machineries, outils et articles de maison. Comme animaux, il y avait 2 chevaux, une pouliche, 3 vaches à lait, une taure, 4 cochons, 8 brebis dont 3 avec leur petit, un veau de lait, 2 petits "nortureaux" (petits cochons), 10 poules, un coq et 26 petits poulets. Comme machineries et autres, il y avait une charrue, une traîne, une vieille carriole, 2 paires de menoirs avec leur chaîne, une peau de cheval et un "cabrouet" (charrette) avec ses vieilles roues. Comme articles de maison et outils, il y avait 3 chaudrons, 2 poêles, une petite marmite, 5 haches tant bonnes que mauvaises, 2 pioches, un pic et une pelle à feu, un "croq", une mauvaise faux, 2 ciseaux, un marteau, 4 faucilles, un plat et 4 assiettes d'étain, 2 plats de fer blanc, une chaudière de fer blanc, 12 terrines, un morceau de fer, un miroir, une lampe, 9 cuillers, un vieux poêle de tôle avec son tuyau, un baril, un vieux "reau" à toile, une paire de lames, 2 rouets, une poche de plumes, un coffre, un attelage, un vieux collier, 2 vieilles paires de raquettes, un coffre avec sa ferrure, une plaque de fer, 3 nappes, un drap, un lit, une vieille table, 9 chaises et 5 poches. Comme changement majeur par rapport aux inventaires décrits précédemment, on remarque que le poêle à bois remplace maintenant le foyer en pierre.
        A cette date, Charles-François devait recevoir de l'argent de son beau-frère Augustin Miville soit la somme de 36 livres. Ce montant faisait partie de l'héritage des parents de Marie-Anne Miville. Charles-François Gagnon avait des dettes à payer soit 21 livres et 10 sols au notaire Louis Cazes pour prêt personnel et frais de notaire, 79 livres et 18 sols au marchand Verreau de St-Jean Port Joli, 40 livres au forgeron Jean Boucher de L'Islet, 2 piastres à son père Joseph Durand et 6 piastres à Louis Thibault.
        Charles-François Gagnon avait la responsabilité d'entretenir un chemin entre sa terre et celle de Pierre-Basile Chouinard. Le 6 janvier 1791, Charles-François laissa l'entretien du chemin à Jean-Marie Caron et Charles-Marie Caron. En plus de l'entretien du chemin, ils devront réparer la clôture au besoin. Ce chemin devait être privé puisque Pierre-Basile Chouinard se réserva le droit de l'utiliser pour lui et les siens.
            Le 17 janvier 1794, Il y eut le mariage de Victoire Gagnon avec Augustin Carrier . Celui-ci va habiter une terre au troisième rang de St-Jean Port Joli. Sur cette terre, il y avait une sucrerie. Elle était garnie de “cassôts” (terme pour chaudière), de futailles (grand contenant) et avait un gros chaudron. L’usage des sucreries était déjà populaire à cette époque. Les époux ont passé l’hiver 1794 chez les parents d’Augustin Carrier. Lors de ce mariage, les grands parents Joseph Durand et Marie-Joseph Pelletier étaient absents. Les transports en hiver n’étaient pas facile.
            En cette même journée, Charles-François Gagnon et Marie-Reine Caron firent la donation de leurs biens à leur fils Charles. Ils préparèrent ainsi leurs vieux jours. Charles-François était alors âgé de 45 ans. Dans la lignée des Gagnon, il est celui qui l'a fait le plus jeune. Leur fils Charles reçut la terre du deuxième rang de St-Jean Port Joli avec les bâtiments dessus en plus de la part d'héritage de Charles-François suite au décès de Marie-Anne Miville. Les rentes seigneuriales devront dorénavant être payées par Charles. En retour Charles-François et Marie-Reine se réservèrent plusieurs privilèges dont une pension dans la maison. Pour se nourrir, ils exigèrent que Charles livre chaque année dans leur grenier 26 minots de blé froment réduit en farine, 24 minots de bons pois pour leur soupe, 200 livres de lard gras, un quartier de boeuf ou un mouton, un minot de sel et une demi-livre de poivre, 15 livres de tabac filé, 4 livres en poudre, des oignons, 50 choux, 6 pots d'huile à brûler, 25 livres de morues sèches ou saumons et anguilles et 2 "coubles" de chapons gras. Ils voulurent aussi 12 oeufs par semaine tant que les poules pondront. Dans la cuisine, ils voulaient une place sans cochonnerie.
        Pour se vêtir, Charles-François Gagnon et Marie-Reine Caron exigèrent de Charles qu'il leur fournisse du linge. Ils ont estimé la durée de chaque pièce de vêtement et demandèrent que ces pièces soient renouvelées après une certaine période. Charles-François demanda à avoir 3 paires de souliers d'Europe avec une nouvelle paire à tous les 3 ans, une paire de bas et de chausson en laine du pays par année, une bougrine doublée faite avec les fournitures en étoffes du pays à tous les 2 ans, une paire de culotte et mitasses en étoffe du pays tous les ans, un gilet au besoin, un bonnet drapé à tous les 2 ans, un chapeau à tous les 4 ans, un fichu de soie à tous les 4 ans, 2 chemises par année, un habillement en étoffe du pays au besoin pour les dimanches, fêtes et sorties. Marie-Reine Caron demanda une jupe en petite étoffe, 2 coiffes et un mouchoir de coton chaque année, un mouchoir de mousseline à tous les 3 ans, une paire de gants chamois tous les 2 ans et un jupon et mantelet au besoin.
        Charles-François avait une sucrerie. Il pourrait être le premier de nos ancêtres à produire du sucre d'érable. Il se réserva l'usage de la sucrerie aussi longtemps qu'il pourrait le faire. Lorsqu'il n'aura plus la capacité, il exigera que son fils Charles lui fournissent 25 livres de sucre d'érable par année.
            Concernant les sucreries ou érablières, Charles-François Gagnon avait aussi la sienne. Dans l’inventaire de 1788 qui fut fait suite au décès de sa première épouse Marianne Miville, on retrouve comme article des vaisseaux de sucrerie”. Ce terme signifie les chaudières qui étaient placées aux érables. Est-ce que le terme vaisseau” pour désigner une chaudière était largement répandu? Ce terme était encore utilisé à Tingwick beaucoup plus tard. Il semble que Charles-François aimait faire les sucres.
            Leur fils Charles pourra leur donner des travaux selon leur force. Charles-François se réserva comme travail de faire de la terre neuve sur un arpent et demi en superficie.
        Après leur décès, ils voulurent que leur fils les enterrent. Ils devront se faire dire un service avec leur corps présent et avoir chacun 25 messes basses pour le repos de leur âme.
Il y eut aussi le partage des biens de Charles-François Gagnon à ses enfants. Cet acte fait suite au décès de sa première épouse Marianne Miville. Ce partage se fit en présence de son beau frère Joseph Miville, subrogétuteur, de son frère François Gagnon, de son beau-père Louis Caron et de Charles Karouak. Le partage de ses biens consistait à séparer sa terre en 6 morceaux pour la donner à ses 6 enfants vivants. La terre concernée est celle que Charles- François avait obtenu en 1783 en plus d’une parcelle de terre qu’il avait au troisième rang de St-Jean Port Joli. Cette parcelle touchait à sa terre principale du deuxième rang.
            Le partage se fit par la même méthode employée par les générations précédentes. On fit 6 billets avec le nom de chacun des enfants. On les roula et on les plaça dans un bonnet où ils furent bien brouillés. On appela un petit enfant pour faire le tirage au sort. Cet enfant devait être la plus jeune de la famille soit Félicité. Elle avait alors 11 ans. Les billets tirés furent dans l’ordre ceux de François, Marthe, Victoire, Charles, Félicité et Joseph. La terre fut séparée en 6 parties en allant du sud-ouest vers le nord-est.
        Cependant un partage de ce genre devait plus tard créer des ^problèmes. Charles Gagnon était le donataire de son père par conséquent celui qui était appelé à devenir le principal propriétaire de cette terre. Il devait acheter plus tard chacune des parts de ses frères et sœurs. Au départ, il était seulement propriétaire du sixième de sa terre. Charles Gagnon s’est ainsi retrouvé avec une énorme dette. Cela l’a peut être amené à la situation économique difficile qu’il aura à vivre avec la vente d’une partie de sa terre en 1818.
            A partir de 1794, Charles-François ne s'occupa plus de la gestion de la ferme. Toutes les affaires furent dirigées par son fils Charles. A cause de cela, il n'apparaît presque plus sur les documents après cette date. Il continua d'être cultivateur avec son fils jusqu'à sa mort.
        Le 17 juin 1818, son fils Charles dut vendre une partie de son ancienne terre afin de payer des dettes accumulées. Charles-François Gagnon reconnut le fait et accepta le morcellement de son ancienne propriété.
        Marie-Reine Caron est décédée le 11 février 1818. Elle fut inhumée le 12 février. Elle était âgée de 76 ans. Charles-François Gagnon est décédé le 28 février 1824 à l'âge de 76 ans. Il a reçu les derniers sacrements. Il fut inhumé à St-Jean Port Joli le premier mars 1824.

8- CHARLES GAGNON et MARGUERITE ANGELIQUE JEAN
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        Charles Gagnon fut baptisé le 31 juin 1771. Il s'est marié avec Marguerite Angélique Jean le 7 octobre 1794 à St-Jean Port Joli. Marguerite est la fille de François Pierre-Jean et de Angélique Bélanger. Marguerite Angélique Jean fut baptisée le 9 février 1776 à St-Jean Port Joli. Ses parents ont vécu quelques années à St-Jean Port Joli avant de s’installer sur l’île au Canot dans l'archipel de Montmagny.
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        Les parents de Marguerite se sont mariés à Notre-Dame de Bonsecours de L'Islet en 1770. L'île au Canot était reliée à la paroisse du Cap Saint-Ignace. Marguerite avait une soeur qui fut baptisée en novembre 1782 à Cap St-Ignace. Etant donné l'éloignement, ses parents attendirent 19 jours avant de la faire baptiser. Les contacts avec l’extérieur n’étaient pas toujours faciles. Cette famille habitait déjà l'île en 1782.
        L'île au Canot est située à l'ouest de l'île aux Grues. Ses dimensions étaient de un mille et quart par un quart de mille. L'origine de ce nom remonte à 1633. Une expédition du père Lejeune s'arrêta dans cette région à l'île Patience. Un canot se détacha et partit à la dérive. Il alla s'échouer sur cette île auquel il a donné son nom. Cette île était petite et peu peuplée. Seulement une famille pouvait y vivre et y cultiver la terre. Elle était habitée depuis le début du 18e siècle. Beaucoup d'oiseaux migrateurs passaient par là. La chasse aux oies, aux grues, aux canards et aux outardes était appréciée sur ces îles. Le 28 juillet 1769, une ordonnance du gouverneur Guy Carleton interdisait la chasse sur cette île et sur toutes les autres environnantes sans avoir obtenu préalablement la permission du seigneur de l'endroit, monsieur de Longueuil.
        Leur contrat de mariage fut rédigé le 5 octobre 1794. Ils se marièrent en communauté de biens. Marguerite a reçu de ses parents une vache à lait, une brebis avec 2 agneaux de l'année. Etant donné que ses parents habitaient une île et que c'était l'automne, ils durent attendre l'année suivante pour livrer les animaux. La laine que les moutons auront produite d'ici là leur sera livrée. Elle reçut aussi un rouet, un lit, 2 cuillers d'étain, 6 assiettes et un plat de terre, son coffre avec la serrure garnie, ses hardes et son linge. La dot de Marguerite fut de 300 livres. Charles Gagnon était déjà le donataire de la terre de ses parents depuis le 17 janvier 1794. Le contrat de mariage confirma ce fait. Il ne pouvait recevoir rien de plus. A partir de 1794, Charles fut celui qui géra les affaires et la ferme malgré la présence de son père à la maison.
        Charles et Marguerite ne savaient pas écrire. Même s'il fut baptisé sous le nom de Charles, il est inscrit sous le nom de Charles-François ou encore de François-Charles dans certains documents. C'était probablement le meilleur moyen de le différencier de ses concitoyens qui portaient le nom de Charles Gagnon. Marguerite Angélique Jean fut identifiée comme étant Marie Marguerite Pierre-Jean lors de son mariage. Charles a été cultivateur à St-Jean Port Joli. Leurs enfants, nés à St-Jean Port Joli sont:
       
        1- Anomyme, mort-né le 6 avril 1796.
       
        2- Charles-François, né et baptisé le 11 mars 1797. Il est décédé le 25 mai 1802.
       
        3- François-Régis, baptisé le 1 avril 1799. Il s'est marié à Marcelline Caron le 14 février 1825. Il est notre aïeul.
       
        Le 3 juin 1794, Charles remit à sa soeur Victoire et son beau-frère Augustin Carrier ce qui leur revenait de l'héritage de leur mère Marie-Anne Miville.
        Le 11 juin 1805, Charles remit à sa soeur Félicité sa part d'héritage soit la somme de 81 livres et 20 sols. Elle avait reçu auparavant la somme de 8 livres et 6 sols comme étant sa part dans la vente d'une vieille maison. Elle habitait chez son frère Charles puisqu'elle a reconnu les bons services que celui-ci lui rendait. Pour cela, elle donna à Charles sa part devant lui revenir de la terre de ses parents et des bâtiments érigés dessus. Elle a dû continuer à vivre chez son frère Charles jusqu'à son mariage en 1814.
        Le 7 septembre 1805, Joseph Gagnon, le frère de Charles, vendit à celui-ci 2 perches et demie de terre de front sur 42 arpents de profondeur dans le deuxième rang de St-Jean Port Joli. Cette terre était sa part d'héritage dans la succession de sa mère Marie-Anne Miville. Elle était bornée au nord-est par André Leblanc dit George et au sud-ouest par Louis-Marie Caron et Basile Chouinard. Ce terrain fut payé au montant de 700 livres. Charles Gagnon se donna 2 ans pour payer cette somme à son frère. Le 14 juin 1806, Charles acheta la part de son frère François. Ils attendirent plus de 2 ans pour être payés. Le 28 mars 1810, les 2 frères reçurent chacun la somme de 700 livres de Charles pour le paiement final.
        Le 9 mai 1806, Ignace Aubert de Gaspé, écuyer et seigneur de Saint-Jean Port Joli concéda à Charles Gagnon une terre dans le quatrième rang de sa seigneurie. Elle avait 3 arpents une perche et 13 pieds de front par 42 arpents de profondeur. Elle était bornée au sud-ouest à Joseph-Marie Caron et au nord-ouest à Joseph Fournier. La rente seigneuriale fut fixée à 45 sols par arpent. Cette rente était payable au manoir seigneurial le 2 novembre de chaque année. Charles Gagnon dut faire arpenter cette terre à ses frais. Le seigneur se réserva certains privilèges sur cette concession. Les grains qui pourraient y être cultivés doivent être moulus au moulin de la seigneurie. Ce terrain ne pouvait être transigé avec une fabrique de paroisse. Le seigneur pouvait prélever à son gré le bois, les pierres et l'eau nécessaires pour la construction ou la rénovation de structures comme le moulin pour le grain, le moulin à scie, le manoir seigneurial et les bâtiments qui en dépendaient. Le bois de chêne pouvait être prélevé pour la construction ou la réparation de bateaux de sa majesté. A cette époque, l'empire britannique utilisait abondamment les chênes du Canada dans la construction navale. La flotte anglaise faisait la guerre à l'empire de Napoléon en Europe.
        Le 1er avril 1810, Charles Gagnon emprunta à son beau-frère André Bélanger, la somme de 1024 livres et 3 sols. André Bélanger était un cultivateur de St-Jean Port Joli. Charles s'est engagé à rembourser la totalité de la somme en 4 ans. Il ne paiera aucun intérêt durant cette période. Comme garantie, il a hypothéqué tous ses biens meubles et immeubles. L'utilisation de ce prêt, a servi en partie à faire une constitution avec Jean-Baptiste Dubé fils. Le 11 juin 1810, Charles et sa femme Marguerite s'engagèrent à payer comme rente annuelle la somme de 60 livres en or et argent ayant cours seulement. Ils devront payer cette somme chaque année jusqu'à ce qu'il y ait un remboursement de la rente. Le but de cette affaire est imprécis. Il semble que Charles Gagnon a loué quelque chose à Jean-Baptiste Dubé pour une longue période. En cas de défaut de paiement, Charles a hypothéqué sa terre de 3 arpents de large du deuxième rang.
        Le 29 août 1813, Charles Gagnon et Marguerite Angélique Jean firent leur testament. Bien qu'ils aient chacun leur propre testament, les formules et les clauses se ressemblent beaucoup. Etant sain d'esprit, ils déclarèrent: "considérant la certitude de la mort et l'incertitude de son heure et craignant d'en être prévenu sans avoir mis ordre à ses affaires disposé du peu de biens qu'il a plu à Dieu lui accorder, il désirait faire son testament". Ils dictèrent 5 clauses dans leur testament. Premièrement, ils recommandèrent leur âme à Dieu pour la vie éternelle et demandèrent l'intercession de la sainte vierge, leurs patrons saint Charles François ou saintes Marie Marguerite Angélique et tous les saints de la cour céleste. Deuxièmement, ils exigèrent que toutes leurs dettes soient d'abord payées avec leurs biens par leur exécuteur testamentaire. Troisièmement, ils exigèrent que leur corps soit inhumé au cimetière de l'endroit. Un service devra leur être chanté avec leur corps présent et en plus, on devra leur célébrer un service anniversaire un an après leur décès. On devra aussi célébrer 100 messes basses de requiem pour le repos de leur âme. Quatrièmement, ils léguèrent à leur fils François-Régis ainsi qu'à sa future épouse, la somme de 2000 livres. Cinquièmement, ils léguèrent le reste de leurs biens à leur conjoint survivant. Le conjoint fut nommé légataire universel.
        Félicité Gagnon devait se marier à Isaac Thibault en janvier 1814. A cette occasion, elle vendit sa part de terrain dans la succession de sa mère à son frère Charles le 7 janvier 1814. Cette portion était constituée en 2 perches et demie de terrain de front. Le prix de ce terrain fut de 1000 livres. Charles versa dans l'immédiat la somme de 450 livres. Ne pouvant payer la totalité de la somme pour l'instant, Charles promit à sa soeur de lui livrer 2 quinteaux de bonne farine. Il promit aussi de semer un minot de blé dans sa meilleure terre au printemps suivant. Les produits de la récolte irait totalement à Félicité.
        Le 11 juillet 1815, Charles et son épouse firent une constitution avec Joseph-Anselme Fournier. Celui-ci était cultivateur à St-Jean Port Joli. Les conditions furent presque les mêmes qu'ils firent avec Jean-Baptiste Dubé en 1810. Charles devra payer à Joseph-Anselme Fournier une rente de 24 piastres d'Espagne par année. Le paiement de cette somme se fera jusqu'au remboursement ou rachat de cette rente. Une fois de plus, Charles Gagnon a hypothéqué sa terre du deuxième rang comme garantie.
        Le 23 juillet 1815, Félicité Gagnon et son mari Isaac Thibault reconnurent avoir reçu la somme de 550 livres de son frère Charles. Cette somme était relative à l'achat de terre que Charles avait fait un an et demi auparavant.
        Avec toutes les dépenses que Charles Gagnon a effectué dans ses affaires au cours des années précédentes, il semble maintenant que sa situation financière s'est détériorée. On peut en plus supposer que les récoltes de 1815 furent mauvaises puisqu'il neigea en juin. Le 29 juillet 1817, Charles Gagnon reconnut qu'il devait la somme de 14 livres 17 chillings et 9 pences à Jean-Marie Bélanger, marchand à St-Jean Port Joli. Charles dut de nouveau hypothéquer ses biens meubles et immeubles. Le paiement de cette somme se fera avec un taux d'intérêt calculé à partir du 3 février de cette année. Le pourcentage de ce taux est indéterminé dans le document.
        Le 3 juin 1818, Jean-Baptiste Dubé reçut de Charles Gagnon la somme de 900 livres. Ce montant était relié à une obligation que Charles avait prise envers Jean-Baptiste Dubé le 17 février 1817.
        Charles Gagnon fut incapable de rembourser tous ses créanciers. Le 17 juin 1818, Charles et Marguerite Jean vendirent à Pierre Benjamin Chouinard une grande partie de ses terres. La description de ces terres se fait ainsi: au deuxième rang, un arpent de front sur 8 arpents de profondeur suivi de 1 arpent et demi et 6 pieds de front sur 34 arpents de profondeur. Cette portion de terre était située entre la propriété de Louis-Marie Caron et Pierre Bazile Chouinard au sud-ouest et à Charles Gagnon au nord-est. Au troisième rang, la terre de Charles Gagnon se prolongeait. Il vendit une partie du terrain soit un demi-arpent de front sur 8 arpents de profondeur. Ce terrain était borné au sud-ouest par celui de Louis-Marie Caron et au nord-est de Jean-Baptiste Leblanc. Au quatrième rang, il vendit une partie de terrain mesurant un arpent 5 perches et 15 pieds de front par 42 arpents de profondeur. Ce terrain était borné au sud-ouest par Joseph-Marie Caron et au nord-est par le terrain qui restait à Charles Gagnon. Sur sa terre du deuxième rang, les bâtiments dont la grange, 2 tasseries et une batterie se trouvaient en partie sur le terrain vendu. L'acquéreur se réserva le droit de les saisir ou de les enlever. L'acquéreur devra payer toutes les rentes seigneuriales pour l'année en cours. Charles Gagnon vendit ce terrain pour la somme de 8500 livres. De ce montant, il reçut 1020 livres. Avec le reste de l'argent dû, Pierre Benjamin Chouinard devra payer les créanciers de Charles Gagnon. Son frère François Gagnon De St-Roch des Aulnaies reçut la somme de 1500 livres, Germain St-Pierre reçut 600 livres, François Fortin reçut 216 livres, le notaire Simon Fraser reçut 60 livres, Joseph-Anselme Fournier reçut 288 livres et Jean-Marie Bélanger reçut 400 livres. Ces montants furent payés dans les 8 jours qui suivirent. D'autres dettes furent payées avant février 1819. Joseph-Anselme Fournier reçut 2400 livres, André Bélanger reçut 1016 livres et le notaire Simon Fraser reçut 1000 livres.
        Le 1er février 1819, Joseph-Anselme Fournier reçut de Pierre Benjamin Chouinard la somme de 2400 livres. Ce même jour, Charles Gagnon reconnut devoir à André Bélanger la somme de 1025 livres. A ce montant, on ajouta un intérêt de 6% commençant le 17 juin 1818. Comme garantie, Charles Gagnon dut hypothéquer ses biens meubles et immeubles. Il semble difficile d'expliquer le pourquoi de cette dette. André Bélanger aurait dû recevoir le remboursement complet de son prêt par Pierre Benjamin Chouinard au cours de cette période. Il n'est pas impossible que Charles Gagnon fut obligé de payer 2 fois la même dette.
        Le 12 août 1821, Charles Gagnon acheta de Raphaël Anctil un cheval de poil noir âgé de 11 ans. Le prix du cheval fut évalué à 38 piastres d'Espagne. Charles eut jusqu'au 3 juillet 1822 pour le payer.
        Le 11 février 1825, leur fils unique François-Régis fit rédiger son contrat de mariage. Charles Gagnon et Marguerite Jean en profitèrent pour faire la donation de leurs biens meubles et immeubles à leur fils. Elle comprenait la terre principale d'un arpent et demi de front au deuxième rang bornée au sud-ouest à Julien Chouinard et au nord-est à François Anctil dit St-Jean avec les bâtiments dessus. Au quatrième rang, il y avait la terre d'un arpent et demi de front sur 42 arpents de profondeur bornée au sud-ouest à Pierre Dessaint et au nord-est à Isaac Robin. Leurs biens meubles consistaient en ustensiles de cuisine, de biens pour l'agriculture et les animaux de fermes. Le paiement des rentes seigneuriales fut transféré de Charles à son fils Régis après le mariage.
        En retour de cette donation, Charles et Marguerite donnèrent des obligations à leur fils Régis ressemblant plus ou moins à celle que leur père Charles-François leur avait faites en 1794. Leur fils devra verser une pension annuelle en nourriture, en vêtements et en services. Ils demandèrent 25 minots de blé froment cultivé sur la terre et réduit en farine. Le blé sera livré avec le son. Pour la cuisine, ils demandèrent aussi un minot de pois cuisant pour la soupe, 200 livres de lard gras, 6 livres de graisse saindoux, 200 oignons, 50 pommes de choux, 12 livres d'herbes salées ou fraîches en été, 15 pots de bon rhum, un pot d'huile à brûler, 10 livres de chandelles, un quartier de bon boeuf ou vache, un petit cochon engraissé de 50 à 60 livres, 2 couples de volailles, une douzaine d'oeufs par semaine entre le 15 avril et la fin septembre de chaque année, 25 livres de sucre du pays (d'érable), un minot de sel, une livre de poivre, 30 anguilles, 2 poignées de moyenne morue verte, du vin au besoin pour leur maladie, une demie livre de thé et 12 minots de patates. Pour le bois de poêle, ils demandèrent 12 cordes en érable et 18 cordes de bois mou. Ce bois sera bûché un an à l'avance. Il sera rendu à la porte sans qu'il puisse être vendu à qui que ce soit.
        Les besoins de Charles en vêtements furent de 4 aunes d'étoffe du pays (plus ou moins 4 verges de tissus) croisées et foulées, employées en hardes à sa volonté avec les doublures et fournitures nécessaires. Il devra recevoir tous les ans 3 paires de bons souliers de boeuf tanné et raccommodés au besoin, une paire de bas de laine du pays rempiété au besoin, 2 paires de chaussons du pays, une paire de mitaine d'étoffe de cuir, un mouchoir de poche, 2 chemises de toile et une en étoffe du pays, 6 livres de tabac en poudre, 8 livres de tabac à fumer quand il sera incapable de le préparer, une veste de petite étoffe du pays et une paire de culotte de toile. Il demanda aussi un mouchoir de soie et un bonnet rouge du magasin à tous les 3 ans, un capot d'étoffe grise doublé à tous les 4 ans, un chapeau propre et une paire de mitaine de caribou à tous les 5 ans. Chaque année, il aura une peau de vieux mouton tannée pour faire des bottes. Il demanda aussi une fois pour toute une veste du magasin à son goût et un casque de loup-marin avec une cloque d'étoffe du pays.
        Les besoins de Marguerite en vêtements furent pour chaque année une jupe et un mantelet de petite étoffe du pays, 2 paires de souliers de boeuf tannés et raccommodés au besoin, une paire de bas et une paire de chausson de laine du pays, 3 chemises de toile du pays, une caline d'indienne et une de batiste à son goût, 7 livres de tabac en poudre, un mouchoir de poche et un petit châle pour le cou. Elle demanda également une coiffe à son goût et un corset de petite étoffe à tous les 2 ans, une paire de soulier français à tous les 3 ans, une paire de gant de chamois à tous les 4 ans, un châle de 3 ou 4 chillings à tous les 5 ans, un chapeau de soie garni à tous les 6 ans et une robe de bon "bombazette" à tous les 7 ans. Elle demanda aussi une fois pour tout une jupe et un mantelet de petite étoffe, une paire de bon bas de coton, un mouchoir de soie et une verge et demie de ruban noir.
        Lorsqu'ils n'auront plus la capacité physique, leur fils ou son épouse verront à leur procurer tous les soins temporels et spirituels. Ils les feront traiter par un médecin lorsque ce sera nécessaire. Ils auront comme corvée de faire cuire leur pain, de balayer leur chambre, d'apporter l'eau nécessaire, de dresser leur lit et table, de leur fournir des nappes et essuie-mains au besoin et de blanchir et raccommoder leur linge au besoin.
        Charles et Marguerite se réservèrent certains biens sur leur ferme. Ils se gardèrent une vache à lait dont le lait et le veau sera à leur profit. Leur fils devra nourrir et traire la vache. Il fera le beurre au besoin. Ils auront un cheval avec la voiture et le harnais à leur disposition en tout temps. Lorsque ce sera nécessaire, leur fils s'occupera d'atteler le cheval et de les mener à la messe. Ce cheval ne devra pas servir aux semences et aux labours. Ils se gardèrent un petit cochon qu'ils feront pacager et engraisser dans les clos de leur fils ainsi qu'une mère brebis de laquelle ils auront le profit de la laine. Tous ces animaux seront renouvelés au besoin.
        Charles et son fils Régis continueront d'habiter la même maison. La chambre de Charles était située au sud-ouest de la maison. Cette maison avait une cave et un grenier. C'est la seule description que l'on a de cette maison. A l'intérieur, Charles continuera d'utiliser un poêle, un lit garni, une batterie de cuisine, une poêle à frire, une bombe de fer, une huche, une table, 6 chaises, 2 poches, une bouteille, 2 verres, une pelle de fer, une hache, une pioche, un chandelier, un fer à repasser, une chaudière de fer blanc, une tasse à boire, une cuiller à pot, des grands chaudrons et des cuves et cuvettes. Ils pourront entreposer leur nourriture dans leur laiterie.
        Il y avait un jardin potager au sud-ouest de la maison. Tant que Charles pourra le faire, il s'en occupera en entretenant la clôture, en le piochant et en y apportant le fumier nécessaire. Plus tard, leur fils entretiendra le jardin. On y cultivait des choux, du tabac à fumer, des oignons et des herbes potagères. Il y avait aussi des pommiers.
        Charles transféra toutes ses dettes à son fils Régis. Les droits de propriété furent transférés le jour des noces de François-Régis Gagnon avec Marcelline Caron le 14 février 1825. Charles continua tout de même à surveiller les intérêts de la ferme. Il fut présent en août 1826 lorsque son fils Régis eut une obligation avec son voisin Julien Chouinard.
        Au recensement de 1825, il y avait 6 personnes qui demeuraient chez lui. On retrouvait un homme non marié entre 18 et 25 ans, un homme non marié entre 25 et 40 ans, un homme marié entre 40 et 60 ans, une femme non mariée entre 15 et 45 ans, une femme mariée entre 15 et 45 ans et une femme mariée au-dessus de 45 ans. Dans ce recensement, Charles et Marguerite sont facilement identifiables comme étant les plus âgés de cette famille. Une erreur s'est glissée pour leur fils François-Régis qui est l'homme non-marié entre 25 et 40 ans. Il devait déjà être marié lors du recensement. La femme mariée entre 15 et 45 ans est Marcelline Caron. L'homme non-marié entre 18 et 25 ans était Pierre Jean. Il était probablement un neveu de Charles Gagnon. Lors du contrat de mariage de François-Régis, il reçut un lit garni et 6 livres de laine. Il n'est pas possible d'identifier la femme non-mariée entre 15 et 45 ans.
        Malgré la donation de sa terre à son fils et toutes les obligations qui s'y rattachaient, les conditions du contrat de mariage ne furent pas respectées. Régis n'a pas fourni la rente qu'il devait à ses parents et refusa de le faire. Il est possible qu'entre 1825 et 1840 que Charles Gagnon et Marguerite Jean aient vécu plus ou moins dans la misère. Il en résulta que Charles poursuivit son fils Régis en justice.
        Le 11 mars 1840, Charles Gagnon porta plainte contre son fils Régis Gagnon à la cour du banc du roi à Québec. Le numéro de cette cause est 425. Les 2 parties furent appelées à comparaître le premier avril 1840. On reprit toutes les clauses du contrat de mariage rédigé en 1825. Charles voulut que son fils Régis Gagnon soit condamné à payer 30 livres pour chacune des 15 dernières années. La somme totale à payer aurait été de 450 livres. Cette cause fut retirée le 3 avril suivant. La poursuite fut probablement abandonnée. Charles pourrait avoir laissé tomber l'affaire ou encore les 2 parties sont arrivées à une entente. Cependant, c'est dans ce contexte familial difficile que Marguerite Jean allait mourir 9 jours plus tard.
        Marguerite Angélique Jean est décédée le 12 avril 1840. Elle eut sa sépulture le 14 avril à St-Jean Port Joli. Au moment du décès de Marguerite, Charles était encore un cultivateur. A cause des problèmes qu'il eut avec son fils, il est possible qu'il ait déménagé ailleurs. Lors de son décès, il est considéré comme étant un ancien cultivateur. Charles Gagnon est décédé le 26 juin 1842. Il fut inhumé le 28 juin à St-Jean Port Joli.

9- FRANCOIS-REGIS GAGNON et MARCELLINE CARON
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        François-Régis fut baptisé le 1 avril 1799. Il s'est marié à Marcelline Caron le 14 février 1825 à St-Jean Port Joli. Marcelline était la fille de Joseph-Marie Caron et de Geneviève Dubé. Ceux-ci étaient cultivateurs. Marcelline est née et baptisée le 12 mai 1808.
        Leur contrat de mariage fut rédigé le 11 février 1825. Ils se marièrent en communauté de biens. Marcelline Caron recevra la somme de 600 livres de ses parents lorsqu'elle sera majeure. Elle reçut en cadeau une vache à lait, un lit garni hors les rideaux, un rouet à filer, un coffre, son linge, 2 assiettes de craie, 2 cuillers, 2 fourchettes, 4 essuie-mains, 2 nappes, et 3 moutons. Ces biens furent donnés la même journée. Avec ses biens reçus, Marcelline renonça à la succession future de ses parents. La dot de Marcelline fut de 300 livres. En cas de décès d'un des époux, il y aurait un inventaire pour la succession des biens. Marcelline pourrait garder ses bagues et joyaux et Régis pourrait garder ses armes à feu.
        François-Régis reçut de ses parents leur terre et leurs biens meubles en donation. En retour, il devra les loger, pourvoir à leur nourriture et habillement et prendre soin d'eux dans leurs vieux jours. Le transfert de propriété se fit le jour du mariage.
        Les enfants de François-Régis et Marcelline Caron sont tous nés à St-Jean Port Joli sauf Cyprien. Ils ont eu comme enfants:
       
        1- Charles-Régis, né le 3 et baptisé le 4 avril 1826.
       
        2- Henriette, née le 8 et baptisée le 9 avril 1827. Elle s'est mariée le 3 octobre 1854 à Amable Fortin à St-Jean Port Joli.
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        3- Olympe, née et baptisée le 9 octobre 1828. Elle s'est mariée le 13 février 1849 à Guillaume Leblanc à St-Jean Port Joli. Un de leur enfant, Joseph-Arthur, fut vicaire à la cathédrale de Rimouski puis prêtre à St-Gabriel de Rimouski.
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        4- Virginie, née et baptisée le 9 janvier 1830. Elle est restée célibataire.
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        5- Louis Sébastien, né et baptisé le 21 janvier 1832. Il est décédé le 8 octobre 1836.
       
        6- Cyprien, né vers 1834. Il est décédé le 30 mars 1836 à l'âge de 2 ans.
       
        7- Marcelline, née le 13 et baptisée le 14 août 1835. Elle est décédée le 2 avril 1837.

        8- Honoré ou Charles Honoré selon le registre, né le 23 et baptisé le 24 novembre 1836. Il s'est marié le 22 novembre 1859 à Nathalie Chrisman à St-Jean Port Joli. Il est décédé le 1 octobre 1916 au même endroit.
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        9- Eugène ou Charles Eugène selon le registre, né le 26 juillet 1838. Il s'est marié à Virginie Fortin le 13 octobre 1863 à St-Jean Port Joli. Il est notre aïeul.

        10- Michel, né le 10 et baptisé le 11 février 1840. Il s'est marié le 25 juillet 1871 à Marguerite Morin à St-Paul de Montminy.
        11- Cléophas, né le 4 et baptisé le 5 octobre 1841. Il est décédé le 9 juin 1843.

        12- Damase, né et baptisé le 8 mars 1843. Il avait un emploi de commis en 1861. Il est resté célibataire.

        13- Célanire, née le 18 et baptisée 19 décembre 1844. Elle s'est mariée le 8 février 1869 à Alexandre Cloutier à St-Jean Port Joli.
        14- Vitalline, née et baptisée le 28 avril 1846. Elle est décédée le 12 mai 1846.

        Marcelline Caron ne savait pas écrire. François-Régis savait écrire. Il signait sous le prénom de Régis. Les petites écoles ont commencé à se développer un peu partout lorsqu'il était jeune. Même si le taux d'analphabétisme reste élevé, la majorité des enfants auront maintenant la possibilité d'apprendre à écrire.
        En 1825, la seigneurie de Port-Joli était dirigée par la veuve d'Ignace Aubert de Gaspé. C'est après son décès que son fils Philippe Aubert de Gaspé deviendra le dernier seigneur de Port-Joli. Les municipalités vont remplacer plus tard le régime seigneurial. Durant sa jeunesse, Philippe de Gaspé a fréquenté la haute bourgeoisie de Québec. Il y mena une vie un peu désordonnée et accumula plusieurs dettes. S'étant fait quelques ennemis, il revint à St-Jean Port Joli où il pouvait être tranquille. Il fit quand même de la prison vers 1840. Il devint par la suite un célèbre écrivain du 19e siècle. Il fut l'auteur entre autres des "Anciens Canadiens" et "Mémoires". Le comté de Devon fut remplacé par celui de L'Islet vers 1830.
        Selon les souvenirs de ses descendants Gagnon, Le père de François-Régis aurait voulu que celui-ci devienne un prêtre. Il aurait abandonné cette vocation. Après son mariage, il aurait eu des problèmes reliés à la consommation d'alcool. A une certaine époque, ces problèmes étaient assez graves qu'il a fallu placer ses enfants dans d'autres familles. Les faits décrits plus bas semblent confirmer cette situation.
        Le 6 août 1826, Régis fit une constitution avec son voisin Julien Chouinard. Il devra verser une rente annuelle de 2 Louis et 8 chillings. La raison de cette rente n'est pas mentionnée. Cette rente pouvait être rachetable donc être annulée. Régis doit donner comme garantie tous ses biens meubles et immeubles.
        Plusieurs habitants de la seigneurie étaient responsables de l'entretien des chemins. Une personne se faisait assigner un morceau de chemin qu'il devait entretenir avec possiblement une petite somme d'argent à leur disposition avec les moyens qu'il possédait. Il devait maintenir le chemin en bon état, réparer les clôtures et entretenir les fossés. Régis Gagnon était responsable d'une section appelée la route de l'église au premier rang près de Charles Dupoleau. Cette route existe encore. Le 29 juin 1827, l'entretien de cette route fut transféré à Bénony Thibault. Régis leur paya la somme de 8 piastres d'Espagne pour le transfert. Régis devint plutôt responsable d'une section appelée la route des Trois-Saumons. Cette partie fut transférée de son voisin François Anctil à lui. Cette portion était située au premier rang entre la terre de Félix Hétu et celle D'Isaac Robin. Cette route devait relier le chemin du premier rang à celui du deuxième rang. Régis reçut de François Anctil la somme de 10 piastres d'Espagne pour ce transfert.
        Régis a cumulé la fonction de marguillier de 1830 à 1831.
        Le 8 janvier 1831, Régis fit une constitution avec Joseph François Chouinard. Régis s'engagea à payer une rente annuelle de 12 piastres d'Espagne à Joseph François Chouinard. Cette rente pouvait être rachetée. Comme garantie, il hypothéqua sa terre.
        Entre-temps, Marcelline Caron devint majeure. Elle pouvait maintenant recevoir ce que ses parents lui avait promis avant son mariage. Le 2 janvier 1832, Régis et Marcelline reconnurent avoir reçu de Joseph Caron et Geneviève Dubé tous les biens qui étaient stipulés dans le contrat de mariage. Ils reçurent la somme de 100 piastres d'Espagne.
        Le 25 mars 1835, Louis-François Côté, agriculteur, vendit à Régis Gagnon et Jean-Baptiste Chrisman un lit tout garni sauf les rideaux et un poulain de 2 ans à poil brun. Ils payèrent 14 piastres d'Espagne pour ces acquisitions. On ne sait pas de quelle façon les 2 acheteurs se partagèrent le lit et le poulain. Jean-Baptiste Chrisman était menuisier. Sa fille Nathalie a été la bru de Régis Gagnon par le mariage de son fils Honoré.
        Régis Gagnon avait accumulé plusieurs dettes. Ayant des problèmes à les rembourser, il dut les faire reconnaître devant un notaire. A chaque fois, Il était obligé d'hypothéquer tous ses biens meubles et immeubles comme garantie. Le 10 mars 1838, Régis Gagnon reconnut devoir à Dominique Caron, agriculteur, la somme de 25 louis. Il eut un an pour payer cette dette. Le 19 juin 1838, Régis reconnut devoir au notaire Simon Fraser un montant d'argent d'environ 16 louis. Un intérêt de 6% fut ajouté à cette dette. Le 2 novembre 1838, Régis reconnut devoir à Julien Chouinard la somme de 700 livres. Il eut 2 ans pour rembourser ce prêt. A ce prêt il dut payer en plus un intérêt de 6%. Le 3 novembre 1839, Régis reconnut devoir à Edouard Chouinard, marchand de St-Jean Port Joli, la somme de 20 louis avec un intérêt de 6% à partir de ce jour. A cette date, il devait encore un certain montant d'argent au notaire Simon Fraser.
        Le mercredi premier avril 1840, Régis Gagnon fut appelé à comparaître à 2 procès devant la cour du banc du roi à la ville de Québec. Son père Charles le poursuivit pour ne pas avoir respecté les clauses de la donation de la terre inscrite dans le contrat de mariage. Au cours des années, il n'aurait pas fourni tous les biens nécessaires pour aider ses parents à subvenir à leurs besoins. Cette poursuite fut retirée le 3 avril.
        L'autre procès fut demandé par Dominique Caron. La plainte fut portée le 10 mars 1840 et le numéro de dossier de cette cause était 444. Régis Gagnon lui devait la somme de 25 louis et avait un an pour le rembourser. Il refusa de remettre cette somme. Le 6 avril 1840, Régis Gagnon fut reconnu fautif et la cour le condamna à verser la somme de 25 louis avec un intérêt commençant le 10 mars 1838.
        Régis Gagnon fut incapable de rembourser toutes ses dettes. Le 4 septembre 1840, il dut vendre au notaire Simon Fraser une partie de sa terre. Ce lopin de terre situé au deuxième rang consistait en 15 perches de front sur 2 arpents de profondeur. Ce terrain était borné au troisième rang au sud-est, au terrain restant à Régis au nord-ouest, à Julien Chouinard au sud-ouest et à François Anctil au nord-est. Il n'y avait aucun bâtiment sur ce terrain. La vente de ce terrain a servi à rembourser une dette de 16 louis 16 chillings et six pences. Cependant on laissa la possibilité à Régis de reprendre cette portion de terre s'il pouvait rembourser le montant dû. On appelait cela une faculté de réméré. Simon Fraser accorda à Régis Gagnon la permission de cultiver le terrain vendu en retour d'un intérêt de 6% sur la somme dûe. Cette clause fut valide à partir du 15 septembre suivant.
        Le 19 juillet 1841, Régis Gagnon acheta un cheval brun à Joseph Fortin pour la somme de 25 piastres d'Espagne. N'ayant pas d'argent pour le payer comptant, ils s'entendirent pour faire le paiement en 2 versements. Le premier 12 piastres et demie sera versé au prochain Noël et le deuxième paiement sera fait dans un an. Régis Gagnon dut hypothéquer ses biens et eut un nouveau créancier.
        Etant incapable de rembourser les dettes de ses créanciers, Régis Gagnon fut obligé de vendre sa terre. Le 7 juillet 1842, Régis Gagnon et Marcelline Caron vendirent à Antoine Paschal Caron la terre avec tous les bâtiments dessus du deuxième rang de St-Jean Port Joli. Antoine Paschal Caron était le frère de Marcelline Caron et il habitait au premier rang de St-Roch des Aulnaies. Cette terre mesurait alors 25 perches et 6 pieds de front sur le chemin du Roy du deuxième rang par 42 arpents de profondeur. Elle était bornée au sud-ouest par la terre de Julien Chouinard et au nord-est à François Anctil. Régis Gagnon put seulement conserver le foin et les grains de l'année en cours. Antoine Caron s'engagea à payer les arrérages de rentes seigneuriales s'il y en avait. Le prix de la vente fut de 262 louis 10 chillins soit l'équivalent de 1050 piastres d'Espagne. Avec cette somme, Antoine Caron dut payer tous les créanciers soit le notaire Simon Fraser avec 19 louis, le marchand Louis Fournier avec 25 louis, à Charles (?) avec 25 louis, à Joseph François Chouinard avec 50 louis, à Joseph Anctil dit St-Jean avec 15 louis, à Julien Chouinard avec 29 louis 3 chillins et 4 pences, à Dominique Caron avec 25 louis, à l'acheteur Antoine Paschal Caron avec 25 louis et au marchand Edouard Chouinard avec 31 louis 2 chillins et 1 pence et demi. Régis Gagnon recevra la somme de 18 louis 4 chillins 6 pences et demi comme étant le montant restant de la vente du terrain. Antoine Caron s'engagea à lui payer ce montant d'ici la prochaine Toussaint soit le premier novembre. Cette terre était la même que Joseph Durand avait donnée à Charles-François Gagnon 71 ans plus tôt.
        Après la vente de la terre, il est possible que la famille Gagnon ait continué à vivre au même endroit. En 1844, Régis Gagnon avait la profession d'agriculteur et d'instituteur. Le fait qu'il sache écrire l'a aidé à gagner sa vie.
        Le 27 septembre 1844, Charles Fonjamy dit Valboncoeur fit une donation à Régis Gagnon. Il lui donna une terre avec tous les bâtiments de un arpent et demi de front par 42 arpents de profondeur située au troisième rang de St-Jean Port Joli. Ce lopin faisait partie d'une terre de 2 arpents de front borné au sud-ouest par Bénony Leblanc et au nord-est par Bénony et Joseph Pelletier. En retour de cette donation, Régis Gagnon et Marcelline Caron devront voir à l'entretien des parents de Charles qui étaient Jean-Baptiste Fonjamy et Marie Clotilde Jean. Cette dame était une cousine de troisième degré de sa mère Marguerite Jean. Les charges consistaient à pourvoir à leur nourriture, au blanchissage du linge et au logement. Régis devra préparer du bois de construction pour bâtir une maison d'environ 20 pieds de longueur. Charles Fonjamy laissa à Régis des rideaux, un poêle, un chaudron, 2 assiettes, 2 couteaux, 2 fourchettes, 2 cuillers, 6 terrines, un plat de fer blanc, une table, 2 coffres, un buffet, un seau à eau, une cuvette, 2 pioches, des tasses, une pelle à feu, un tisonnier, un fer à repasser, une tarrière, la moitié d'un chou, 2 cochons, une brebis et une taure de 2 ans et demi. Tous ces articles devront servir à l'entretien de Jean-Baptiste Fonjamy. Charles Fonjamy donna aussi une partie de sa récolte de seigle soit 6 minots.
        Dans la période qui suivit, Régis Gagnon aurait eu plusieurs problèmes sérieux. Le 25 mai 1846, Régis Gagnon fut contraint de renoncer à la donation de Charles Fonjamy. Il dut se départir de la terre du troisième rang. On mentionne à cette date qu'il est comme en détresse et par conséquent incapable de remplir et accomplir ses charges et obligations envers Jean-Baptiste Fonjamy. Régis conserva seulement 2 cordes et demie de bois d'érable et de merisier.
        Après l'année 1846, Régis Gagnon ne sera plus jamais propriétaire d'une ferme ou d'un terrain. Lorsque le gouvernement fit les cadastres des seigneuries et qu'on assigna des numéros de lots aux terrains en 1859, il ne possédait rien. Régis fut dès maintenant journalier et il l'était encore lors du mariage de sa fille Célanire en 1869.
        Au recensement de 1851, Régis demeurait dans une maison faite en pièces ayant un étage. Il hébergeait sa femme Marcelline et 4 enfants: Honoré qui était journalier, Michel, Damase et Célanire. Il y avait aussi une autre famille qui aurait habité dans la même maison. Eugène n'habitait
pas au même endroit. Cela confimerait le fait qu'il ait été placé dans une autre famille.
        Le chemin de fer du Grand Tronc s'est construit à St-Jean Port Joli vers 1854. Les déplacements à l'extérieur seront dorénavant plus facile. Ce développement technologique annonçait aussi le début de plusieurs changements dans la façon de vivre des gens.
        Au recensement de 1861, Régis avait 62 ans et Marcelline avait 52 ans. Leurs enfants Virginie, Damase et Célanire demeuraient chez eux. Leur fils Honoré y demeurait aussi avec sa femme Nathalie Chrisman ainsi que leurs deux enfants qui étaient Alfred 3 ans et Esther 1 an. En 1861, il y a 2975 personnes qui demeuraient à St-Jean Port Joli.
        Régis Gagnon et Marcelline Caron étaient maintenant vieux. Il semblerait qu'ils n'aient pas fait de testament. Parmi leurs enfants, Honoré fut probablement le mieux placé pour subvenir à leurs besoins. Le 2 janvier 1863, il acheta de son beau-père Jean-Baptiste Chrisman une terre de un arpent et quart de front sur 1 arpent et quart de profondeur au premier rang de St-Jean Port Joli. Cette terre comportait des bâtiments et était accessible par le chemin du deuxième rang. Ce terrain était borné au nord-ouest par le domaine seigneurial. Il était prêt de la ville. Régis pourrait avoir habité ce site si on le compare avec les données du recensement de 1871.
        Au recensement de 1871, François-Régis, 72 ans, a loué une terre où il est redevenu cultivateur. Cette terre était située dans le deuxième rang et elle comportait une maison avec une grange. Il y avait un arpent occupé et un arpent amélioré. Il y avait 100 minots de patates en culture et 14 livres de tabac. Il possédait une vache, 4 moutons et un cochon. Il avait 2 moutons et un cochon tués pour la boucherie. Il avait aussi 75 livres de beurre, 9 livres de laine et 12 verges de drap et d'étoffe. Son fils Michel et sa fille Virginie vivaient avec lui. Son fils Honoré vivait aussi au deuxième rang.
        Le 4 janvier 1873, Honoré Gagnon vendit sa terre de un arpent et quart de front par un arpent et quart de profondeur ainsi qu'une autre terre au deuxième rang à Ephrem Chrisman. Honoré était alors journalier. Si Régis Gagnon a habité sur cette terre, ce fut pour lui la dernière fois qu'il fut agriculteur.
        François-Régis est décédé à 76 ans le 20 décembre 1875. Il fut inhumé le 23 décembre à St-Jean Port Joli. La semaine suivante, soit le 27 décembre, son fils Honoré fit une rétrocession à Mathias Chrisman. Ce geste pourrait être relié au décès de Régis. Si c'est le cas, elle concernait une terre située au quatrième rang de St-Jean Port Joli. Marcelline Caron est décédée à 68 ans le 18 mai 1876. Elle fut inhumée le 22 mai à St-Jean Port Joli.

10- EUGENE GAGNON et VIRGINIE FORTIN
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        Eugène est né le 25 juillet 1838 à St-Jean Port Joli. Son nom ne figure pas dans le recensement de 1851. Cependant il a été confirmé au même endroit à l'âge de 15 ans en 1854. Il savait écrire.
        A l'âge de 12 ans, il faisait les sucres sur une terre de la couronne. Il n'habitait pas chez ses parents à cette époque. Il aurait été placé dans une autre famille.
        Au recensement de 1861, Eugène Gagnon et Virginie Fortin demeuraient tous les deux chez Octave Dubé au deuxième rang. Les parents de ce dernier, Fabien Dubé et sa femme y habitaient également. Ces deux familles Dubé étaient cultivateurs. Virginie Fortin avait 14 ans et allait à l'école. Eugène Gagnon travaillait chez les Dubé sur la ferme. La maison qu'ils habitaient était en bois. Eugène et Virginie sont notés comme étant des étrangers à la famille. C'est sûrement à cette époque que Virginie et Eugène ont appris à se connaître. Les Dubé signeront comme témoin lors de leur mariage.
        Eugène Gagnon a marié Virginie Fortin le 13 octobre 1863 à St-Jean Port Joli. Virginie était la fille de Régent Fortin et de Madeleine Thériault. Elle est née le 28 et baptisée le 29 octobre 1847. Son père était instituteur en 1844 et commerçant à la naissance de Virginie. Régent connaissait probablement François-Régis Gagnon puisqu'ils ont signé ensemble dans les registres lors d'une sépulture le 23 mai 1843.
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        Malgré les problèmes de famille qu'il y avait dans celle d'Eugène, il est possible d'établir les rapports qu'il eut avec celle-ci. Son frère Michel et sa soeur Célanire signèrent leur nom dans les registres lors du mariage d'Eugène. Sa mère Marcelline Caron fut la marraine de leur premier enfant en 1864.
        Les parents de Virginie Fortin sont décédés en 1853 dans l'incendie de leur demeure. Elle avait alors 5 ans. Elle avait 3 frères: Régent 13 ans, Charles 9 ans et Joseph 4 ans. On leur assigna comme tuteur Louis-Marie Leclerc qui était leur grand-père maternel. Il devait être le second époux de Madeleine Morin qui était leur grand-mère. Leur oncle paternel Charles Bourbeau fut le subrogé tuteur. C'est plus tard que Virginie Fortin alla habiter chez Octave Dubé. Virginie Fortin était petite. Elle mesurait environ 4 pieds et demi. Elle a laissé comme souvenir l'image d'une femme ayant beaucoup de caractère. Elle imposait son point de vue.
        Avec Eugène, on a de lui des récits qui se sont transmis jusqu'à aujourd'hui. Pour mieux le décrire, je transcris intégralement plusieurs partie d'un document préparé par Soeur Evéline Gagnon de la congrégation Notre Dame. Ces parties sont disposées en ordre chronologique dans les paragraphes qui vont suivre. Ils sont aussi entrecoupés par des éléments trouvés lors de mes recherches. Le récit commence à l'époque où Eugène va commencer à travailler.
       
        "Sans doute bien conseillé et accompagné, Il part vers les Etats. Coiffé du chapeau de son père, vêtu de l'habit de lin tissé et confectionné par sa mère, il s'en va gagner sa vie. En ce temps- là c'était la coutume d'aller "weaver" aux Etats-Unis afin de se gagner un peu d'argent. Eugène sera d'abord balayeur et commissionnaire en attendant d'être assez âgé et assez grand pour apprendre à "weaver", le métier de tisserand. En attendant, c'est sûr, il se garde bon garçon. Plus tard, à 25 ans, il songe à fonder un foyer et il revient à Saint-Jean Port Joli afin d'y prendre femme, comme on disait alors. Bientôt il s'éprend d'amour pour une jeune fille de neuf ans plus jeune que lui. Virginie Fortin était orpheline, ses parents ayant péri dans l'incendie de leur maison. Elle fut élevée par un cousin de sa famille du nom de Octave Dubé; on lui procura l'avantage de quelque temps de pensionnat dans un couvent. On a dit que les parents adoptifs de Virginie la désavantagèrent car ils n'appréciaient pas ce jeune homme sans fortune. Virginie cependant avait vu clair; en cet ami, elle avait reconnu un bon chrétien sobre, rangé et travaillant. On raconte que ce jeune homme ne sacrait jamais mais il avait un patois "Vingaine"; lorsqu'on lui fit remarquer que Virginie ne savait pas faire la cuisine. il répondit: "Vingaine, je lui montrerai". Le mariage eut lieu le 13 octobre 1863."
        Eugène Gagnon et Virginie Fortin ont eu comme enfant:

1-  Eugène, né et baptisé le 9 octobre 1864. Il est décédé le 2 novembre 1864.

2-  Erasme, né le 18 octobre 1865 et baptisé le 12 novembre 1865. Il s'est marié à Clara Labonté en juillet 1891. Il a vécu principalement à Central Falls aux USA. Erasme et sa femme sont décédés en 1950.

3-  Arzeline, née en janvier 1867 à St-Jean Port Joli. Elle s'est mariée à Alfred Bouffard à Arthabaska le 8 janvier 1887. Après avoir vécu dans la côte d'Arthabaska, ils s'installèrent à Gravelbourg en Saskatchewan. En 1910, Alfred a acheté des terres à ses garçons. Il a construit plusieurs maisons à Gravelbourg. Il était ouvrier lors de la construction de la première aréna à Régina. Arzeline est décédée le 10 juin 1917.

4-  Rémi, né le 6 et baptisé le 7 février 1869 à Arthabaska. Il est baptisé sous le prénom de Roméo dans les registres d'Arthabaska. Il s'est marié à Louise Marchand à Arthabaska le 21 septembre 1891. Sa mère lui a offert la terre paternelle mais il n'y est pas resté longtemps. Il a habité Gravelbourg en Saskatchewan. On rapporte une anecdote à son sujet. La terre qu'il avait dans l'ouest n'avait pas beaucoup de roche. A la période des labours, il attelait ses 4 boeufs en avant de la charrue à deux rangs. Il s'assoyait sur le siège de la charrue et labourait tout en jouant du violon. Il est mort asphyxié vers 1918-19 dans un puits.

5-  Irénée, né le 5 et baptisé le 6 février 1871 à Arthabaska. Il est décédé le 2 septembre 1871 à Arthabaska.

6-  Albert, baptisé le 12 mai 1872 à Arthabaska. Il est décédé le 28 janvier 1874 à Arthabaska.

7-  Irénée, né le 31 juillet et baptisé le 1 août 1873. Il s'est marié à Sara Marchand à Arthabaska le 1 septembre 1891. Il s'est remarié avec Alphonsine McNeil à l'église Notre-Dame de Central Falls le 26 septembre 1901. Il est notre aïeul.
       
8-  Joseph, né le 26 et baptisé le 27 mai 1875. Il s'est marié à Marie Gingras à Central Falls le 9 juillet 1895. Il est décédé le 17 avril 1909 à Berlin falls aux USA.
       
9-  Marie-Adélaïde, née le 24 et baptisée le 25 décembre 1876 à Arthabaska.
       
10- Charles, né le 3 et baptisé le 8 avril 1883 à Arthabaska. Il s'est marié à Georgiana Graveline à Central Falls le 8 juin 1903. Il était mouleur dans une fonderie. Sa femme était fille unique. Elle avait hérité de 2 blocs appartement contenant chacun 6 appartements. Charles a possédé une Ford T qu'il a conservé toute sa vie. Il savait jouer du violon. Il est décédé le 23 octobre 1973 à Central Falls.
       
11- Odilon, né le 18 août 1886. Il s'est marié à Camille Lessard en août 1911. Ils habitaient Central Falls dans le Rhode Island aux USA. Il est décédé le 8 mars 1965.
       
        Le 10 novembre 1864, Charles Fonjamy fit une promesse de vente à Eugène Gagnon. Elle consistait en une terre située dans le canton de Casgrain. Ce monsieur Fonjamy est le même que celui qui avait fait une donation à son père François-Régis en 1844. Cette terre portait le numéro 33 et avait 4 arpents et 4 perches de front sur 30 arpents de profondeur. Elle était bornée au nord-ouest par Elzéar Morin, au sud-est à Pierre Vaillancourt et au nord-est par le chemin Elgin. Il n'y avait aucun bâtiment sur cette terre. Charles Fonjamy devait d'abord obtenir la patente du gouvernement pour ce lot de l'agent des terres Stanislas Drapeau pour faire valider la vente du terrain. Il dut aussi faire ratifier l'acte de vente par son épouse Flavie Larue. Le prix du terrain fut de 140 piastres. Eugène paya 10 piastres lors de l'achat. Le reste devra être payé comme suit: 50 piastres lorsqu'ils feront passer l'acte de vente avec l'agent des terres, 40 piastres à la fin de mars 1865 et 40 piastres à la Toussaint ou le premier novembre 1865. Charles Fonjamy s'est engagé à aider Eugène Gagnon à équarrir le bois pour la construction d'une maison de 22 pieds par 22 pieds de long.
        Le 30 juin 1865, Charles Fonjamy fit ratifier par son épouse l'acte de vente de 1864. A cette date, Eugène a déjà payé la somme de 95 piastres sur ce qu'il devait.
        Le canton de Casgrain est l'emplacement actuel de la municipalité de St-Pamphile. Cette paroisse est située tout près de la frontière avec les Etats-Unis. Pour s'y rendre, on partait de St-Jean Port Joli en utilisant le chemin Elgin. Aujourd'hui, c'est la route numérotée 204. A l'époque où Eugène a acheté cette terre, cette région devait être en voie de colonisation. Les gens devait continuer de traiter leurs affaires à St-Jean Port Joli. La paroisse de St-Pamphile commencera à tenir des registres paroissiaux en 1880 soit plusieurs années après le départ d'Eugène pour Arthabaska.
        Le premier octobre 1867, Eugène Gagnon et Virginie Fortin vendirent toutes leurs terres à Louis Chouinard. Celui-ci était un agriculteur. Cette vente inclus la moitié d'un lot de terre située dans le canton de Dionne au premier rang (rang A) portant le numéro 40. Cette terre avait 2 acres de front par 28 acres de profondeur. Cette terre était bornée au nord-est par le chemin Elgin, au nord par Elzéar Morin. Charles Fonjamy avait aussi une terre adjacente à celle-ci. Cette terre comprenait quelques bâtiments. Ils vendirent aussi la terre du lot 33 dans le canton de Casgrain. Il n'y avait encore aucun bâtiment dessus. Ils vendirent aussi tous les agrès, ustensiles, chaudrons et autres outils d'une sucrerie située aux Etats-Unis. Eugène devait rester tout près de la frontière américaine. Ils vendirent aussi leur récolte de l'année qui se trouvait dans les bâtiments de la ferme en plus des patates qui étaient encore en terre. Le prix de la vente fut de 500 piastres. Louis Chouinard paya la somme de 200 piastres. Le reste sera payé en versement de 100 piastres chaque année le premier novembre jusqu'au paiement final.
        Eugène et Virginie décidèrent de se rendre à St-Christophe d'Arthabaska. Le 16 décembre 1867, Eugène acheta une terre de Félix Pépin. A ce moment, Eugène est décrit comme étant un résidant de St-Jean Port Joli mais demeurant actuellement à la Ville d'Arthabaska. Félix Pépin n'était pas dans la province de Québec lors de cette vente. Il habitait Regauné au Michigan près du lac Supérieur. Il signa une lettre de procuration à son épouse Emélie Roux qui lui donnait les pouvoirs de vendre la terre. Cette terre était située au onzième rang du canton de Chester mais faisait partie de la paroisse de St-Christophe d'Arthabaska. Elle comprenait 2 arpents et demie de front et portait les numéros de lot 22 et 23. Elle comprenait des bâtiments. Le prix de vente fut fixée à 350 piastres que l'on appelait maintenant dollars. Eugène paya 40 dollars lors de l'achat. Le reste du paiement se fera comme suit. 10 dollars pour le 15 mai 1868 et 3 versements de 100 dollars à chaque 25 décembre pour les années 1868, 1869 et 1870.
        En ce même jour, Eugène acheta d'Edouard Marchand la partie voisine de la terre qu'il venait d'acheter. Cette terre avait 2 arpents et demie de front et faisait partie du lot 22. Le prix de cette terre fut fixée à 350 dollars.
        Les terres qu'Eugène avait acheté était borné au nord-est par le dixième rang d'Arthabaska, au sud-ouest par le canton de Tingwick, au nord-ouest par Léon Pépin et au sud-est par Pascal Marchand. En étant propriétaire, il devait payer des taxes municipales et scolaires. Il devait aussi faire des tâches de voirie pour l'entretien du chemin. Aujourd'hui ces terres sont codées lots 178-179 sur le 11e rang et 109-111-113 sur le 10e rang. Les bâtiments de ferme étaient sur le lot 22 du 11e rang. Cette terre avait le défaut d'être très rocheuse.
        Du côté politique, Le Canada était maintenant un pays souverain subdivisé en province et territoire depuis le premier juillet 1867. Arthabaska se retrouvait dans le comté du même nom. Au fédéral, il fut représenté par Wilfrid Laurier qui fut plus tard premier ministre du pays.
        Le 10 juillet 1871, Eugène Gagnon reçut de Louis Chouinard la somme de 300 piastres pour la vente de la terre du canton de Casgrain près de St-Jean Port Joli. C'est la dernière affaire qu'il traita avec les gens de sa région natale. Il est difficile de savoir quel genre de contact qu'il a pu conserver avec sa famille lointaine. Son frère Damase aurait tout de même visité sa famille.
        Le recensement de 1871 est celui où l'on donne la plus grosse description des produits de la ferme. Sur la terre d'Eugène, il y avait une maison, 2 granges et écuries, 2 voitures d'été et d'hiver, 2 charrettes et traînes et 2 charrues et cultivateurs. Il avait une terre de 100 arpents dont 30 arpents améliorés, 8 arpents en pâturage, 1 arpent en blé avec 8 minots de blé de printemps, 28 minots d'avoine, 5 minots de sarrasin, 1/2 minot de blé d'Inde, 47 minots de patate, 14 minots de navet, 15 arpents en foin, 700 bottes de 16 livres de foin, 3/4 de minot de lin, 17 livres de lin et de chanvre, 440 livres de sucre d'érable. Comme animaux, il avait un cheval de plus de 3 ans, 2 vaches laitières, 2 autres bêtes de race bovine, 9 moutons, 6 cochons. Comme produit divers il avait 2 cochons tués pour la boucherie, 30 livres de beurre, 30 livres de laine et 28 verges de toile. Comme produits de la forêt, il avait 10 billots de bois et 25 cordes de bois de chauffage.
        Eugène aimait faire les sucres. Il partait avec une traîne sauvage vers son érablière. Sa technique, différente de celle d'aujourd'hui, consistait à faire une entaille à la hache. Il plaçait un chalumeau fait à la maison et plaçait un récipient au pied de l'arbre. La sève était bouillie dans une grande marmite.
        Le 7 mars 1887, Eugène Gagnon reconnut devoir la somme de 200 piastres au marchand Georges Gendreau d'Arthabaska. Il eut 3 ans pour rembourser cette somme avec un intérêt de 8%. Cette somme était un prêt personnel relié à l'achat du terrain qu'il fit durant la même journée. Eugène acheta de son voisin Léon Pépin une terre de 16 acres. Ce lopin portait le numéro 112 et était situé dans le dixième rang du canton de Chester mais faisant partie de la paroisse de St-Christophe d'Arthabaska. Elle était adjacente à la terre qu'Eugène possédait déjà. A cette date, Léon Pépin habitait le ville de Ishpeming dans l'état du Michigan aux Etats-Unis. L'attrait pour aller vivre aux Etats-Unis devait être fort chez les habitants de la province de Québec. Le prix du terrain fut de 350 dollars U.S. Eugène avait déjà payé la somme de 100 dollars. Le reste fut payé en 5 versements annuels de 50 piastres avec un intérêt de 6%.
        Au recensement de 1891, Eugène était encore cultivateur à Arthabaska. Il habitait avec sa femme Virginie et ses fils Rémi, Irénée, Joseph, Charles et Odilon.
        A cette époque, Eugène partait travailler de temps en temps aux Etats-Unis à Central Falls. Son voisin, M. Verville se rappelait qu'il ramenait des jouets provenant des Etats-Unis.
        Eugène a revendu ses lopins de terre d'Arthabaska à Moïse Verville pour la somme de $1850.00 le 30 mars 1892. A la même date, il achète de David Leblanc une terre à Tingwick, le lot 458 au chemin de Craig pour la somme de $2400.00. La famille déménagea à Tingwick dans la municipalité de Chénier sur cette terre qu'on qualifie aujourd'hui d'ancestrale. La paroisse de Tingwick était divisée en 2 municipalités depuis 1863. La partie nord s'appelait Chénier en hommage aux patriotes de 1837-38. La partie sud s'appelait tout simplement Tingwick. Elle avait à cette époque une forte population anglophone. La colonisation de cette région avait commencé vers 1830. Ces deux municipalités devait fusionner en 1981 pour former la municipalité de la paroisse de Tingwick.
                Sur cette nouvelle terre, il y avait une maison dont les dimensions étaient de 28 pieds par 30 pieds. Elle comprenait une cuisine et 3 chambres au rez-de-chaussée. A l'étage supérieur, elle avait 3 chambres et un grenier. L'escalier n'avait pas de rampe. Elle avait aussi une cave sur fond de terre qui servait à entreposer les patates. Cette maison fut démolie en 1954. (correction à faire: démolie le 26 juin 1957)
        Le 28 septembre 1892, Eugène remboursa une dette de 300 piastres au marchand Georges Gendreau d'Arthabaskaville. Cette dette aurait été contracté en 1889. Eugène avait à cette date un lieu de résidence à Central Falls aux Etats-Unis.
        Le 15 novembre 1892, Eugène fit son testament. Voici le contenu:
        "Je recommande mon âme à Dieu, mon créateur et le supplie de me faire miséricorde. Je donne et lègue à Dame Virginie Fortin, mon épouse tous les biens meubles et immeubles généralement quelconque ni appartenant que je délaisserai à mon décès pour par ma dites épouse jouir, faire et dispose tous mes dits biens en toute propriété à perpétuité."
        Eugène avait 53 ans lorsqu'il acheta sa terre à Tingwick. Il n'a pas entrepris de gros travaux sur celle-ci. Il continuait à voyager pour travailler aux Etats-Unis. Pendant ce temps, sa terre était louée à une personne du village de Tingwick. Celle-ci la cultivait et récoltait du grain.
        Au recensement de 1901, Eugène avait 62 ans et Virginie en avait 53. Il était toujours cultivateur dans la municipalité de Chénier à Tingwick. Son fils Joseph habitait chez lui avec sa femme Mary. Ces derniers avaient leurs enfants Rose et Donat. Charles et Odilon habitaient encore chez leurs parents. Eugène devait mourir la même année à la suite d'un accident avec une faux. Soeur Evelyne a rapporté le décès de ses grands parents.
        "Notre grand-père mourut sur sa terre à Tingwick, le 16 mai 1901; il fut inhumé au cimetière d'Arthabaska. Lorsque la mort le frappa subitement, il était en train de faucher à la petite faux dans la côte à l'arrière de l'école. Il faut dire que cette école était justement située sur cette côte et n'était séparée de la maison que par une autre légère côte et un petit ruisseau. Cher Grand-père, il venait d'entendre la parole du bon Dieu: "Viens, bon serviteur..."
        Trois petits traits ont traversé ces années qui nous séparent de la vie de grand-père et sont parvenus jusqu'à nous. Je cite:

a) Grand-père Eugène conduisait la voiture de monsieur le curé Pierre Jutras lorsqu'il faisait la visite de la paroisse.

b) Il ne manquait pas ses 1000 Ave la veille de Noël. La tradition nous rapporte qu'il y a environ 1000 pas de Bethléem à la grotte où naquit Jésus. Ainsi lors d'une veille de Noël, on battait du grain dans la grange. Ne voulant pas manquer ses 1000 Ave, Grand-père, à tous les 10 Ave faisait une entaille avec son couteau de poche sur la rampe de la tasserie. Toutes ces coches sont demeurées là jusqu'à la fin des jours de cette grange, au moins 50 ans puisque la grange fut démolie vers 1954. Heureux temps où l'esprit de foi ne nuisait en rien au travail de ces braves gens.

c) Un dernier trait: Plus de trente ans après la mort de Grand-père, à la gare de Warwick, comme on descendait du train le cercueil de notre père Irénée, on entendit deux vieillards - sourds sans doute puisqu'ils parlaient très fort - faire l'éloge du père d'Irénée Gagnon: "...le bon vieux père Eugène, je l'ai bien connu dans le temps" disait l'un d'eux."

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        Notre grand-mère devenue veuve continuera l'exploitation de la ferme avec ses deux jeunes fils Charles et Odilon. C'était une personne jolie, avec une chevelure abondante, blonde et qui frisait naturellement. Même parvenue à la soixantaine, elle était encore coquette, nous assure-t-on. Grand-mère Virginie survivra onze ans à son mari et elle mourra sur cette même terre de Tingwick alors occupée par son fils Irénée."

        Après le décès d'Eugène, Virginie Fortin hérita de tous ces biens. Elle vendit la terre de Tingwick soit le lot no. 11 au 5
ième rang (plus tard lot 458) à son fils Rémi Gagnon le 21 août 1901. La vente incluait 167 acres de terre avec tous les animaux, voitures, harnais, instruments agricoles, agrès de sucrerie, le foin déjà récolté et à récolter et tous les biens mobiliers sauf les meubles, les articles de lingerie et de coutellerie. Le prix fut de 3500 dollars. Cependant, Rémi cultivait déjà une terre à St-Christophe d'Arthabaska.
        Le 15 février 1902, Rémi Gagnon fit une rétrocession à sa mère de cette terre. Il remit tous ces biens à sa mère sauf un "buggy" couvert, un poêle à cuisine, tous les foins, grains, paille se trouvant actuellement dans la grange, un lot de lin placé au-dessus de la batterie de la grange et tous les biens appartenant à Rémi Gagnon avant la vente de 1901. Rémi pourra utiliser les bâtisses du terrain pendant 2 ans commençant le 15 octobre 1901. Le terrain fut loué à David Verville, cultivateur de Tingwick. La location sera dorénavant perçue par Virginie Fortin. Avant de mourir, Eugène avait acquis une obligation de 1000 dollars avec hypothèque à William Walsh de Tingwick. Virginie Fortin s'acquitta de cette dette.
        Le 26 mai 1904, Virginie Fortin revendit sa terre à son fils Irénée.
        "J'ai très peu connu Grand-mère Gagnon puisque je n'avais que cinq ans lors de son décès. Tout de même j'ai quelques souvenirs personnels. Ainsi je me rappelle qu'elle allait vivre soit chez sa fille Arzeline, Madame Alfred Bouffard, à Arthabaska ou chez nous à Tingwick. Chez notre tante, il y avait de grands enfants alors que chez nous la maisonnée était encore jeune. Le déménagement se faisait en charrette l'été et en bob-sleigh durant l'hiver. Papa attelait deux chevaux et, avec Grand-mère, on apportait tout son ménage: lit avec bas de lit en dentelle, commode, valise, berceuse avec dossier et coussin, même le vase de nuit et son couvercle. En ces années, on ne connaissait pas les toilettes à eau; le jour, il fallait aller à la "bécosse" dehors; la nuit, sur le vase de tout le monde. Un jour que Grand-mère nous revenait "pour tout de bon", disait-elle, nous l'entourions avec bonheur à son arrivée. Tout à coup, très fatiguée du voyage sans doute, elle tomba assise sur une berceuse. Malheur! sur le coussin de cette chaise dormait au soleil le petit chat d'Oscar, mon frère. Du coup, Grand-mère qui était grasse et lourde, l'écrasa à mort. Déluge de larmes chez le jeune garçon de six ou sept ans. Il fallut que papa lui promette un autre chat encore plus beau et pour bientôt. La chambre de Grand-mère était comme un sanctuaire, n'y entrait pas qui le voulait. Je me souviens avoir pleuré pour y entrer mais je pense que c'était surtout pour avoir du sucre d'érable qu'elle gardait en réserve et qui m'attirait. Aujourd'hui j'admire cette femme grisonnante qui se prêtait volontiers pour amuser les enfants, qui tricotait pour nous, qui se fâchait aussi parfois mais que maman protégeait toujours beaucoup et de temps à autre à nos dépens, ce que nous ne comprenions pas toujours. Ce qui est certain, c'est que les grands-parents sont des bénédictions pour les familles surtout quand ils savent égrener leur chapelet comme le faisait si bien notre grand-mère."
        Virginie Fortin est décédée le 4 décembre 1912 dans la maison d'Irénée à Tingwick. Elle est morte dans sa chambre à coucher.
        "Je me souviens également de ces jours si tristes où la maison s'emplit de monde le jour et la nuit. C'est que "Mémère" était là couchée sans vie sur des planches recouvertes de draps blancs. Un suaire (linge blanc de toile mince) lui couvrait la figure, robe noire, bas noirs sans chaussures, mains jointes et un chapelet blanc entre les doigts. Des draps blancs couvraient les murs de sa chambre dont on avait retiré tous les meubles. Un cierge allumé tremblotait près du lit funèbre. Toutes les demi-heures, parents et voisins se mettaient à genoux, on retirait le suaire pour découvrir la figure et on récitait un chapelet. Puis on continuait de jaser à voix basse, les hommes ensemble et les femmes de même. A minuit, on prenait un réveillon de sandwiches et on buvait du thé. Le matin des funérailles, on apportait le cercueil pour y déposer la défunte. Grand-mère, comme son mari, fut inhumée au cimetière d'Arthabaska. "Mémère", continuez de veiller sur nous tous du Paradis où nous aimons vous voir. Ici-bas, elle avait atteint la fin de ses jours, âgée de soixante-cinq ans."
       
        L'EMIGRATION EN NOUVELLE-ANGLETERRE
       
        Entre 1830 et 1930, environ un million de canadiens français ont émigré aux Etats-Unis. Ce nombre élevé d'émigrants inquiéta les autorités mais ils ne purent rien faire contre cela. Ils partaient là-bas pour travailler principalement dans les manufactures de textile où ils devenaient tisserands. Les conditions de vie difficile sur les terres et les bas revenus incitaient les gens à chercher du travail dans les usines où la main d'oeuvre était recherchée. Partout dans le Québec, il y eut un réseau de bouche à oreille qui vantait le travail en Nouvelle-Angleterre. Les canadiens avaient la réputation d'être de bons travaillants en plus d'être stables et dociles. Même si sur place les conditions de vie n'était pas les meilleures, ils vivaient mieux que sur les fermes au Canada. Plusieurs s'y établirent définitivement mais d'autres revenaient après avoir accumulé de bonnes économies. La famille Gagnon fut aussi attirée par le travail aux Etats-Unis.
       
        11- IRENEE GAGNON et ALPHONSINE MCNEIL
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        Irénée est né le 31 juillet 1873 à Arthabaska. En première noce, il s'est marié à Sara Marchand le premier septembre 1891 à Arthabaska. Elle est née le 19 septembre 1869. Ici, on va continuer le récit de soeur Evéline Gagnon.
        "Irénée s'était marié à dix-huit ans à Sara Marchand, fille de Onésime Marchand d'Arthabaska. Ce monsieur Marchand, époux de Léontine Tardif, beau père de Irénée et grand père de Ida, mourra à 84 ans, le 27 avril 1918. Disons en passant que Sara était la jeune soeur de Louise, la femme de Rémi; donc les deux frères mariés aux deux soeurs. On m'a raconté que Irénée courtisait Louise d'abord, mais Rémi la lui vola lors d'une absence prolongée de son frère. On devine la peine profonde, mais monsieur Marchand, bon père de famille, présenta Sara au jeune Irénée. Tout est bien qui finit bien."
        Selon le recensement de 1891, Onésime Marchand était cultivateur. Sara savait lire mais elle ne pouvait pas écrire. Sara était reconnue comme étant bonne, patiente, propre, couturière mais elle avait une santé fragile.
        Après leur mariage, ils s'établirent à Central Falls aux Etats-Unis. Comme travail, Irénée livrait du charbon dans des poches de 50 livres pour la compagnie Cornette. Il a travaillé à Central Falls et Woonsocket au Rhode Island. La livraison se faisait avec des chevaux attelés à une voiture. Son salaire était de 13 dollars par semaine. Il habitait dans un logement. Irénée pouvait parler anglais.
        En première noce, Irénée et Sara Marchand ont eu comme enfant:

1-  Antoinette, morte jeune.

2-  Angéline, morte jeune.

3-  Aimé, mort jeune.

4-  Ida, née le 9 décembre 1897 à Central Falls, Rhode Island. Elle épouse Joseph Fugère le 23 juillet 1923. Celui-ci est né le 4 juin 1898 et est décédé le 19 décembre 1972. Ida est décédée le 17 décembre 1973 aux Etats-Unis.

5-  Anonyme, mort à la naissance.

6-  Jumeaux, morts à la naissance avec leur mère en avril 1898. Ils furent enterrés avec leur mère.


    "Huit ans après son mariage, Irénée avait déjà refermé trois cercueils d'enfants et sa femme mourra en donnant naissance à deux jumeaux qui mourront eux aussi et seront placés dans le même cercueil, celui de leur mère; c'était le 26 avril 1898. Notre père demeurait à Central Falls, les restes mortels des trois jeunes enfants reposent dans l'un ou l'autre cimetière de cet endroit. Pour ce qui est de sa femme Sara, j'ai lu l'an dernier (été 1989) qu'elle mourut à Woonsocket, Rhode Island - sans doute dans un hôpital - et qu'elle fut inhumée à Arthabaska où demeuraient ses parents. Veuf à vingt-cinq ans, seul avec une petite fille qui n'avait pas deux ans, il visite une cousine de sa mère, Rosalie Fortin mariée à Pierre McNeil. Ces cousins germains de Grand-mère Gagnon demeuraient tout près de chez elle. On y accueillit volontiers la jeune Ida. L'aînée des six demoiselles McNeil, Alphonsine, deviendra la seconde épouse d'Irénée. Il est facile de voir ici le jeu de la Providence. Le mariage eut lieu à l'église Notre-Dame à Central Falls, le 26 septembre 1901. En ce temps là, le mariage se célébrait durant une messe, mais les messes se célébraient le matin; il fallut aviser autrement. Alphonsine accompagnée de sa soeur Joséphine et de la jeune Ida, arriva au cours de la journée. On se rendit immédiatement au presbytère pour un mariage sans messe; ainsi le voulait la Liturgie de l'époque; il ne s'agissait pas de coucher dans la même maison sans être mariés. Le bon Dieu voit toujours les bonnes intentions. Les nouveaux époux continuèrent de vivre aux Etats où Irénée possède un magasin - genre dépanneur comme on dirait aujourd'hui - et cela jusqu'en 1904 alors que grand-mère Gagnon offre de vendre la terre à son fils. Le contrat de vente signé, c'est le déménagement, le retour au Québec. Sur ce chemin du retour, nos parents virent pour la première fois une automobile; elles sont bien rares les automobiles, ainsi en 1928, un seul homme de Tingwick en possédait une, c'était monsieur Napoléon Baril - une auto qu'on remontait avec une manivelle à l'avant et un toit qui ne se relevait que lorsqu'il pleuvait. C'est donc sur une terre que désormais Irénée et Alphonsine élèveront leurs onze enfants. Le bon air de la campagne semble faire du bien à tous et désormais il n'y a plus pour Irénée de petits cercueils d'enfants."
       
    Alphonsine McNeil est née le 20 juin 1874 à St-Vallier. Son nom de famille est d'origine écossaise. Si on pouvait établir la généalogie des McNeil, on se retrouverait avec une très ancienne famille. La première mention remonte vers l'an 1040 au 11e siècle sur l'île de Barra à l'ouest de l'Écosse. Le clan McNeil contrôlait cette île et y possédait un château. C'est Angus McNeil qui est venu au Canada au 18e siècle. Il est l'ancêtre d'Alphonsine.
    Lors de son mariage, Alphonsine McNeil travaillait dans une manufacture de textile où elle faisait de la couture.
    En seconde noce, Irénée et Alphonsine McNeil ont eu comme enfant:
       
1-  Angéline, née le 12 juillet 1902 à Central-Falls. Elle s'est mariée à Omer Baril. Elle est décédée en 1960.
       
2-  Aimé, né le 28 août 1904 à Tingwick. Il s'est mariée à Armande Boutin le 8 juillet 1930. Il est décédé le 10 juin 1993.
       
3-  Oscar, né le 19 novembre 1905 à Tingwick. Il s'est marié à Valéda DeSerre le 27 février 1933 à Tingwick. Celle-ci est décédée le 2 avril 1950. Oscar s'est remarié le 5 septembre 1959 à Aurore Chenard. Elle est décédée le 5 mai 1981. Oscar est décédé en 1984.
       
4-  Evéline, née le 14 juillet 1907 à Tingwick. Le 26 août 1930, elle entre dans la vie religieuse dans la congrégation Notre-Dame à Montréal.
       
5-  Antoinette, née le 13 juin 1909 à Tingwick. Elle s'est mariée à Rodolph Clement. Celui-ci est décédé le 2 novembre 1984.
       
6-  Wilfrid, né le 15 décembre 1910 à Tingwick. Il s'est marié à Corina Desfossé le 25 août 1936 à Ste-Clothilde. Il est décédé le 9 juin 1975 à Danville.
       
7-  Alice, née le 15 juillet 1912 à Tingwick. Elle est décédée le 23 janvier 1925 à Tingwick. Elle était atteinte de rhumatisme inflammatoire.

8-  Maurice, né le 3 avril 1914 à Tingwick. Il s'est marié à Noëlla Lupien le 15 août 1939 à Ste-Séraphine. Il est décédé le 26 juin 1992 à l'hopital Hôtel-Dieu d'Arthabaska.

9-  Aurèle, né le 28 janvier 1917 à Tingwick. Il s'est marié à Martine Roy le 15 janvier 1941 à St-Louis de France à Montréal.

10- Réal, né le 21 avril 1919 à Tingwick. Il s'est marié à Fernande Langlois le 24 octobre 1942 à Ste-Catherine à Montréal.

        Irénée loua la terre à son beau père Pierre McNeil qui demeurait à un quart de mille de chez lui. La terre fut louée de 1904 à 1906. Sur cette terre, en plus des bâtiments, il y avait un jardin, des cerisiers et des pommiers. Des érables à sucre se trouvaient en arrière de la terre.
        Comme biens matériels, Il y avait dans la maison 2 rouets, un métier à tisser, une tournette, un dévidoir, un moulin à laver le linge, une planche à laver, des cuvettes en zinc, une huche à pain, une baratte à beurre, un grand chaudron de fer, une grande horloge et un sofa. Il avait aussi comme instrument de musique un violon et un accordéon. Irénée savait chanter et raconter des histoires. Il avait aussi des outils qu'il mettait dans un coffre cadenassé. Ses enfants ne pouvaient pas les utiliser.
        En 1907, Irénée acheta la première école du rang. Il la déménagea près de la maison. Cette école qui portait le numéro 7 à Tingwick était située en face de l'autre école de rang sur le chemin de Craig. Il s'en servit comme porcherie, hangar et remise pour le bois de poêle. Ce bâtiment désaffecté fut détruit en mai 1977.
        Lors de la construction de l'église de Tingwick, Irénée aurait hissé la croix en haut du clocher principal. Cette croix est encore en place. Cette église commencée en 1906 fut achevée en 1907.
        Irénée Gagnon partait certains hiver pour travailler aux Etats-Unis. Ses fils s'occupaient de la ferme durant son absence. Avec l'argent gagné, il put acheter un évaporateur pour le sirop d'érable. On aurait commencé à entailler les érables sur cette terre vers 1916 mais l'évaporateur fut acheté 3 ou 4 années plus tard. Auparavant on utilisait un grand chaudron.
        Le 23 août 1917, Irénée passa un contrat à réméré avec Désiré Caron. C'était un prêt que s'il ne réussissait pas à rembourser, le prêteur pouvait saisir la terre qu'il avait. Il emprunta 1000 dollars avec un intérêt de 6% à compter du premier novembre 1921. Il a fini de rembourser cette dette le 29 octobre 1929. Le 19 octobre 1921, Irénée passa un autre contrat à réméré à Médéric Pépin pour la somme de 4000 dollars avec 6% d'intérêt. Cette dette fut remboursée le 7 juillet 1930. Le but de ces prêts était d'acheter de la machinerie agricole.
        En 1918, il y eut une chicane de clôture avec son voisin Mastaï Lambert. Celui-ci avait coupé un arbre sur le terrain qu'Irénée disait être le sien. Mastaï Lambert en disait autant. Le 30 mai 1918, Irénée fit venir Armand Crépeau, arpenteur-géomètre pour établir une ligne de division entre les deux terrains. L'arpenteur mesura en partant d'un vieux poteau du chemin et il installa une borne à la limite du rang V et VI. Cette borne faite en pierre de faïence sépara le lot 457 du lot 458.
        Irénée a cultivé la terre de Tingwick jusque vers 1926. Il laissa la terre à ses fils et partit travailler à Montréal dans une fonderie. A la fin de sa vie, Irénée Gagnon fut atteint d'un cancer à l'estomac. Il rédigea son testament le 6 novembre 1931 alors qu'il demeurait au 1211 rue Notre-Dame à Montréal. Voici le contenu:
       
        "1e Je donne et lègue à titre particulier les sommes suivantes qui ne seront cependant payables qu'au décès de mon épouse Alphonsine McNeil. A Oscar $1000, à Ida, épouse de Joseph Fugère $1000, à Antoinette $500.
        2e Je donne et lègue la propriété du résidu de tous les biens, meubles et immeubles qui composeront ma succession, par part égale à mes enfants, vivant ou représentant par descendance lors de mon décès, y compris, ceux-ci dessus nommés, lesquels pourront disposer comme bon leur semblera à compter du décès de mon épouse tel que ci-après ordonné.
        3e Tous les legs ci-dessous sont faits sous la réserve en faveur de ma dite épouse de l'usufruit et de l'usage, sa vie durant des biens qui les composent; à cet effet je lui lègue l'usufruit et l'usage de l'universalité de mes biens, sa vie durant, la dispensant de donner caution et de faire inventaire.
        4e Je défend à mes légataires d'aliéner durant la vie de mon épouse ma terre portant le no 458 des plans et livre du renvoi officiel du canton de Tingwick, dans le comté d'Arthabaska. J'entend en outre que mon fils Oscar ait la préférence de se porter acquéreur de cette terre sur tous les autres qui auraient l'intention de l'acquérir et ce pour le prix de $6000. Mon fils Oscar devra cependant notifier ses co-propriétaires de sa décision d'acheter la dite terre de ses dépendances au prix ci-dessous durant le mois qui suivra le décès de mon épouse à défaut de quoi il sera déchu de la préférence qui lui est présentement accordé.
        5e Je désire reconnaître ici que c'est avec ma permission que mon fils Aimé occupe la terre ci-dessus et j'entends qu'il puisse continuer son occupation jusqu'à une période de 2 ans après mon décès sans charge d'aucun loyer. Il est cependant bien entendu que mon épouse et mes enfants pourront aller y demeurer quand et comme bon leur semblera à titre gratuit et que mon fils Aimé, lorsqu'il quittera la terre, pourra garder comme sien son troupeau à corne et la charge toutefois de laisser sur la ferme, les chevaux, une vache, un cochon et des poules au nombre qui s'y trouveront.
        6e Je nomme ma dite épouse mon exécutrice testamentaire avec pouvoir d'agir comme telle au delà de l'an et jour fixé par la loi et jusqu'à l'entière exécution de mes présentes volontés, la dispensant de faire inventaires."
       
        Les montants remis dans la première clause du testament étaient les salaires de ses enfants les plus vieux qui avaient travaillé sur la ferme lorsqu'ils étaient majeurs. Chacun des enfants a tout de même reçu la somme de 75 dollars.
        "Notre père, Irénée Gagnon, devait mourir à cinquante-huit ans des suites d'un cancer à l'estomac. Il fut gravement malade durant six mois puis il s'éteignit chargé de mérites le 10 janvier 1932. Il aurait pu dire: "J'ai combattu le bon combat, j'attends du Seigneur l'éternel repos". Sa mission était accomplie sur terre. Papa mourut à Montréal, sur la rue Notre-Dame, proche de la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours. Il mourut muni des sacrements de la sainte Eglise, c'était un dimanche un peu avant minuit. Sa femme et presque tous ses enfants l'entouraient; il était parfaitement lucide et il avait bien hâte que le Seigneur vienne le chercher. Le lendemain on le transporta à Tingwick, sur cette terre où il avait vécu et travaillé durant 28 ans. Je l'entends encore me dire lors d'une visite que je lui faisais peu de temps avant son décès: "J'ai rêvé à un beau champ de blé tout mûr, tout doré... je pense encore à ces choses-là." Pour moi cette réflexion de papa était évidente: c'était le symbole de sa vie bien remplie aux yeux du bon Dieu, lui qui sait tout même nos secrets les plus intimes. Depuis quelques années, tout en gardant la terre, papa vivait à Montréal avec maman et les deux enfants encore aux études, Aurèle et Réal. D'autres aussi demeuraient encore avec eux: Antoinette, Wilfrid et Maurice qui s'étaient trouvés chacun un emploi. Pour moi, en ces années-là, j'enseignais comme professeur laïque à Tingwick. Je devais entrer au couvent à la fin de d'août 1928. Notre père travaillait de nuit dans une fonderie; il préparait les carrés de sable pour le travail du lendemain; le matin en revenant chez lui, il aimait entrer à la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours pour y participer au saint sacrifice de la messe. De temps à autre il se rendait à la sacristie pour jaser avec l'aumônier, Monsieur Legrand, un vétéran de la guerre 1914 et un prêtre qui connaissait bien les problèmes des familles en ce temps-là. Quatre ans avant son décès, quelques jours après mon entrée au noviciat, il fit venir tous ses enfants à Montréal sans leur dire pourquoi. Aucun ne manqua le rendez-vous. Ce dimanche là je les vis arriver tous au parloir. C'était la première fois que toute la famille se trouvait ainsi réunie dans un parloir d'une maison religieuse. En me quittant, ils se rendirent chez un photographe. A ce portrait unique de la famille, on ajouta mon portrait, voilà ce qui nous vaut aujourd'hui ce trésor de famille. Cher papa, vous avez bien fait tout votre possible pour bien élever votre nombreuse famille. Soyez-en béni éternellement. Notre père fut inhumé au cimetière de Tingwick, proche de la grande croix du centre, près de notre chère et bonne petite Alice."

        Le 4 mars 1932, la déclaration de transmission de la succession d'Irénée Gagnon se fit à Montréal. Alphonsine McNeil devint propriétaire de la moitié de la terre de Tingwick. Chaque enfant devint propriétaire du dixième de l'autre moitié. Ces dispositions ont créé beaucoup de problèmes. On ne pouvait s'entendre sur qui devait réellement cultiver la terre. Aimé Gagnon l'a cultivé jusqu'en 1934. Ensuite la terre fut négligée par ceux qui y habitèrent. A une certaine époque, personne n'y habitait.
        Le 15 mai 1942, devant les notaires Albert R. Champagne et Joseph-Edouard Jeannotte, Alphonsine fit son testament alors qu'elle demeurait au 4620 Brébeuf à Montréal.

        "1er Je révoque expressément toute disposition testamentaire antérieure aux présentes.
         2e Je donne et lègue en toute propriété à mon fils Réal l'universalité des biens et droits meubles et immeubles, réels ou, personnel, qui composeront ma succession sans exception, ni réserve y compris le produit de toute police d'assurance prises sur ma vie à la charge par mon légataire de payer mes justes dettes et de pourvoir à mes funérailles.
         3e Je nomme et constitue légataire universel mon seul exécuteur testamentaire."
       
         Au moment de la rédaction de ce testament, il y avait la guerre mondiale de 1939-1945. Les gens était appelés à s'enrôler dans l'armée. Aurèle l'était déjà. Alphonsine McNeil voulait que son fils Réal ne soit pas enrôlé en faisant le testament en sa faveur. Cependant, l'exécution de ce testament devait provoquer d'autres problèmes.
       
        "Maman, Alphonsine McNeil, survécut 12 ans à notre père. Après le décès de celui-ci, qu'elle avait soigné avec beaucoup de dévouement durant six mois, elle fit elle-même une grave maladie et ses forces allèrent en déclinant. Par son travail à la journée notre père avait réussi à libérer la terre de toute dette, mais c'était encore la grande crise économique. Notre mère ne fut pas capable de diriger cette grande terre et il fallut tout liquider. Sa fille Antoinette la reçut chez elle à Montréal. Jusqu'à sa mort, maman fut entourée de bons soins, de bonté et de respect par Antoinette. D'ailleurs maman s'ingéniait à lui rendre service dans la mesure de ses forces. Ses dernières années s'écoulèrent donc dans la sécurité de ce nouveau chez elle. Son chapelet ne la quittait guère, ce bon vieux chapelet mauve qui datait de sa première communion et que je revois avec émotion chaque fois que j'ai le bonheur d'aller chez Michel; il est là pendu au mur de la cuisine, souvenir d'une personne que nous chérissons encore tellement. Maman était sobre de parole; elle l'avait toujours été; son bon sourire nous en disait long lorsqu'elle nous écoutait. Chez elle, comme chez les gens proches de Dieu, elle faisait le bien sans faire de bruit. Nous lui gardons le souvenir d'une grande chrétienne dévouée, charitable, d'une mère attentive au mieux-être de tous ses enfants et petits-enfants. Atteinte de paralysie, maman mourut dans la paix du bon Dieu le mardi de Pâques, 11 avril 1944. Le lendemain à la messe, la Liturgie nous faisait dire: "Venez les bénis de mon Père, prenez possession du Royaume qui vous a été préparé." Comme celle de papa, sa dépouille mortelle fut transportée à Tingwick et inhumée au même cimetière. Née le 20 juin 1874, notre chère maman nous quittait à 69 ans. Que dans la paix du seigneur, elle continue de veiller sur nous tous et merci, mon Dieu, de nous l'avoir donnée; ses exemples de patience, de charité, de bienveillance demeurent et nous sont un stimulant au long des jours qui nous restent encore à vivre."
       
         LA GRIPPE ESPAGNOLE
       
         Toujours selon le récit de soeur Evéline.
         "La grippe espagnole en 1918. C'était en automne après le congrès Eucharistique de Victoriaville et surtout après l'armistice qui terminait l'affreuse guerre 1914-1918. Cette vilaine grippe faucha plusieurs membres de nos familles. L'église fut fermée, les écoles de même. On ramassait les cadavres sitôt après la mort et on les enterrait immédiatement à cause de la contagion. Je revois un cousin gros, grand et fort; il passe devant chez nous vers une heure de l'après-midi pour aller faire moudre du grain chez Monsieur Baril en bas de la côte. Or à cinq heures ce même jour, il était enterré au cimetière. Il n'avait que seize ans et il se nommait Donat McNeil. Notre famille immédiate fut préservée de cette contagion. Avec notre père, nous allions arracher des patates et autres légumes - j'avais alors 11 ans - chez nos parents malades car l'automne avançait et il y avait danger de gelée, donc de perte considérable chez ces cultivateurs malades et décimés par la grippe. Maman s'assurait chaque matin que nous avions notre petit sac de camphre au cou et nous recommandait de la renifler souvent. Le soir, une bonne tisane chaude nous aidait à mieux dormir."

CRISE ECONOMIQUE DES ANNEES 1930

        La dépression des années 30 est amorcé par le krash boursier de New-York en 1929. Toute l'économie nord-américaine en a été affectée.
        Les cultivateurs vendaient leurs biens presque pour rien et ils payaient cher les denrées qu'ils devaient acheter. Un animal de deux ans se vendait de $4.00 à $8.00, alors qu'en 1917, on pouvait le vendre $75.00. Le porc se vendait 6 sous la livre; le boeuf 4 sous la livre; le beurre 8 ou 9 sous la livre; le bois de chauffage, $1.25 la corde et on peut dire que le reste était à l'avenant. On n'achetait que le strict nécessaire. Les payes de fromagerie ne rapportaient qu'environ $5.00 par semaine, quelle somme ridicule et que de travail pour de si minces revenus!

12- AIME GAGNON et ARMANDE BOUTIN
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        Aimé est né le 28 août 1904 à Tingwick. Aimé a été élevé sur la terre de son père à Tingwick. Il a fréquenté l'école du rang qui était située près de chez lui. En 1922, il a travaillé dans l'ouest canadien à Gravelbourg chez ses cousins Bouffard et à Swift Current pour la récolte du blé en Saskatchewan. Il y est allé 2 ans. Par la suite, il a travaillé pour deux industries du bois et pour le port de Montréal. Ces emplois eurent lieu jusqu'en 1929.
        En 1928, il commença à fréquenter sa future épouse Armande Boutin. Vers la même époque, Aimé a suivi un cours d'agriculture à Victoriaville. Ils se sont mariés ensemble le 8 juillet 1930 à Tingwick.
        Armande Boutin est née 10 août 1909. Elle était la fille aînée d'Henri Boutin et d'Alma Leblanc de Tingwick. Henri Boutin travaillait à une industrie de porte et châssis à Tingwick. Armande a fréquenté l'école du village de 7 à 15 ans. Ensuite elle fut pensionnaire au couvent des soeurs de L'Assomption à Nicolet de 1925 à 1927 et au couvent de Warwick de 1927 à 1928. Elle a suivi un cour de science et lettres. Elle fut institutrice en 1928-29 à l'école du 11e rang de St-Rémi de Tingwick aux Trois lacs. En 1929-30, elle a enseigné à l'école du 3e rang. Après son mariage, elle a abandonné l'enseignement. Elle devait enseigner de nouveau de 1954 à 1956 à la petite école du chemin de Craig près de chez elle.
        Aimé Gagnon et Armande Boutin ont eu comme enfant:
       
        1- Carmen, née le 30 juin 1931. Elle s'est mariée à Charles-Edouard Croteau le 11 août 1956.
       
       
        2- Solange, née le 20 novembre 1932. Elle s'est mariée à Fernand Major le 25 juin 1963 à Longueil.
       
       
        3- Gérald, né le 24 janvier 1934. Il s'est marié à Thérèse Laroche le 2 juillet 1956.
       
       
        4- Jacques, né le 9 mai 1935 à Ste-Séraphine. Il s'est marié à Léona Bougie. Elle est décédée en 1970. Il s'est remarié avec Céline Nappert le 29 avril 1972 à Warwick. Jacques est décédé le 23 janvier 1991 des suites d'un accident. Il est enterré au cimetière de Warwick.
       
       
        5- Armand, né le 9 août 1936 à Ste-Séraphine. Il s'est marié à Jeanne-Mance Laroche le 20 juillet 1957 à St-Georges de Windsor.
       
       
        6- Julienne, née le 26 septembre 1937 à Ste-Séraphine. Elle s'est mariée à Jacques Goyette le 29 juin 1963 à Longueil.
       
       
        7- Michel, né le 15 février 1939. Il s'est marié à Lise Baril le 30 juillet 1966 à Tingwick. Il est décédé le 23 juillet 1970 à Providence dans l'état du Rhode Island aux Etats-Unis.
       
       
        8- Hélène, née le 24 août 1940 à Tingwick. Elle s'est mariée à Laval O'Ree le 15 juin 1963 à Edmunston au Nouveau-Brunswick.
       
       
        9- Raymonde, née le 24 mai 1942 à Tingwick. Elle s'est mariée à André Blanchet le 25 octobre 1975 à Montréal.
       
       
       10- René, né le 26 novembre 1943 à Arthabaska. Il s'est marié à Yolande Charron le 16 septembre 1967 à Sherbrooke.
       
       
       11- Antonin, né le 13 mars 1947 à Tingwick.
       
       
       12- Jean-Pierre, né le 25 juillet 1948 à Tingwick. Il s'est marié à Ginette Rheault le 9 octobre 1971 à Mont-Joli.


       Après le décès de son père Irénée, Aimé continua de cultiver la terre jusqu'en 1934. En 1931, il fit des modifications majeures à l'étable. Dans celle-ci, il y avait deux niveaux. Le premier niveau en bas était creusé dans le sol et recevait le fumier des vaches. Les vaches étaient installées sur le deuxième niveau. Elles étaient sur un pontage en bois avec des lattes. Le fumier tombait dans le premier niveau à travers des lattes. L'inconvénient de ce système était que le fumier faisait pourrir les lattes. Parfois le fumier débordait. Aimé a enlevé les lattes et il a rempli le premier niveau. Il a fait un fond en ciment à l'étable.
       Selon le testament de son père, il devait quitter la terre de Tingwick 2 ans après son décès. Certains frères d'Aimé vivaient dans la même maison que lui. Cette situation créait des tensions. Il devenait préférable pour lui et sa femme de déménager afin de pouvoir élever leur famille convenablement.
       Aimé Gagnon s'installa au 9e rang de Ste-Séraphine en novembre 1934. Il n'acheta cette terre que le premier juin 1937 d'Albert Lacerte pour la somme de $1600. Les lots concernés étaient le 1004 et le 1005 du canton de Warwick. C'était une terre plutôt sablonneuse comprenant une maison, une étable, un petit poulailler, des cerisiers et des pommiers. Il y a gardé des abeilles. Il quitta cette terre en mai 1939 pour retourner vivre à Tingwick. La terre fut vendue à la soeur d'Albert Lacerte soit madame Anne-Marie Hébert le premier juin 1940.
       A Tingwick, il habita d'abord dans une maison appartenant à Jos Comtois sur le chemin de Danville. Cette maison était située à un mille du village. Aimé a travaillé à cette époque pour la manufacture Caouette de porte et fenêtre. Son beau père Henri Boutin y travaillait. A l'automne 1940, la famille est déménagée au village dans le bloc Cantin qui était située près de l'église. Cette maison a été détruite beaucoup plus tard dans un incendie. Ils demeuraient au deuxième étage. Par la suite, ils ont déménagé dans le bloc voisin soit la maison Ouellet voisin du magasin Bourbeau. En 1942, ils redéménagèrent dans le bloc Cantin au premier étage. Ce bloc appartenait maintenant à Charles Hinse. Ils y ont demeuré peu de temps. Ils déménagèrent de nouveau à Arthabaska dans la côte de l'église. Aujourd'hui, c'est le 60 rue Laurier Ouest. Cette maison appartenait à un m. Labbé. Ils y restèrent 2 ans et demi.
       Durant cette période, Aimé Gagnon est allé à Montréal pour se trouver du travail. Au début, il n'en trouvait pas. Il serait allé implorer St-Joseph à l'oratoire St-Joseph pour en trouver. Il devait trouver un emploi quelques temps après chez la compagnie Crane Ltée de 1942 à 1947. Il a ensuite travaillé quelques semaines chez Canadian Tube (fer), un fabricant de hache à Montréal.
       En 1944, Alphonsine McNeil est décédée. Son testament avec celui de son mari Irénée n'avait pas réglé tous les problèmes de succession. Réal fut avantagé dans ce testament. En 1945, Aimé eut la permission de son frère Réal de cultiver la terre. Cependant la terre était négligée depuis plus de 10 ans. Elle ne produisait pas de bons rendements. C'est pour cette raison qu'Aimé a retourné travaillé périodiquement à Montréal pour subvenir aux besoins de sa famille. A cette époque chacun des enfants d'Irénée avait encore leur droits sur la terre de Tingwick. Le 5 octobre 1948, Aurèle, Antoinette et Eveline cédèrent leur droit à Réal. Le 16 octobre 1948, Ida et Angéline en firent autant. Le 21 octobre 1948, ce fut au tour de Aimé, Wilfrid, Maurice et Oscar. Le même jour, Réal vendit la terre à Aimé pour la somme de $2000.
       Il eut à faire beaucoup de défrichage afin d'avoir une terre productive. L'électricité fut installée dans la maison en 1947.
       Le 21 janvier 1951, Aimé acheta un boisé de 30 acres sur le lot 355 de Tingwick de sa tante Rose-Alma Lallier. Elle était la veuve de Joseph-Elzéar McNeil. Il avait en plus un droit de passage pour se rendre au boisé. Il a payé $1300 pour ce terrain. C'est là qu'il prit son bois pour bâtir une nouvelle maison. La construction se fit en 1953 et elle s'acheva l'année suivante. La famille s'est installée dans cette nouvelle maison en 1954.
       L'ancienne maison fut détruite le 26 juin 1957. Avec les vieilles planches, on construisit un petit garage sur le site de l'ancienne maison et une cabane à sucre à l'autre bout de la terre.
       Le 15 février 1958, Aimé Gagnon et Armande Boutin firent leur testament. En cas de décès d'un des 2 époux, ses biens iraient au conjoint survivant.
       Au recensement de 1961, Aimé Gagnon avait 167 acres de terrain dont 21 en avoines, 75 en foin, 25 en pacage et 46 en boisé. Il possédait un tracteur, 14 vaches laitières, 20 veaux, 45 poules et une érablière.
       Le 11 mai 1962, Aimé vendit la terre à son fils Armand pour le prix de $12000. Il y avait aussi des conditions dans la vente. Il se réservait le droit à lui et à sa famille d'y loger pour les cinq prochaines années. La terre ne devait pas être revendue avant 10 ans à moins que la préférence se fasse à Aimé Gagnon. Après la vente, il resta un an et demi chez Armand.
       Vers cette période, Armande Boutin était artiste-peintre. Elle a fait environ 400 peintures. Elle peignait principalement des paysages anciens. Elle signait ses oeuvres sous le nom de ABG pour Armande Boutin Gagnon. Elle a du abandonner la peinture à cause de problèmes d'arthrite.
       De 1961 à 1976, Aimé Gagnon a fait les sucres chaque printemps sur une érablière située sur le versant nord-est du mont Gleason à Tingwick. Celle-ci, en plus de la cabane à sucre comportait une écurie pour des chevaux et un camp pouvant être habité.
       Durant l'automne 1963, Aimé déménagea à Sorel où il y resta environ 6 mois. Ensuite, il demeura à Longueil. A la fin des années 1960, il déménagea cette fois-ci sur la rue Notre-Dame à Warwick. En 1971, il revint habité sur la terre natale de Tingwick. Cette terre appartenait maintenant à son fils Gérald depuis 1969.
       En 1974, il déménagea à St-Léonard près de Montréal dans le même immeuble que sa fille Solange. Il était aménagé dans l'étage supérieur de cette maison située sur la rue Mirepoix. En mars 1979, il déménagea au foyer de Tingwick. En juin 1982, il redéménagea à Longueil sur la rue Dupas. Il habitait l'appartement situé en dessous de celui de sa fille Raymonde. Le premier juillet 1985, il redéménagea à Warwick sur la rue Carillon. Plus tard, il devait aller vivre au foyer de Warwick.
       Durant les dernières années de sa vie, Aimé avait conservé l'amour de la terre. Il faisait un petit jardin près du foyer de Warwick. Il allait aussi à la cueillette des fraises. Avant de mourir, il se préparait à faire un petit jardin.
       Aimé Gagnon est décédé le 10 juin 1993. Il fut inhumé le 12 juin à Tingwick. Il avait 88 ans. Armande Boutin est décédée le premier juillet 1993 sur le premier coup de l'angélus des cloches de l'église de Warwick à 6 heures du soir. Elle fut inhumée le 5 juillet près d'Aimé. Elle avait 83 ans. Leur lieu de sépulture est à 4 pierres tombales de celle d'Irénée Gagnon.


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Descendance de l'aîné des fils de Aimé Gagnon (Gérald) dont est issu l'auteur de ces recherches (Gilles Gagnon):


13- GERALD GAGNON et THERESE LAROCHE
       
Gérald Gagnon s'est marié à Thérèse Laroche le 2 juillet 1956. Elle est la fille de Paul Laroche et de Florida Grondin de St-Georges de Windsor. Ils ont eu comme enfants:
       
        1-  Christian, né le 17 août 1957. Il s'est marié à Hélène Rioux le 24 avril 1993 à Tingwick.
       
        2-  Clément, né le 19 juillet 1958.
       
        3-  Gilles, né le 14 juillet 1959.
       
        4-  Suzanne, née le 8 août 1960. Elle s'est mariée à François Corriveau le 3 octobre 1981 à Tingwick.
       
        5-  Robert, né le 10 octobre 1961.
       
        6-  Huguette, née le 6 mars 1963. Elle s'est mariée à Daniel Grisé le 20 juillet 1985 à Tingwick.
       
        7-  Jean-Paul, né le 4 juillet 1964. Il s'est marié à Nathalie Boisvert le 25 octobre 1986 à Arthabaska.
       
        8-  Luc, né le 23 novembre 1966. Il s'est marié à France Boutin le 3 octobre 1992 à Warwick.
       
        9-  Rénald Gagnon, né le 3 mars 1969.
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